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Parasitose mortelle

Maladie de Chagas : qu'est-ce que cette infection parasitaire qui se répand dans le monde ?

Par le Dr Jean-Paul Marre

Une infection parasitaire, le plus souvent silencieuse mais potentiellement mortelle, s’est étendue au-delà des frontières de l'Amérique latine et sévit désormais dans le monde entier. Les médecins de ces nouveaux pays restent cependant peu familiarisés à cette maladie.

Dopeyden/istock

La maladie de Chagas, ou Trypanosomiase américaine, est causée par un parasite, appelé Trypanosoma cruzi, et peut aboutir à une maladie cardiaque chronique avec une insuffisance cardiaque chez environ un tiers des personnes infectées.

Au cours des 40 dernières années, la maladie de Chagas s’est étendue, hors de l’Amérique latine, à des régions du monde où elle n’existait pas auparavant, notamment aux Etats-Unis et en Europe ; pays où les médecins sont peu formés à dépister et traiter cette maladie potentiellement mortelle.

Cette propagation serait principalement due à la mobilité des populations entre l’Amérique latine et le reste du monde. Un nouveau rapport de l’American Heart Association publié dans la revue Circulation fait le point sur l’extension de cette infection mal connue dans les pays occidentaux.

Une infection liée à un insecte porteur d’un parasite

L'infection se produit lorsque les excréments de l'insecte infecté par Trypanosoma cruzi - un insecte de type punaise (triatomine) qui suce le sang - pénètre dans la peau par le site de la morsure, ou par l'œil. Les insectes triatomines se trouvent principalement en Amérique centrale et en Amérique du Sud, où ils infestent les maisons en pisé (fissures des vieux murs), mais aussi dans le sud des Etats-Unis et maintenant en Europe.

La maladie peut également être transmise par des aliments ou des boissons contaminés, ainsi que par des femmes enceintes à leurs bébés et par des transfusions sanguines ou des transplantations d'organes. Depuis février 2006, une directive européenne (relative au don, à l’obtention et au contrôle de tissus et des cellules d’origine humaine) prévoit des examens de dépistage en fonction des antécédents du donneur ou des voyages effectués en zones endémiques (2006/17/CE).

Un risque d’insuffisance cardiaque

Bien que 60 à 70% des personnes infectées par Trypanosoma cruzi ne développent aucun symptôme lors de l’infestation, ou des signes non spécifiques, elles peuvent ultérieurement développer une maladie cardiaque, notamment une insuffisance cardiaque, des anomalies du rythme cardiaque potentiellement mortelles (arythmies ventriculaires), un accident vasculaire cérébral (AVC) et un arrêt cardiaque. Il existe aussi des troubles neurologiques périphériques et digestifs.

Si elle est détectée tôt, cette infection peut être guérie par des médicaments (benznidazole ou de nifurtimox) non dénués de toxicité, avec un taux de succès de près de 100% à la phase aiguë. A un stade plus avancé, le traitement éradique moins souvent la maladie mais peut prévenir le passage aux complications. La détection précoce de la maladie de Chagas est donc critique pour obtenir une guérison rapide et prévenir les complications cardiovasculaires.

Une infection en 2 phases

La maladie de Chagas se présente en 2 phases et la première, la phase aiguë qui dure environ 2 mois, est la période où un nombre élevé de parasites circule dans le sang (risque transfusionnel).

Dans la plupart des cas à la phase aiguë, il n’y a pas de symptôme ou seulement des symptômes non spécifiques. Chez moins de 50% des personnes infectées, les premiers signes évocateurs peuvent être une lésion de la peau ou un œdème violacé des paupières d’un œil. Sinon, les signes non-évocateurs sont les suivants : fièvre, maux de tête, lymphœdème, pâleur, douleurs des muscles, difficultés respiratoires, œdème et douleurs du ventre ou de la poitrine.

Au cours de la phase chronique (10 à 20 ans), les parasites se cachent principalement dans le muscle cardiaque et les muscles digestifs. Jusqu’à 30% des patients souffrent de troubles cardiaques et jusqu’à 10% de troubles digestifs (généralement méga-œsophage ou mégacôlon) et neurologiques (système nerveux périphérique).

Plus tard, l’infection peut conduire au décès soudain dû à une arythmie cardiaque ou à une insuffisance cardiaque progressive provoquée par la destruction du muscle cardiaque et de son système nerveux.

Une extension de la zone d’infestation

Les risques pour la santé liés à la maladie de Chagas sont bien connus en Amérique latine. La plupart des cas sont recensés dans des pays tels que le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay, le Mexique et le Salvador. Cependant, en dehors de l'Amérique latine, les médecins ne sont généralement pas sensibilisés à la possibilité de cette infection et ne sont pas familiarisés à son risque de maladies cardiaques.

Les pays hors Amérique latine où des infections à Trypanosoma cruzi ont été diagnostiquées sont ceux où il y a eu une immigration venant d’Amérique latine : les États-Unis (environ 300 000 cas), l'Espagne (42 000 cas), l'Italie, la France, la Suisse, le Royaume-Uni, l'Australie et le Japon.

Un risque faible pour les voyageurs

Le risque d'infection est extrêmement faible pour la plupart des voyageurs en pays d'endémie. Pour minimiser les risques, les personnes doivent éviter de dormir dans des maisons avec des murs en pisé ou des toits de chaume. Ils doivent aussi éviter les jus non pasteurisés de canne à sucre, les jus de fruits dont les jus d'açaï, dans les pays touchés.

"Cette publication vise à sensibiliser les médecins qui traitent les affections cardiaques liées à la maladie de Chagas en dehors de son environnement endémique traditionnel ", a déclaré Maria Carmo Pereira Nunes, co-présidente du comité qui a rédigé la mise au point de l’AHA.