Le CV de Barbie compte plus de 200 professions… mais finalement assez peu, même trop peu, d’emplois scientifiques, selon une étude de la chercheuse Katherine Klamer, parue dans le numéro de Noël du BMJ. Ce manque de représentation est dommageable, selon elle, puisque les poupées contribuent à “inspirer les professionnelles de la santé et les scientifiques de demain”.
Barbie docteur n’a pas de spécialisation
Pour ses travaux, la chercheuse a réuni entre juillet et novembre 2023 les poupées occupant des postes dans le monde médical et des sciences proposées aux enfants. Elle a passé au crible leurs caractéristiques. Sur les 92 Barbies trouvées, elle a dénombré 53 médecins, 10 scientifiques, 2 professeurs de sciences, 15 infirmières, 11 dentistes et une ambulancière.
Premier constat : ces jouets traitaient en grande partie des enfants (66 %), seulement trois étaient censés traiter des patients adultes. Par ailleurs, à l'exception de trois poupées ophtalmologues, toutes les Barbies médecins semblaient n'avoir aucune spécialité.
Et le manque de représentation ne s’arrêtait pas à l’univers professionnel. 59 % d’entre elles étaient blanches et aucune n’avait de handicap visible. À titre de comparaison, parmi les 65 poupées professionnelles d’une autre marque, seulement 32 % étaient blanches et une poupée avait un bras prothétique.
Dans des professions où la sécurité est un point crucial, l’étude a remarqué une autre faille : les vêtements et les accessoires. Si les jouets de Mattel disposaient souvent de blouses de laboratoire, de microscopes, de stéthoscopes ou encore de lunettes. Aucun ne répondait pleinement aux normes de sécurité professionnelle de leurs domaines respectifs. Par exemple, seulement 4 % avaient des masques. Par ailleurs, plus des deux tiers des poupées avaient les cheveux dénoués et plus de la moitié portaient des chaussures à talons hauts, même dans des contextes où ces choix vestimentaires sont déconseillés, voire interdits, pour des raisons de sécurité dans la réalité.
La chercheuse Katherine Klame écrit dans son article : "les poupées sur le thème de la médecine et de la science contribuent à inspirer les professionnelles de la santé et les scientifiques de demain. Toutes les entreprises de jouets devraient veiller à ce que les futures poupées médicales et scientifiques répondent aux normes de sécurité cliniques et de laboratoire et diversifier les types de professions médicales et scientifiques représentées (en particulier dans les domaines à prédominance masculine)".
"Barbie pourrait vacciner les filles contre les conseils sexistes en matière de carrière"
Dans un éditorial lié à cet article, les chirurgiennes Dr Cornelia Griggs, Dr Sophia McKinley, Dr Erika Rangel et Dr Sareh Parangi, partagent les conclusions de la chercheuse. Elles martèlent l'importance d'une représentation diversifiée dans les professions médicales et scientifiques.
"Même si l'évolution des options de carrière de Barbie s'est élargie au cours des dernières décennies, il reste clairement de la place à l'amélioration", notent-elles, rappelant que les stéréotypes de genre sont encore nombreux dans l'univers scientifique. "Les étudiantes en médecine sont toujours découragées de manière disproportionnée à poursuivre une carrière chirurgicale, même dans des établissements prestigieux", assurent-elles. "Peut-être qu'une enfance passée à jouer avec la neurochirurgienne Barbie ou la chirurgienne traumatologue Barbie pourrait vacciner les filles contre les hypothèses et les conseils sexistes en matière de carrière. Au lieu de cela, le cadre actuel des Barbies généralistes qui traitent principalement les enfants, ne fait que renforcer les concepts dépassés de spécialités médicales sexospécifiques".
Autre bénéfice potentiel d’une poupée chirurgienne, pour les chirurgiennes, elle pourrait aussi aider les enfants malades ou devant subir une intervention à comprendre l’univers médical et les soins auxquels ils sont confrontés.
"Pour le bien des jeunes filles autant que pour le sien, Barbie doit continuer à briser les plafonds de verre", conclut la chercheuse Katherine Klame