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Pilule de 3e génération: chronologie d'une crise évitable

Par Philippe Berrebi

Dès 2007, la Haute autorité de santé préconisait de ne pas prescrire la pilule de 3e génération en première intention. La chronologie des faits montre que le politique est resté sourd aux alertes successives.

DURAND FLORENCE/SIPA

 Un petit mois pour un grand bouleversement. Le 14 décembre, Marion Larat porte plainte contre un laboratoire qui fabrique des pilules de 3e génération; le 11 janvier 2013, Marsiol Touraine saisit l'Agence européenne du médicament pour que la prescription de ces contraceptifs oraux soit restreinte. Un petit mois qui a fait souffler un vent de panique chez les utilisatrices, suscité la colère des médecins et rappelé que notre système de santé est, après l'affaire du Mediator, encore convalescent. La crise provoquée par les pilules des nouvelle génération a montré également que l'emballement médiaitique s'accompagnait d'une précipitation de la décision politique. Ainsi, a-t-on entendu des déclarations contradictoires, vu des agences sanitaires avec des missions respectives mal délmitées et constaté que les médecins s'éloignaient trop souvent des avis ou référentiels de ce mêmes agences. 
Mais contrairement à l'affaire du Mediator qui avait mis en lumière les failles  et les lacunes des systèmes de surveillance, d'alerte et de pharmacovigilance, l'histoire des pilules contraceptives a mis en lumière les défaillances du politique.  La chronologie établie ci-dessous confirme que les alertes avaient été données à plusieurs reprises et cela dès 2007. La Haute autorité de santé proposait alors de ne pas prescrire les pilules de 3e génération en première intention. Il aura fallu attendre cinq ans et un plainte habilement médiatisée par un avocat pour que le gouvernement se penche sur cette question. Tout se passe comme si nous n'avions pas tiré toutes les leçons du Mediator.Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le Pr Bernard Bégaud, professeur de pharmacovigilance, ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme que «la prochaine crise du médicament est déjà prévisible ».

10 octobre 2007
Les données recueillies au sein de la commission de transparence de la Haute autorité de santé « confirment que les contraceptifs oraux de 3ème génération sont associés à une augmentation de survenue d’accidents thromboemboliques veineux par rapport aux contraceptifs oraux de 2e génération ». Selon les experts, les contraceptifs oraux de 3e génération ne peuvent être recommandés aux nouvelles utilisatrices en 1ère intention ».

14 novembre 2011
L’Agence nationale de sécurité du médicament (Ansm) prend acte des résultats d’une étdue publié dans le British Medical Journal (BMJ) du 26 octobre 2011. « Ils montrent que le risque de thrombose veineuse chez des femmes utilisant des contraceptifs oraux dits de troisième génération (contenant du désogestrel ou  du gestodène) ou de quatrième génération (contenant de la drospirénone ) est 2 fois plus élevé qu’avec les contraceptifs oraux dits de deuxième génération (contenant du lévonorgestrel), indique l’Agence dans un point d’information. « Les informations relatives aux risques sont développées dans la rubrique « mises en garde spéciales et précautions particulières d’emploi » des résumés des caractéristiques des produits destinés aux professionnels de santé et dans les notices destinées aux utilisatrices, précise l’Ansm.

Juin 2012
La commission de transparence  de la Haute autorité de santé rend un nouvel avis. "Les nouvelles données disponibles ne permettent même plus de positionner les contraceptifs oraux de 3e génération en deuxième intention." Le service médical rendu de ces contraceptifs est rétrogradé d'important" à "insuffisant". Plus dangereux, n'apportant rien, ils ne méritent plus d'être remboursés.

19 septembre 2012
La ministre de la Santé annonce le déremboursement des pilules de 3 ème génération à partir du 30 septembre 2013.

1er octobre 2012

L’Ansm affirme dans un point d’information que « le rapport bénéfice/risque des contraceptifs oraux combinés reste positif quelle que soit leur composition, à condition de respecter les contre-indications et les précautions d’emploi. Néanmoins, afin de minimiser le risque de thrombose lié aux contraceptifs oraux combinés, qu’il soit veineux ou artériel, le rapport bénéfice/risque doit être évalué pour chaque patiente ». L’Ansm « recommande de privilégier la prescription » des pilules « de première génération ou deuxième génération « .

