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Edition spéciale du Lancet

Un transgenre sur cinq victime d'un refus de soins

Par Audrey Vaugrente

Les personnes transgenres sont 50 fois plus exposées au VIH que la population générale. Entre discriminations et refus de soins, leur santé est mise à rude épreuve.

pillerss/epictura

25 millions de personnes transgenres dans le monde et toujours pas de reconnaissance. Le prestigieux journal The Lancet consacre une édition spéciale à la santé de cette population trop souvent victime de discriminations. Entre 2008 et 2016, plus de 2 000 assassinats à leur encontre ont été dénombrés – une évaluation sans doute sous-estimée. Le tableau dressé est bien sombre, malgré de sérieux progrès accomplis en 2015. Au cœur du problème : l’accès aux soins des hommes et femmes transgenres et la méconnaissance des professionnels de santé.

50 fois plus exposés au VIH

Discrimination, idées reçues, insultes… Les personnes transgenre vivent souvent en marge de la société. « Vivre fièrement en tant qu’homme transgenre dans le petit pays d’Afrique subsaharienne qu’est le Lesotho m’a coûté cher », témoigne Tampose Mothopeng, directeur de l’association « People’s Matrix » au Lesotho, qui confie avoir été menacé physiquement de viol « de correction ».

Cette mise à l’écart a des effets concrets sur la santé physique et mentale des transgenres. Ainsi, jusqu’à 60 % d’entre eux souffrent de dépression. Anxiété et tentatives de suicide sont aussi monnaie courante au sein de cette communauté. « Le lien entre droits et santé n’a jamais été aussi visible dans une autre communauté que celle des transgenres », résume Sam Winter, co-auteur de la série du Lancet.

Du fait de cette exclusion, ces personnes  ont tendance à adopter plus de comportements à risque – rapports non protégés, usage de drogues… Conséquence logique, elles sont 50 fois plus à risque d’infection par le VIH que la population générale.

Former les soignants

Il n’y a pas que dans la vie privée que cette communauté souffre des discriminations. Sur le plan des soins aussi, comme le rapporte un éditorial du New England Journal of Medicine. 2 personnes sur 10 se voient opposer un refus de prise en charge en raison de leur identité de genre. Et si près de 30 % ont repoussé leur rendez-vous médical à cause de cela, autant ont été victimes de harcèlement de la part de l’équipe médicale.

C’est donc à la fois sur le plan social et médical que le monde doit s’améliorer. Car si 5 pays ont simplifié la reconnaissance de la dysphorie de genre – dont l’Irlande et le Danemark –, 17 exigent encore une stérilisation avant le changement d’état civil. La France est au nombre de ces Etats. L’écart est d’autant plus frappant par rapport à l’exemple de Malte, qui a affirmé dans sa loi le droit des transgenres à accéder à un soin de qualité.

Le bon soin, au bon moment : voilà ce que réclament les différents auteurs de cette édition spéciale du Lancet. La tâche n’est pas minime : selon le New England, une personne transgenre sur deux doit enseigner à son médecin les problématiques spécifiques de sa prise en charge. Améliorer les soins passera notamment par le remboursement des soins dédiés au même titre que les autres services de santé. Les professionnels de santé devront aussi être mieux formés.

Un effort similaire à la lutte contre le sida

« Parvenir à l’égalité de soins pour la communauté transgenre du monde demandera la détermination et l’approche systématique qu’a suscité le sida », avertissent Richard Horton et Selina Lo, rédacteurs en chef du Lancet. Pour y parvenir, un lourd travail sera nécessaire au niveau international, à commencer par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

En effet, le manuel diagnostique de l’agence sanitaire de l’ONU classe toujours la définition d’une personne transgenre dans les « troubles mentaux et du comportement ». Les auteurs suggèrent qu’elle soit désormais listée dans le chapitre « situations liées à la santé sexuelle ». Voilà qui devrait aider à lutter contre les idées reçues affirmant qu’être transgenre relève de la maladie psychiatrique… comme l’homosexualité en France jusqu’en 1981.