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QUESTION D'ACTU

Exercice groupé, réseaux de soins…

Médecins de famille : une espèce en voie de disparition

L'Ordre note une baisse depuis 2007 des effectifs en médecine générale, qui va se poursuivre jusqu'en 2020. Pour réinventer le métier de médecin de famille, différentes solutions existent.

Médecins de famille : une espèce en voie de disparition RICLAFE/SIPA




C’est un coup dur pour les médecins généralistes ! Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) a publié mardi sa nouvelle édition 2015 de l’Atlas de la démographie médicale. Le CNOM note une baisse de 10,3 % depuis 2007 des effectifs en médecine générale. La France est passée de 64 778 médecins généralistes en 2007 à 58 104 en 2015. Une baisse qui va perdurer, selon ce rapport. Elle sera de -6,8 % pour les années 2015-2020. Conclusion de l'Ordre : à l'avenir, certains territoires vont sans doute de plus en plus manquer de généralistes.

Et les territoires en danger pour les soins de premier recours ne concernent plus exclusivement les territoires ruraux, mais aussi les métropoles, comme Paris, voire des villes moyennes, comme Châteauroux. Bref, face à ces chiffres, l'Ordre s'inquiète du désintérêt des jeunes pour l'exercice en libéral. En 2007, presque la moitié des praticiens exerçaient en cabinet, contre seulement 44 % aujourd'hui. De là à dire que les médecins de famille sont une espèce en voie de disparation, il n’y a qu’un pas que les principaux concernés n'hésitent pas à franchir.

 

Une surcharge administrative qui décourage

Contactée par Pourquoidocteur, le Dr Anne De Guis, généraliste à Tomblaine (Meurthe-et-Moselle), reconnaît en effet que l'exercice libéral est souvent compliqué. Pour elle, c’est avant tout « le travail administratif » qui décourage les jeunes médecins à s'installer dans un cabinet seuls. 
Par ailleurs, même si elle n’y est pas confrontée, elle avoue que la violence envers les généralistes peut aussi jouer un rôle dans cette désaffection. Récemment, l'Observatoire pour la sécurité des médecins 2014 révélait que cette profession est la plus agressée parmi les médecins. Ils représentent 61 % des déclarations d'incidents, un score en hausse de 5 points depuis deux ans.

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Anne De Guis, généraliste à Tomblaine (54) : « Je pense que la charge administrative est devenue "énorme" depuis ces dernières années. C'est ce qui me déplaît le plus actuellement dans mon exercice... »


Enfin, Anne De Guis rappelle que le tiers payant généralisé prévu pour 2017, « dont le dispositif technique n’a pas encore été trouvé », peut aussi inquiéter les plus jeunes quant à la sécurité de leurs revenus. « Les remboursements aux médecins vont-ils se faire dans les délais ? », se demande-t-elle.
Dans ce contexte déjà tendu, « les honoraires des généralistes sont en plus bloqués depuis des années », observe Frédéric Bizard, économiste de la santé, professeur d'économie à Sciences Po Paris (1).

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Frédéric Bizard, professeur d'économie à Sciences Po Paris : « Le modèle économique du médecin généraliste de secteur 1 est menacé. Dans un certain nombre de grandes villes, leur niveau de rémunération met à risque la viabilité de l'exercice libéral... »

 

L'économiste indique que, pour compenser ce manque de valorisation des actes, les médecins en place ont augmenté leur volume d'heures de travail. « Avec toutes les conséquences que cela entraîne. On assiste à des niveaux records de burn-out et de suicides dans cette profession depuis quelques années », déplore-t-il.

 

Réseaux de soins : les mutuelles veulent des médecins

Devant un tableau si noir, une question se pose : le modèle du médecin généraliste libéral va-t-il encore tenir longtemps ? Rien n’est moins sûr, si l’on se fie aux derniers mots d’Etienne Caniard, président de la Mutualité Française. Au cours du 41e Congrès de la FNMF (2) qui s'est tenu du 11 au 13 juin, le patron des mutuelles n ‘a pas caché son ambition de travailler avec les praticiens.
« Des dispositifs d’engagement réciproques entre professionnels de santé et financeurs sont indispensables pour retrouver une forme d’opposabilité des tarifs, sans laquelle toute maîtrise des restes à charge demeurera vaine. La contractualisation est indispensable pour que les acteurs, quels qu’ils soient, prennent leurs responsabilités », a-t-il déclaré à la tribune.
Même son de cloche pour Thierry Beaudet (président du groupe MGEN) et Guillaume Sarkozy (délégué général de Malakoff Médéric), qui ont récemment parlé d’une même voix pour demander la possibilité de contractualiser avec tous les professionnels de santé, les médecins au premier chef.

