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Etude sur 700 000 hommes

Rythme cardiaque : indicateur d'un comportement violent

Par Audrey Vaugrente

Le fait d’avoir un faible rythme cardiaque au repos augmente le risque de commettre en crime ou d’en être victime. 

Le système phrénologique de Franz-Josef Gall (MARY EVANS/SIPA)

L’anatomie du criminel : voilà un sujet qui agite science et médecine depuis plus d’un siècle. Depuis Cesare Lumbroso, dont les planches décrivaient le faciès de l’homme criminel, et la phrénologie de Franz-Joseph Gall, les fausses pistes se sont multipliées. Encore aujourd’hui, il reste difficile de faire le part entre l’inné et l’acquis dans ce domaine.

Une étude scandinave apporte sa pierre dans ce domaine très délicat. Elle ne s’intéresse pas à la physionomie du criminel mais plus à sa biologie. D’après les conclusions, parues dans le JAMA Psychiatry, le rythme cardiaque au repos des adolescents pourrait être un signe prédicteur de comportement violent à l’âge adulte.

Risque accru de 39 %

A l’origine de ces travaux, une hypothèse : le pouls au repos indique la réaction au stress et à la peur. Pour confirmer cette association, une équipe finlando-suédoise s’est penchée sur le rythme cardiaque de 710 200 hommes nés entre 1958 et 1991. Une large population qui « place la base empirique des résultats longitudinaux au-dessus de tout soupçon », d’après le philosophe Adrian Raine, qui commente les conclusions dans un éditorial.

Les mesures ont été réalisées lorsqu’ils ont effectué leur service militaire, à 18 ans environ, et le suivi a duré 36 ans en moyenne. Sur la même période, 40 000 hommes ont été condamnés pour crime violent.

Après prise en compte des facteurs psychologiques notamment, les chercheurs concluent qu’il existe bien une association entre un faible pouls au repos et la probabilité d’être impliqué dans un crime violent. Les hommes dont le rythme cardiaque est le plus bas (60 battements par minute ou moins) sont 39 % plus à risque de commettre un crime violent, et 25 % plus à risque de commettre un crime non violent. Cette association n’apparaît pas lors des crimes sexuels.

Des hommes moins réactifs

Aux yeux du philosophe Adrian Raine, de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie (Etats-Unis), le rythme cardiaque est un facteur de risque « sans équivoque ». Mais il ne concerne pas que le fait de commettre un crime, rappelle-t-il. Il affecte aussi le risque d’en être victime.

Comment expliquer cette association entre pouls bas et criminalité ? Les auteurs de l’étude avancent deux hypothèses de poids équivalent. Selon la première, le faible rythme cardiaque reflète un manque de réaction ou d’excitation face à la peur. Selon la deuxième, il s’agit d’une réaction physiologique face à une source de stress. Dans les deux cas, expliquent les chercheurs, le sujet aura tendance à prendre plus de risques dans le cadre d’une recherche de sensations. Cette théorie est renforcée par l’association avec trois événements distincts, abonde Adrian Raine : avoir comportement violent, être victime de violence, et souffrir de blessures accidentelles.

Une circonstance atténuante ?

« Nos résultats confirment qu’en plus d’être associé à un comportement agressif et antisocial pendant l’enfance et l’adolescence, un rythme cardiaque bas au repos augmente le risque de comportements antisociaux violents et non violents à l’âge adulte », concluent les auteurs. Ils reconnaissent toutefois quelques limites à leur travaux : ils ne peuvent pas être élargis aux femmes, ils ne s’appuient que sur les crimes qui ont abouti à une condamnation, et la moitié de l’échantillon ne possédait pas de données sur le rythme cardiaque.

Le philosophe Adrian Raine considère que ces résultats sont solides. Mais ils soulèvent une question plus large, celle de la réaction de la société face à de telles données. « Personne ne souhaite blâmer quelqu’un pour la violence qu’il subit. On peut difficilement le blâmer d’avoir un pouls bas, qui les expose à ce risque », analyse-t-il. Partant de ce principe, le rythme cardiaque doit-il être envisagé comme une circonstance atténuante ? Pour l’éditorialiste, la réponse est claire : la justice doit cesser d’ignorer « l’anatomie de la violence ».