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Dry January : comment aller jusqu’au bout ?

Chaque année, des millions de personnes se lancent le défi de ne pas boire d’alcool pendant tout le mois de janvier, mais beaucoup peinent à aller jusqu’au bout de l’aventure. Deux médecins spécialistes de l’addiction nous servent quelques conseils pour tenir sur la durée.

Dry January : comment aller jusqu’au bout ?

  • Publié le 11.01.2023 à 15h00
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Pas une goutte pendant 31 jours – ou plutôt 30, techniquement, si l’on exclut la soirée du Nouvel An qui s’est probablement terminée la nuit du 1er avec un verre à la main. Chaque année, des millions de personnes se lancent dans l’aventure du Dry January, qui consiste à ne pas boire d’alcool tout au long du mois de janvier. Les chiffres prennent de l’ampleur réveillon après réveillon : environ un tiers des Français (35% en janvier 2022 selon un sondage BVA) envisagent chaque année de participer à ce "Janvier sobre", lancé pour la première fois en 2013 par l’association britannique Alcohol Change UK. En 2021, on estimait le nombre de participants à 6.5 millions.

Comme le "Mois sans tabac" en novembre, le Dry January est devenu un rendez-vous bien installé chez ceux qui, par prise de conscience ou simple curiosité, veulent réduire la cadence pour reposer leur organisme des effets nocifs d’une consommation trop régulière. D’après l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), un quart des adultes boivent plus d’alcool que les doses maximales recommandées par Santé Publique France – deux verres par jour, pas tous les jours et pas plus de dix verres par semaine. Parce qu’il s’est banalisé, le Dry January est aujourd’hui l’occasion rêvée de lever le pied à défaut du coude.

Le hic, si l’on peut dire, c’est que beaucoup de participants se lancent dans la course sans parvenir jusqu’à la ligne d’arrivée, trébuchant sur les opportunités, tentés par les autres ou simplement incertains de leur résolution. Comment surmonter les obstacles qui jonchent la route de la sobriété ? Nous sommes le mercredi 11 janvier, plus que vingt jours à tenir pour celles et ceux n’ont pas trinqué depuis le Nouvel An. Voici quelques conseils avisés pour rester endurant.

Ne pas avancer seul

Pour réussir son Dry January (DJ), il est recommandé de ne pas le faire seul dans son coin : soit en parler autour de soi, soit en y associant des proches. « Il faut être dans une logique d’émulation et de soutien réciproque, au sein de sa famille ou dans un groupe d’amis », explique Jean-Michel Delile, psychiatre et président de la Fédération Addiction. En signant ainsi une sorte de contrat, on se met mutuellement « une pression douce, qui pousse à s’épauler, à s’encourager et donc à s’aider soi-même ». C’est dans cette optique que les associations et collectifs qui organisent le Dry January ont lancé plusieurs comptes sur les réseaux sociaux pour communiquer, échanger et de trouver du soutien.

Ne pas avancer seul, même si on est seul à faire le DJ, c’est aussi « ne pas se couper du monde, se reclure socialement », ajoute Romain Gomet, médecin addictologue, responsable de l’AJPJA et auteur de Je maîtrise ma consommation d’alcool : savoir pour guérir (2019, éd. Ellipses). « Il ne s’agit pas de s’imposer encore plus de frustrations, mais d’avoir la même vie... sans alcool. » De nombreuses boissons de remplacement peuvent aujourd’hui donner l’illusion, comme les "virgin" cocktails pour les apéritifs entre amis, mais aussi les spiritueux et vins sans alcool pour éviter d’apporter un jus d’abricot à une soirée...

S’appuyer sur le Dry January

Heureusement, il est plus facile aujourd’hui de répondre sans broncher à la sempiternelle question "Bah pourquoi tu ne bois pas ?". « Le DJ est un argument qui détourne la pression du groupe qui existe culturellement autour de l’alcool, affirme Jean-Michel Delile. C’est un blason connu, qui laisse entendre que c’est une démarche réfléchie, un choix qui se rattache à une autre communauté : celle des abstinents. On transforme ce qui était vu auparavant comme une faiblesse ou un défaut en une autre forme de sociabilité. Sans compter que le DJ ne diabolise pas le produit, il s’en distance sous la forme d’un jeu, d’un challenge individuel et collectif. »

« Au début, prévient Romain Gomet, cela exige de la contrainte, comme la première fois qu’on reprend le sport après une longue période sans. Mais cela permet aussi de faire le point sur sa consommation. » Si l’objectif que chacun s’est fixé à lui-même est trop dur à tenir, presque impossible, « c’est là qu’il faut interroger son rapport à l’alcool », avertit le spécialiste.