« Ces propositions, les médecins n'y sont pas insensibles », pense Anne de Guis. Elle confie que cette solution peut être « intéressante, mais sous certaines conditions. Il faut que notre indépendance soit garantie, sur les prescriptions notamment. » « Comme ils ne connaissent pas les réelles intentions des complémentaires, la majorité des futurs médecins ne prendront pas ce risque », estime de son côté Claude Le Pen, spécialiste des politiques économiques de santé à Paris Dauphine.

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Claude Le Pen, spécialiste des politiques économiques de santé à Paris Dauphine : « Je ne pense pas que la majorité des médecins veut entrer dans des réseaux de soins. Je crois qu'aujourd'hui, ils veulent plus de collectif, mais dans le respect de leur indépendance... »

 

 

La fin du médecin de famille

Cet économiste préfère parler pour sa part d’une « claire coupure générationnelle » dans la conception du métier. « Hommes et femme ont les mêmes aspirations. Ils veulent plus de loisirs, ne plus considérer ce métier comme un sacerdoce, et plutôt exercer en équipe. » Une vision qui se confirme avec Anne De Guis, puisque cette jeune généraliste va justement intégrer une maison de santé en mars 2016.

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Anne De Guis : « Les médecins de ma localité sont très impatients que notre maison de santé démarre son activité (...). On a tous hâte de travailler avec les infirmières, les kinés, les... »


Face à ce désamour pour l’execice libéral isolé, Claude Le Pen estime qu’à l’avenir, « il va être de plus en plus compliqué de trouver un médecin de famille, à l’ancienne, qui exerce seul. Durant leurs études, on éduque les futurs médecins à un exercice collectif. La plupart ont fait des stages à l’hôpital, où ils ont exercé en groupe dans des équipes hospitalières », souligne-t-il.

Pour ces raisons, l’économiste pronostique que les nouvelles générations vont pérenniser ce mode d’exercice, « surtout à un moment où la médecine libérale devient extrêmement complexe, avec des patients de plus en exigeants, et la Sécurité sociale davantage pointilleuse. » Derniers exemples en date, les rappels à l’ordre de l'Assurance maladie envers des médecins qui prescriraient trop d’arrêts de travail ou mettraient trop la mention "non substituable" sur leurs ordonnances (par opposition aux génériques).

 

De nouveaux modes d’exercice à inventer

Alors, pour aider les généralistes, plusieurs solutions sont envisagées. Certains syndicats médicaux, comme MG France, veulent une revalorisation de la consultation à 25 euros, par exemple. Mais pour vraiment pérenniser leur chiffre d’affaires, Claude Le Pen voit un nouveau modèle éclore, celui des « firmes libérales de santé ».
« Elles fonctionneraient comme une entreprise, mais sur le modèle des cabinet d'avocats, d'architectes, ou de conseils financiers. Ces médecins seront en fait salariés de la firme, mais ils resteront libres et indépendants. Dans cette structure, ils s'emploient et se rémunèrent entre eux. Ils ne se verront pas imposer des modes d'exercice et d'organisation par un actionnaire. Pour moi, c'est la formule qui pourrait à nouveau rendre attractive cette profession », conclut Claude Le Pen.   

Du côté des spécialités, l’exercice libéral reste en progression (entre 2007 et 2015, il était en hausse de 6,2 % pour les spécialités médicales et de 25,8 % pour les spécialités chirurgicales). Toutefois, 4 spécialités sont en souffrance : la rhumatologie (-10,3 % depuis 2009), la dermatologie (-7,7 % depuis 2009), la chirurgie générale (-24,7 % depuis 2009), l’ORL (-7,8 % depuis 2009).

 

(1) Politique de santé : Réussir le changement, Editions Dunod, sortie en septembre 2015

(2) Fédération Nationale de la Mutualité Française

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