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Santé publique

Dépistage de la surdité: 2 bébés sur 3 n'en bénéficient pas

C'est une obligation et pourtant une maternité sur deux ne propose pas le dépistage néonatal de la surdité. C'est une perte de chance pour l'enfant, alertent les spécialistes qui redoutent que ce dispositif soit remis en cause.

Dépistage de la surdité: 2 bébés sur 3 n\'en bénéficient pas PURESTOCK/SIPA




La surdité touche un enfant sur 1000 mais un tiers seulement des nouveaux-nés bénéficierait d’un dépistage organisé de la surdité. Pourtant, depuis six mois, c’est une obligation légale. Un arrêté paru le 23 avril dernier stipule que toutes les maternités doivent systématiquement proposer ce dépistage. Du coup, la Société française d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face (SFORL) commence à perdre patience : « Le dépistage n’est toujours pas organisé dans toutes les maternités. Il dépend des initiatives ponctuelles de certains établissements », regrette la SFORL. « Certes, une enquête de la direction générale de la santé a démontré que 51% des maternités font du dépistage de la surdité. Le problème, c’est que ce dépistage n’est pas très organisé, » déclare le Pr Françoise Denoyelle, ORL pédiatrique à l’hôpital Trousseau, à Paris. Et pour cause, le cahier des charges précisant les modalités pratiques de ce dépistage n’est toujours pas rédigé.
Les conséquences de ce flou sont déjà perceptibles, estime Françoise Denoyelle. « Comme rien n’est organisé à l’échelle nationale, les pédiatres adressent les enfants aux centres experts de diagnostic et d’orientation de la surdité, qui sont débordés. Nous ne pouvons pas assumer le dépistage pour les 800 000 naissances
annuelles. »

Par ailleurs, les ORL, qui se battent depuis dix ans pour ce dépistage, redoutent que si le flou persiste, d’autres conséquences soient perceptibles. Mal réalisé, ce dépistage pourrait donner des arguments aux associations de sourds. Certaines d’entre elles s’opposent en effet fermement à sa mise en place parce qu’elles ne veulent pas que le dépistage conduise à la pose systématique de prothèses auditives. C’est pourquoi les médecins exigent que ce dépistage soit pratiqué dans les règles de l’art. Le Pr Vincent Couloigner attache par exemple beaucoup d’importance aux discours qui doit être tenu aux parents lors de l’annonce des résultats de ce test.


Ecoutez Vincent Couloigner
, ORL à l'hôpital Necker à Paris :  « Une anomalie de ce test de dépistage n’est pas du tout synonyme de surdité. »



Toujours dans un souci de ne pas braquer les associations de sourds et malentendants, le Pr Denoyelle insiste sur un point : « Il faut que ce dépistage soit proposé mais pas imposé. Sinon, les familles risquent d’être choquées ». Ensuite, si le diagnostic de surdité est posé, les enfants sourds doivent être pris en charge dans des centres de rééducation. Or, pour le moment, toutes les régions n’en sont pas dotées. L’offre est assez hétérogène. Les agences régionales de santé vont donc devoir aussi mettre tout cela en musique. Si les maternités ne respectent pas un cahier des charges bien précis, l’autre risque, c’est aussi que des enfants passent au travers des mailles du filet.


Ecoutez Françoise Denoyelle
, ORL pédiatrique à l'hôpital Trousseau à Paris : "Les enfants transférés dans d'autres services parce qu'ils sont malades sont les plus à risques et pourtant ils sont souvent perdus de vus après un premier test."


Si tous les enfants n’ont pas accès de manière équitable à ce dépistage, la SFORL estime que c’est une perte de chance. En effet, l’acquisition du langage se joue durant les deux premières années de l’enfant. Donc, s’il n’entend pas, il ne parlera pas. A l’heure actuelle, il est recommandé de poser un implant entre 1 an et 2 ans. Or, cet appareillage ne se fait souvent que vers l’âge de trois ans. En outre, dans près d’un tiers des cas, la surdité est associée à d’autres troubles. Diagnostiquer la surdité offre donc une chance de repérer d’autres pathologies des yeux, de la thyroïde ou encore du cœur.


Cependant, il y a trois semaines, un groupe de travail a été créé au ministère de la santé. Ses membres ont pour mission de travailler sur ce cahier des charges du dépistage néonatal de la surdité. Pour ses défenseurs, , c’est un point positif mais la partie n’est pas pour autant gagnée. « Certaines associations mettent une pression énorme sur les pouvoirs publics pour bloquer l’organisation du dépistage », souligne Françoise Denoyelle. Et le changement de majorité présidentielle, intervenue après la parution du décret n’est pas fait pour les rassurer. Vincent Couloigner ne le cache pas : « Il nous a clairement été dit au ministère que nous n’étions pas à l’abri d’une abrogation de ce dispositif ».

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