- Après une activité intellectuelle intense, les personnes fatiguées montrent l'émergence de zones avec des ondes de sommeil typiques dans certaines zones du cortex frontal, qui étaient complètement absentes dans d'autres.
- Cela se traduit par une propension accrue à faire des actes agressifs dans un contexte de choix socialement pertinent.
- "Ces données ont des implications importantes pour de nombreuses situations de la vie quotidienne, y compris les transactions économiques et les accords juridiques", selon les auteurs.
Lassitude, inefficacité, épuisement… Ce sont les mots employés après une activité intellectuelle intense. Lorsqu’un certain degré de fatigue mentale s'installe, notre comportement peut changer, plus précisément on peut agir de manière hostile. C’est ce qu’ont récemment constaté des chercheurs en neurosciences et en économie de l'IMT School of Advanced Studies Lucca (Italie). Pour parvenir à cette conclusion, ils ont mené une étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
La fatigue mentale entraîne une hausse de l'activité cérébrale de type sommeil et des actes agressifs
Dans le cadre des recherches, l’équipe a recruté 44 adultes qui ont effectué des tâches cognitives d’une heure au lieu de 15 minutes. Ensuite, les participants ont joué à des jeux économiques qui exigeaient différents degrés d'agressivité et de coopération, notamment le jeu dit "de l'épervier et de la colombe". Dans ce jeu, des ressources limitées doivent être partagées dans une situation d'environnement hostile, les personnes ayant le choix entre collaborer ou adopter un comportement autoritaire, ce qui peut entraîner la perte de ressources pour les deux parties. Pendant toute l’intervention, leur activité cérébrale a été analysée grâce à un électroencéphalogramme (EEG).
D’après les résultats, par rapport à un groupe témoin non soumis à la fatigue mentale prolongée, les volontaires ayant fait des tâches cognitives et joués aux jeux économiques se sont révélés moins coopératifs et plus hostiles. Plus précisément, le taux de coopération pacifique est passé de 86 % dans le groupe "sans fatigue" à 41 % dans le groupe épuisé mentalement. De tels changements de comportement sont liés un phénomène, appelé "sommeil local", que les auteurs ont identifié. Ce dernier se produit lorsque certaines zones cérébrales d’une personne éveillée commencent à montrer sur l’électroencéphalogramme une activité neuronale typique observée pendant le sommeil, à savoir des ondes delta. "L'apparition locale d'ondes lentes de type sommeil peut conduire à un désengagement des zones frontales et expliquer la capacité réduite des individus à exercer un contrôle de soi efficace", peut-on lire dans les travaux.
Fatigue mentale : "des implications importantes pour de nombreuses situations de la vie quotidienne"
"Dans l'ensemble, ces données ont des implications importantes pour de nombreuses situations de la vie quotidienne, y compris les transactions économiques et les accords juridiques, car ils démontrent que lorsque le cerveau est 'fatigué', nous pouvons faire des choix qui vont même à l'encontre de nos propres intérêts. En fait, c'est ce que les gens font également dans la plupart des actes criminels", a conclu Pietro Pietrini, qui a participé à l’étude.