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Disulfirame

Sida : les vertus insoupçonnées d'un médicament contre l'alcoolisme

Par La rédaction

Et si une molécule datant des années 1950 s'avérait utile dans la lutte contre le VIH ? C'est ce que suggèrent les premiers résultats d'un essai clinique australien.

GILE MICHEL/SIPA

Les traitements antirétroviraux ont certes permis de diminuer drastiquement la mortalité du VIH. Mais si les symptômes et l’impact du virus sur l’organisme peuvent rester contenus des années durant, il n’en reste pas moins que les malades restent infectés, avec le risque de voir la charge virale augmenter à nouveau.

En marge des nombreuses recherches qui tentent de mettre au point des médicaments innovants pour venir à bout du VIH, certains scientifiques testent aussi des molécules connues, parfois de longue date, et utilisées dans des champs d'application éloignés de l'infectiologie. C'est ainsi qu'une équipe américano-australienne a découvert qu'un médicament utilisé dans le traitement de l’alcoolo-dépendance pourrait permettre de franchir un cap crucial en direction de la guérison. Les résultats de cet essai clinique ont été publiés ce mardi dans la revue médicale Lancet HIV.

Vider les réservoirs viraux

« Réveiller le virus » : l’objectif des recherches menées contre le VIH par l’équipe de Sharon Lewin, directrice de l'institut Doherty à Melbourne, peut de prime abord surprendre. Pourtant, cette étape serait la clé pour espérer, à terme, débarrasser les malades du virus. En effet, même sous trithérapie le virus reste présent, à l’abri dans certaines cellules qui font office de réservoir. Comme l’explique l’auteur de cette étude, Julian Elliott, directeur de la recherche clinique dans le service des maladies infectieuses à l'hôpital Alfred à Melbourne, « réveiller le virus est seulement la première étape pour l'éliminer ».

Une molécule connue depuis 60 ans

La démarche n’est pas nouvelle, de nombreuses équipes ont déjà cherché un moyen de stimuler ces réservoirs dans l’espoir ensuite de mieux pouvoir cibler le virus. Problème : la plupart des molécules testées se sont avérées toxiques pour les patients.

Et justement, c’est là où l’équipe de Sharon Lewin, a progressé. Leur essai clinique de phase 2, mené sur une trentaine de patients séropositifs, a permis de confirmer que le disulfirame permettait bel et bien de stimuler le VIH dormant, sans effets secondaires pour les malades.

Originalité de l’approche : le disulfirame n’est pas une quelconque molécule innovante, de dernière génération, mais un produit synthétisé depuis les années 50, et utilisé depuis les années 2000 pour traiter… l’alcoolo-dépendance. Le disulfirame a, en effet, la capacité bloquer les enzymes qui dégradent l’alcool ingéré, et reproduit donc tous les symptômes de la gueule de bois.

La prudence reste de mise

Dans un domaine de recherche, où les faux espoirs sont légion, et face à une maladie qui a tué près de 35 millions de personnes dans le monde, la prudence reste de mise. Brigitte Autran, professeur d’immunologie à l’université Pierre et Marie Curie (Paris), le souligne dans un  commentaire publié conjointement à ces résultats. « On est encore très loin d’avoir trouvé la solution pour obtenir une vraie guérison des patients séropositifs, même une rémission qui leur permettrait de se passer de traitement », prévient-elle.