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QUESTION D'ACTU

Affaire Rochefort

L'exhibitionniste tire plaisir de la transgression

ENTRETIEN. L’interpellation du député Robert Rochefort pour masturbation dans un lieu public pose question. L’avis du psychiatre Philippe Brenot.  

L'exhibitionniste tire plaisir de la transgression By Nils Jorgensen / Rex Features




Interpellé par la police le 2 septembre dernier pour s’être masturbé dans un magasin de bricolage, Robert Rochefort député européen centriste, se défend dans un communiqué publié sur Facebook par son avocat Emmanuel Pierrat . Il s’insurge contre le non fondement de ces accusations. Il aurait « reconnu des choses fausses » auprès de la police après avoir été menacé. Au-delà de cette affaire d’exhibitionnisme présumé se pose la question du normal et du pathologique. Philippe Brenot est anthropologue et directeur des enseignements de sexologie à l’Université Paris-Descartes. Il est auteur du Nouvel éloge de la masturbation aux éditions L’esprit du temps.

Quelle est la définition psychiatrique de l’exhibitionnisme ?

Philippe Brenot : L'exhibitionnisme est ce qu’on nomme une paraphilie : littéralement une variation dans la manière d’aimer. En général, l’exhibitionniste est un homme. Il exhibe ses attributs sexuels devant une femme. La réaction de celle-ci et la transgression provoquent chez lui une jouissance.

Autrefois, on parlait de perversion sexuelle, pourquoi avoir changé de vocabulaire ?

Philippe Brenot : Perversion sexuelle, déviation sexuelle… ces mots ne sont plus utilisés car ils comportent un jugement moral. On est pervers ou on dévie par rapport à la norme. Or la norme sexuelle évolue selon les époques et les lieux. Il n’y a pas si longtemps, en Occident, l’homosexualité était considérée comme une maladie et une déviance.

Le nombre d’exhibitionniste est en chute libre depuis trente ans. Pourquoi ?
Philippe Brenot : Parce que la représentation de la sexualité a changé dans la société. On en parlait peu, le sujet demeurait tabou. Désormais, les jeunes filles ont appris que leur corps est à elle, et qu’elles peuvent dire non. Avec les images pornos qui ont circulé, elles n’ont plus été traumatisées par la vue du sexe d’un homme. Elles sont devenues capables de signifier au monsieur de remballer son petit matériel. Et de le traiter au passage de connard. L’affaire est ainsi réglée ! Plus de réaction de la spectatrice…plus de jouissance de l’exhibitionniste.

Quels sont les ressorts psychologiques sous-jacents ?

Philippe Brenot : Souvent les exhibitionnistes sont de grands timides, ils montrent de loin ce qu’ils n’osent pas dévoiler de près. En réalité, ils ont très peur des femmes. S’exhiber est donc pour eux une attitude…contraphobique destinée à apprivoiser leur peur. Sauf exception, ces individus vont rarement au-delà de ce dévoilement public. Ils ne sont pas dangereux. Ce ne sont pas des violeurs potentiels. Parmi les exhibitionnistes les plus connus, il y avait le célèbre Jean-Jacques Rousseau. Dans Les confessions, il écrit : j’allais par les allées me montrer aux personnes du sexe.

Robert Rochefort a  indiqué dans un premier temps avoir seulement eu besoin de soulager ses tensions sexuelles, ça vous étonne ?

Philippe Brenot : Certaines personnes dotées d’une hypersexualité se masturbent plusieurs fois par jour. Ça les calme effectivement. La masturbation est un anxiolytique naturel. Tant que cela reste dans le domaine privé, pas de problème. En revanche, il n’existe aucune nécessité impérieuse de se soulager dans un lieu public. Cela devient condamnable par loi pour toutes sortes de raisons d’équilibre de la société. Je suis très frappé du changement actuel. Les jeunes - et parfois les moins jeunes - ont perdu la notion de l’espace intime, de l’espace privé et de l’espace public. Il n’y a qu’à voir les personnes qui exhibent leur conversation au téléphone dans le train ou à la cantine. Le code a changé.

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