Novembre 2012
La Haute autorité de santé rend un avis dans lequel elle stipule qu’« aucune étude n’a démontré » que les pilules de 3e génération « apportaient un bénéfice supplémentaire par rapport aux pilule de 1e et 2e génération sur les effets indésirables comme l’acné, la prise de poids, les nausées, les mastodynies, la dysménorrhée, l’aménorrrhée et les méno-métrorragies ».

« Du fait de leur moindre risque thromboembolique veineux pour une efficacité comparable, la HAS considère que les contraceptifs oraux de 1re ou de 2e génération doivent être préférés à ceux de 3e génération ».

14 décembre 2012 
Marion Larat, accuse la pilule de troisième génération Meliane, fabriquée par le gé Bayer, d'avoir provoqué son accident vasculaire cérébral. Elle dépose plainte pour "atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine" contre le directeur général du laboratoire, auprès du procureur de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Cette plainte vise également le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui n'a pas demandé le retrait de cette pilule du marché, "en violation manifestement délibérée du principe de précaution".

21 décembre 2012 

L’Agence nationale de sécurité du médicament lance une mise en garde auprès des médecins er sages-femmes concernant les contraceptifs oraux combinés (COC) et risque de thrombose veineuse. L’Ansm demande aux prescripteurs de privilégier les pilules de 2e génération, d’informer les femmes du risque de thrombose , d’effectuer un suivi clinique pour surveiller la tolérance au traitement contraceptif prescrit.

29 décembre 2012
L’avocat de Marion Larat, la première femme à avoir porté plainte, affirme que trente autres personnes s’apprêteraient à engager des poursuites pour des raisons similaires.

2 janvier 2013
La ministère de la Santé annonce que le non remboursement des pilules de 3e génération interviendrait le 31 mars 2013 et non pas le 30 septembre 2013 comme elle avait initialement évouqé.

3 janvier 13
Le Collège national des gynécologues (Cngof) rappelle que la recommandation de prescription d'une pilule de 2 ème génération en première intention est justifiée.
Concernant les pilules de nouvelle génération, le Cngof  confirme que « le risque individuel de thrombose se dépiste en fonction de l'histoire personnelle et familiale de la patiente et de la prise en compte des facteurs de risque individuels ».  Selon le Collège, Il convient d'être très rigoureux sur ce plan avant toute prescription d'une contraception estro-progestative

4 janvier 2012
A la demande du ministre de la Santé, l’Ansm entame une série de consultations et de réunions avec les professionnels de santé pour revoir les conditions de prescription des pilules de 3e et 4e générations.

5 janvier 2013
Concernant les pilules de nouvelle génération, Dominique Maraninchi affirme au journal Le Monde qu’une « restriction de la prescription aux spécialistes (…) n'est pas souhaitable ». Pourtant, une semaine avant, le directeur de l’Ansm avait lui même envisagé cette hypothèse et suscité des vagues de protestation dans les rangs médicaux.

9 janvier 2013
La Fédération des médecins de France annonce qu'elle se retourne contre l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à propos des pilules de 3e génération. "L'objet de cette plainte est d'obtenir le retrait d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces pilules", indique le syndicat.

11 janvier 2013
Marisol Touraine saisit l’Agence européenne du médicament (EMA) pour que les autorisations de mise sur le marché (AMM) des pilules contraceptives de 3ème et 4ème générations soient modifiées : l’objectif est que ces pilules ne soient plus prescrites aux femmes en première intention.

11 janvier 2013
L’Agence européenne du médicament stipule qu’il n'existe actuellement aucun nouvel  élément de preuve" indiquant un changement d'innocuité de ces pilules de nouvelle génération. Si elle reconnnaît que "ces contraceptifs comportent des risques", l'EMA estime cependant "qu'il n'y a aucune raison pour une femme de cesser sa contraception".