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Semaine Internationale du dépistage

Cancer du col de l’utérus : Marseille expérimente avec succès l'autotest

Par Léa Surugue

Le dépistage par frottis a réduit la mortalité du cancer du col de l'utérus. Pour les femmes qui n'en font pas régulièrement, les autotests par prélèvement constituent une bonne solution.

BANOS/TPH/SIPA

C’est la hantise de nombreuses femmes, lorsqu’elles se rendent chez le gynécologue. Pourtant, le frottis cervico-utérin est un outil de dépistage efficace qui a largement contribué à diminuer la mortalité liée aux cancers invasifs du col de l’utérus. Un message que martèlent les professionnels de santé, pour mobiliser les femmes, à l'occacion de la semaine européenne de prévention et de dépistage du cancer du col de l'utérus, qui débute ce lundi.

Recommandé pour toutes les femmes de 25 à 65 ans, tous les trois ans, le frottis permet de détecter des lésions cancéreuses ou précancéreuses, avant qu’elles n’évoluent en cancer. Tous les ans, celles-ci sont détectées chez plus de 31 000 femmes.

Cette pratique, couplée à la vaccination contre les infections à papillomavirus humain, constitue la principale mesure de prévention de ce cancer. Mais son succès n’est pas encore complet. 3000 cas de cancer du col de l’utérus sont encore diagnostiqués chaque année, donnant lieu à plus de 1000 décès.

 

Les oubliées du dépistage

En fait, si le frottis est un outil de dépistage incontournable, il peine à se généraliser chez les Françaises. Seules 61% d’entre elles suivent les recommandations de dépistage, et 15 % n’ont jamais fait de frottis.

Les freins au dépistage sont nombreux. Ils peuvent être d’ordre économique ou culturel, mais le refus de l’examen gynécologique ou l'absence de suivi gynécologique régulier expliquent en partie le non dépistage.

Ces femmes qui échappent au frottis sont le plus souvent issues de milieux précaires et/ou âgées de plus de 50 ans. Afin de les atteindre, un outil de dépistage alternatif, les tests d’auto-prélèvements, pourraient constituer une solution. Cette méthode, peu invasive, n’a pour le moment été testée qu'à titre expérimental dans quelques régions, avec de beaux succès.

 

Ce type de test est en effet relativement simple à utiliser et donne les mêmes indications qu’un frottis, de manière fiable. Il consiste à recueillir ses propres sécrétions vaginales, à l’aide d’un écouvillon spécifique.

L’ensemble est ensuite envoyé, dans une enveloppe fournie avec le kit du test, à un laboratoire qui l’analyse. Dans le cas où cette analyse est positive, la personne devra néanmoins s’adresser à un gynécologue afin de réaliser un frottis complémentaire, et éventuellement une colposcopie qui permet de déterminer si elle est atteinte de cancer. 

 

Expérimentations réussies

C’est à Marseille, qu’a eu lieu la plus grande expérimentation de ce dispositif, auprès de femmes qui rejetaient le dépistage l'examen classique. Entre 2001 et 2011, six campagnes ont été menées par l’association ARCADES, financées par l’Institut National du Cancer, le conseil régional des Bouches-du-Rhône, l'Agence régionale de santé, et la caisse primaire d'Assurance Maladie de la région.

Lors des trois premières campagnes, des femmes de 25 à 69, issues de foyers à faible revenu et n’ayant pas fait de dépistage depuis au moins deux ans ont reçu une invitation pour réaliser un frottis.

Pour les trois campagnes suivantes, 9334 femmes de 35 à 69 ans ayant refusé de participer à une première invitation de dépistage par frottis, ont été divisées en deux groupes. Dans le premier, elles ont reçu une nouvelle relance pour effectuer le frottis, dans le second, elles ont été invitées à effectuer un auto-prélèvement, à renvoyer en laboratoire grâce à un kit et à une enveloppe envoyés à leur domicile.

Les résultats sont très encourageants. Par exemple, lors de la quatrième et de la cinquième campagne, les taux de frottis ont respectivement été de 7,3 et 2% contre 26,3 % et 18,3 % pour les autotests.

Cette méthode a aussi permis à un plus grand nombre de patientes atteintes de lésions précancéreuses d'être détectées et prises en charge. Une autre expérimentation, en Indre-et-Loire, portant sur 2500 femmes, arrive aux mêmes conclusions.

 

Les généralistes, acteurs du dispositif

En dépit de ces bons résultats, l’idée d’une généralisation des tests de prélèvements n’est pas encore d’actualité. En effet, si la méthode permet d’amener au dépistage des femmes qui n’y ont habituellement pas accès, elle suscite un certain nombre d’interrogations.

D'abord, contrairement au frottis, l’autotest ne permet pas à la patiente de maintenir un contact avec les professionnels de santé, et donc d'être informée et sensibilisée de manière optimale. Au cas où le résultat de l'autotest est positif, se pose la question de qui doit annoncer le résultat, et comment, afin de rassurer une patiente souvent isolée et en rejet par rapport au monde médical. 

 « C’est une question d’environnement. Quand vous faites un frottis, vous parlez de votre contraception, des IST, de cancer de seins, le frottis n’est qu’un petit morceau d’une consultation plus complète qui permet de parler des problèmes gynécologiques. L’autotest n’est jamais qu’une petite partie », explique le Dr Bernard Huynh, gynécologue au CHU de l’hôpital Bicêtre et trésorier de la SFCPCV (1).

Une généralisation du dispositif ne pourra pas se faire sans l’appui des médecins généralistes, qui sont parfois les seuls interlocuteurs médicaux de ces femmes. Problème : eux mêmes ne sont pas toujours bien informés au sujet de ces tests.

« Si l’autotest est associé à une formation réelle des médecins généralistes qui vont donner un avis après les résultats des tests, alors c’est un outil intéressant. Si les femmes ont le résultat positif et qu’on n’en fait rien après, ça ne sert à rien. On sait que l’autotest fonctionne sur le plan technologique, mais il faut que les femmes à risque aient aussi le conseil de santé adapté », souligne le Dr Huynh.

Sans formation préalable, les médecins traitants éprouveront des difficultés à proposer ces tests à leurs patientes, et à en décrypter les résultats, notamment pour expliquer que mêmes positifs, ceux-ci ne sont forcément dramatiques, puisque la présence des lésions n’est pas forcément synonyme de cancer.

A noter que si ces tests étaient amenés à se généraliser, ils ne remplaceront pas le frottis. De même qu’aujourd’hui, le fait d’être vacciné ne signe pas l’arrêt du dépistage. Comme aux Etats-Unis, où la combinaison frottis-autoprélèvement est recommandée par la American Cancer Society, tous les cinq ans, ces tests pourraient simplement venir enrichir la prise en charge des Françaises, en faveur des plus précaires.

 

(1) Société Française de Colposcopie et de pathologie cervico-vaginale

 
 

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