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Cancer du col de l’utérus : la chirurgie mini-invasive remise en cause

La chirurgie mini-invasive chez les femmes atteintes d’un cancer du col utérin à un stade précoce les expose à un risque plus important de mortalité et de récidive du cancer que la chirurgie classique, ventre ouvert. Détectés dans une étude sur base de données en vie réelle et démontrés dans un essai clinique randomisé, ces sur-risques remettent en cause la chirurgie mini-invasive dans cette indication.

Cancer du col de l’utérus : la chirurgie mini-invasive remise en cause lyosha_nazarenko/iStock




Pour les femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus au stade précoce, les médecins recommandent parfois une ablation de l’utérus et du col de l’utérus. Appelée hystérectomie radicale, cette opération peut être pratiquée de façon classique, en ouvrant le ventre, mais aussi en chirurgie "mini-invasive", laparoscopique, avec éventuellement une assistance robotique.

Moins invasive et permettant une récupération plus rapide, cette technique apparue en 1992, consiste à opérer via de très petites incisions grâce à une caméra et d’instruments robotiques, plutôt que de réaliser une ouverture du ventre (incision abdominale). Généralisée depuis 2006, elle est largement plébiscitée par les patientes : 60% des femmes opérées aux États-Unis en 2013 ont opté pour la chirurgie mini-invasive.

Pourtant, cette chirurgie mini-invasive ne serait pas la plus sûre des deux options. Deux nouvelles études publiées début novembre dans The New England Journal of Medicine concluent que, comparée à la chirurgie par voie abdominale, l’approche mini-invasive risquait davantage de provoquer une récidive du cancer, ainsi que le décès de la patiente.

Un taux de survie moins important

Dans la première étude, les chercheurs ont analysé des informations issues de la base de données américaine sur le cancer, qui couvre environ 70% des cas de cancer nouvellement diagnostiqués dans plus de 1 500 hôpitaux américains. Parmi les 2 461 patientes de la base de données ayant subi une hystérectomie radicale pour un cancer du col utérin au stade précoce entre 2010 et 2013, environ la moitié avaient subi une chirurgie peu invasive et une proportion similaire avaient subi une intervention ouverte. 

Dans les patientes du groupe mini-invasif, 94 sont décédées quelle qu'en soit la cause dans les quatre années suivant la chirurgie, contre 70 patientes du groupe chirurgie classique. Ces chiffres reflètent un risque de décès de 9,1% dans le groupe mini-invasif et un risque de 5,3% dans le groupe chirurgie ouverte. Les auteurs précisent qu’il n'y avait pas de différences entre les groupes en termes de pathologie tumorale initiale ou d'utilisation de la radiothérapie ou de la chimiothérapie en plus de la chirurgie.

Une moindre survie dans un autre registre

Les fichiers disponibles dans la base de données nationale sur le cancer ne datant que de 2004, les chercheurs ont également analysé les informations de la base de données Surveillance, épidémiologie et résultats finaux (SEER) pour les malades traitées de 2000 à 2010. Les résultats sont sans appel. Avant 2006, année où l'hystérectomie radicale mini-invasive a commencé à être largement adoptée pour le traitement du cancer du col utérin à un stade précoce, ils montrent un taux de survie stable de 4 ans. Après 2006, les taux de survie chutent régulièrement de 0,8% par an.

"Il est important de noter que notre étude n'explique pas pourquoi la mortalité est plus élevée chez les femmes qui ont une chirurgie mini-invasive", insiste Alexander Melamed, chercheur en obstétrique, gynécologie et biologie de la reproduction à la Harvard Medical School. "Une explication possible est qu'il pourrait y avoir quelque chose de technique dans l'hystérectomie radicale mini-invasive qui est différente de la procédure ouverte et qui fait une différence sur la survie à long terme. Une autre explication est que les chirurgiens américains auraient pu avoir moins d'expérience avec la technique mini-invasive qu'avec la chirurgie ouverte pendant la période à l'étude", avance-t-il.

Une progression de la maladie multipliée par 3

L’essai randomisé, publié lui aussi dans The New England Medicine Journal, confirme et démontre formellement l'existence des mêmes risques liés à la chirurgie mini-invasive. Pour la comparer à l’hystérectomie radicale ouverte, les chercheurs ont assigné de façon aléatoire 740 femmes atteintes d’un cancer du col utérin au stade précoce à l’une des deux procédures. Quatre an et demi après ses débuts, l’essai a finalement été arrêté en 2017 avec 631 patientes analysées. Les chercheurs ont en effet constaté que l'hystérectomie radicale mini-invasive était associée à une progression de la maladie multipliée par trois par rapport à l'hystérectomie radicale ouverte.

Par ailleurs, le taux de survie sans maladie à 4,5 ans était de 86% avec une chirurgie mini-invasive contre 96,5% avec une chirurgie ouverte. Enfin, le taux de survie globale après l’opération était de 91,2% dans le groupe peu invasif, contre 97,1% dans le groupe opéré selon la technique classique.

Remise en question de la chirurgie mini-invasive

"Notre étude souligne la nécessité de multiplier les essais cliniques randomisés dans le domaine de la chirurgie", a déclaré Pedro T. Ramirez, qui a dirigé l’essai. "Trop souvent, le succès d'une nouvelle intervention chirurgicale est mesuré par des données rétrospectives. Nous devons toujours tester et mesurer nos procédures pour déterminer ce qui convient le mieux à nos patients." Dans le cas présent, les données de l'essai clinique vont plus loin que l'étude rétrospective.

Un point de vue partagé par le Dr Alexander Melamed. "Bien que nous ayons besoin d'en apprendre davantage sur les raisons de ces résultats, les chirurgiens qui souhaitent offrir une hystérectomie radicale mini-invasive aux patientes atteintes du cancer du col de l'utérus doivent s'assurer de correctement les informer de ces risques."

"Personnellement, je n'offrirai pas d'hystérectomie radicale mini-invasive aux patientes qui viennent me voir pour un traitement du cancer du col de l'utérus avant que de nouvelles recherches convaincantes ne démontrent qu'une approche mini-invasive ne comporte pas ces risques."

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