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Violences, inégalités, transphobie

Transgenres : des experts appellent l'OMS à une définition moins stigmatisante

Par Audrey Vaugrente

Leur définition erronée favorise les idées reçues. Les transgenres ne doivent plus être considérés comme des malades mentaux. Cela provoque détresse et troubles sociaux.

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Datée, sujette à débat, à l’origine de stéréotypes… La définition du transgénérisme doit évoluer. Actuellement, le sentiment de ne pas appartenir à son sexe biologique est considéré comme un trouble mental par les autorités sanitaires. De nombreuses associations plaident en faveur d’une modification des critères internationaux. Ce sont désormais des scientifiques qui s’emparent de la question. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) aborde le problème du mauvais côté, expliquent-ils dans le Lancet Psychiatry. Ce n’est pas le fait d’être transgenre qui provoque la détresse psychologique… mais la violence subie par cette population.

Signaux de détresse

Dans sa classification internationale des maladies de 2010 (CIM-10), l’OMS décrit l’identité transgenre comme « un désir de vivre et d’être accepté en tant que membre du sexe opposé ». A ce caractère principal s’ajoute un inconfort vis-à-vis de l’anatomie, le désir d’une chirurgie et d’un traitement hormonal afin de correspondre à son genre ressenti. Jusqu’ici, rien de bien choquant. Si ce n’est que cette définition est rangée dans la section des troubles mentaux. L’association américaine de psychiatrie (APA), s’appuie sur une explication similaire, mais y associe une détresse et une difficulté à fonctionner en société.

L’analyse est erronée, à en croire les résultats de l’Institut mexicain de psychiatrie Ramón de le Fuente Muñiz. Ses membres ont interrogé 250 personnes transgenres, âgées de 18 à 65 ans. La plupart d’entre elles étaient des femmes transgenres, c’est-à-dire dont le sexe de naissance est masculin. La détresse psychologique existe bien, tout comme les problèmes face à la société, révèle cette étude de terrain. Mais ce sont les conséquences des idées reçues.

Près de 80 % des transgenres rencontrés ont été rejetés par la société, en premier lieu par les membres de leur famille. Les violences physiques, voire sexuelles, sont également fréquentes. Là aussi, le cercle familial est régulièrement impliqué. Il n’est donc pas étonnant que 90 % des volontaires signalent une perturbation des liens familiaux, sociaux, professionnels ou scolaires.

Accès limité aux soins

Les personnes transgenres sont confrontées à de nombreux obstacles. Ce sont bien les idées reçues sur les troubles mentaux et leur identité qui sont au cœur du problème. Elles sont utilisées afin de justifier un statut précaire sur le plan légal. Mais surtout, elles freinent l’accès aux soins et peuvent occasionner une violation des droits de l’homme. Autant de facteurs qui nuisent au bien-être.

Le Pr Geoffrey Reed, principal auteur de ces travaux, souligne un danger majeur provoqué par cette mauvaise classification : son détournement. Elle a « été détournée pour justifier le refus de soins, et a contribué à l’idée que cette population doit être traitée par des psychiatres », explique-t-il. Il précise que certains Etats s’appuient sur ce document pour limiter le droit à l’auto-détermination et à une modification de l’état civil. La solution, à ses yeux : reclasser le transgénérisme parmi les troubles liés à la santé sexuelle.

L’Organisation Mondiale de la Santé révisera sa classification internationale des maladies en 2018. D’ici là, d’autres équipes reproduiront ces travaux, afin d’apporter la preuve qu’en l’état actuel, le texte favorise les inégalités. Brésil, France, Inde, Liban et Afrique du Sud commenceront prochainement les entretiens. Il y a fort à parier que l’Hexagone présentera des résultats similaires. Le rapport annuel de SOS Homophobie présente une situation peu enviable. La Commission nationale consultative des droits de l’homme a, de son côté, souligné l’extrême difficulté posée par les démarches de changement d’état civil.