S’auto-évaluer

Dans un pays qui fait partie des plus gros consommateurs d’alcool parmi l’OCDE, passer un Janvier tout en sobriété est une manière de prendre conscience de sa relation avec la boisson (fréquence, accoutumance, déclencheurs...). « Il s’agit de repérer les circonstances, les moments de tentation et de fragilité où cela devient difficile de ne pas boire, où l’on perd le contrôle, pour ensuite y trouver des parades », selon le psychiatre Jean-Michel Delile. L’envie peut venir parce qu’on une journée harassante au travail, ou parce qu’on veut se décharger d’une grosse dispute, ou parce qu’on veut se sentir bien dans une soirée, « sauf qu’utiliser l’alcool comme un régulateur ou un anxiolytique est un cercle vicieux : cela a un effet apaisant dans l’immédiat mais stressant au long terme ». En s’abstenant quelques semaines, on peut mieux détecter les facteurs de bascule, et ainsi tenter d’agir sur la cause plutôt que le symptôme.

Pour s’aider dans cette auto-évaluation, on peut utiliser un carnet de bord, pour sanctuariser les étapes, cocher les "jours sans", noter les améliorations de manière objective. Pour les plus connectés, de nombreuses applications de smartphone, comme la plus connue Try Dry, dispense de précieux conseils et permettent de constater les progrès réalisés. Pas de pression, chacun son rythme, selon l’association "Janvier sobre" : « Pas d’alcool du tout pendant un mois, un peu mais seulement en compagnie, jamais en semaine… C’est vous qui voyez. Objectif, atteindre une consommation raisonnée et garder au moins 2 jours sans alcool par semaine. » Mais gardons quand même en tête que la nouvelle campagne Damp January, qui consiste à réduire sa consommation sans arrêter complètement, est orchestrée par « le lobby de l’alcool », d’après Libération, citant des associations de lutte contre l’addiction. C’est aussi l’avis de Romain Gomet, qui vient de signer un article sur la question.

Se distraire et se récompenser autrement

Faire un Dry January, c’est aussi prendre conscience des nombreuses fois où l’on boit de l’alcool avec des amis alors que ce n’est pas "indispensable" (même si ça ne l’est jamais !) et qu’on ne sera même pas pompette à la fin du verre. « La plupart du temps, on boit davantage par habitude culturelle que par vrai plaisir ou recherche d’un effet. Le DJ permet de comprendre que la sobriété ne rend pas les moments moins satisfaisants », note Romain Gomet. Ce qu’on recherche et ce qui compte avant tout, c’est de passer du temps avec son entourage, pas de consommer.

Finalement, tout est une question de distraction. « Le craving, la sensation de besoin de consommer est intense mais ne dure que quelques minutes (chez les personnes qui n’ont pas de problème avec la boisson). Dès que l’envie vient, il faut occuper l’esprit avec un cocktail sans alcool, un livre, un podcast, une sortie culturelle, toute autre activité qui détournera son attention », conseille l’addictologue. L’enjeu est de trouver d’autres moyens de se détendre et de se récompenser : rencontrer ses amis au cinéma ou au musée plutôt qu’au bar, s’autoriser du chocolat plutôt qu’un verre de vin devant un film... Il est plus simple de se défaire d’une habitude en adoptant une nouvelle. On peut même aller plus loin et pratiquer, dès qu’on ressent l’envie de boire, une activité physique : « C’est l’occasion de se rendre compte des bienfaits physiologiques du DJ. »

Se rappeler des bénéfices !

« Ce sont les 5 ou 6 premiers jours qui sont difficiles, car les bénéfices ne sont pas immédiats. Plus on avance dans le mois, plus les résultats deviennent évidents », assure le psychiatre Jean-Michel Delile. Le regain d’énergie est selon lui l’avantage numéro un du DJ. « L’alcool est euphorisant et dynamisant, mais avec la répétition des prises et la tolérance qui s’installe, il va avoir un effet sédatif à long terme. Faire une pause redynamise l’organisme. » De même, on se sentirait « plus calmes et détendus, après seulement une semaine de diète », ce qui aurait des effets positifs sur le sommeil, qui déteste l’alcool. Dans une étude menée par l'Université de Sussex en 2019 sur près de 3.000 participants au DJ, 71% ont expliqué avoir mieux dormi, 58% avoir perdu du poids, 57% avoir une meilleure concentration et 54% une plus belle peau. Ce n’est pas tout : détoxification du foie, réduction du risque de cholestérol, de diabète, d'hypertension, de troubles cognitifs et même de cancers...

Si ce n’est pas la conjuration des maladies qui vous motive, ce sera peut-être le porte-monnaie. Ce break d’alcool peut en effet vous faire économiser gros, alors que selon l’Insee, un ménage français dépense en moyenne 707 euros par an dans les boissons alcoolisées. L’occasion de s’offrir une nouvelle récompense, comme un voyage ou un cadeau. Là encore, les applis à la rescousse pour compter le nombre d'euros non dépensés ou de calories non ingérées.

Et on ne parle même pas des "gueules de bois", qui ne seront plus qu’un lointain souvenir. Du moins jusqu’au mois de février... mais qui sait, l’expérience peut ouvrir de nouvelles perspectives et nous motiver à être un peu plus "dry" dorénavant. « Les études montrent que six mois après le DJ, les gens avaient réduit leur consommation d’alcool, pour la simple raison qu’ils avaient réduit leur seuil de tolérance, précise Jean-Michel Delile. Savourant les mêmes sensations avec des doses moindres et donc moins nocives. » Se réinitialiser une fois par an, c’est peut-être ça, le secret du Dry January...
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