• CONTACT

MIEUX VIVRE

Intuition

Le sixième sens, ça existe et ça s’apprend !

Qu’appelle-t-on communément le sixième sens ? Qu’en dit la recherche scientifique ? Peut-on s’y fier ? Comment apprendre à le développer ? Les réponses d’une neurologue et d’une thérapeute spécialistes du sujet.

Le sixième sens, ça existe et ça s’apprend ! ajr_images / iStock

  • Publié le 29.04.2022 à 11h00
  • |
  • |
  • |
  • |


Trouver l’idée du siècle, savoir à l’avance le sexe de son enfant, reconnaître les « bonnes » personnes, ou tout simplement choisir la bonne file d’attente aux caisses du supermarché... Le cerveau humain serait-il doté d’une sorte de sixième sens, d’un raisonnement inconscient qui nous ferait penser ou agir sans qu’on sache vraiment comment ou pourquoi, d’un flair naturel qui nous pousserait instinctivement à prendre une décision plutôt qu’une autre ? Et si, tout esprits cartésiens que nous sommes, nous pouvions travailler cette faculté pour enfin choisir, peut-être, la bonne voie ?

Dans l’imaginaire collectif, le « sixième sens » est une expression faisant référence à cet ensemble de perceptions extrasensorielles, c’est-à-dire ne faisant pas partie des cinq sens physiologiques énumérés par Aristote et validés par la science (vue, toucher, ouïe, odorat, goût). A force d’être reprise par la littérature et la fiction, l’expression est aujourd’hui volontiers associée au paranormal (prémonitions, télépathie...). Mais pour la majorité des scientifiques, le sixième sens existe bel et bien : il s’appelle proprioception, ou sens du mouvement, et il fait l’objet d’études depuis déjà plus d’un siècle. Il désigne la capacité à ressentir la position de notre corps dans l’espace et à en localiser les différentes parties les unes par rapport aux autres. C’est grâce à cette proprioception qu’on sait manier un stylo pour écrire, tenir un gobelet droit, sautiller, danser sans tomber, lancer un poids... C’est bien utile, certes, mais ce n’est pas tant le sujet de cet article.

Le siège de l’intuition

« Quand les gens parlent de sixième sens, il faudrait en réalité parler du septième », estime la neurologue Régine Zekri-Hurstel. « Et il a un nom bien connu : l’intuition. » Une notion longtemps jugée farfelue, mais qui est aujourd’hui étudiée par les neurosciences. En 2010, des chercheurs japonais du Riken Institute ont ainsi observé l’activité cérébrale de joueurs de shogi, un jeu proche des échecs, soit en mode intuitif (il faut jouer chaque coup en quelques secondes), soit analytique (en prenant son temps). « En fonction des zones du cerveau activées lors des parties, ils ont pu identifier un siège de l’intuition, situé juste à côté du cortex de l’émotion : il s’agit de la zone du noyau caudé, qui recèle une quantité astronomique de données », explique la neurologue. Vulgairement, ça se passe comme ça : « Devant une situation nouvelle et inconnue, notre cerveau balaye furtivement cette mémoire sensorielle et émotionnelle, crée du lien entre certaines informations, puis nous envoie un message d’alerte, d’action. » D’où cette intuition d’avancer tel pion, de ne pas faire confiance à cette personne, ou de prendre ce chemin de randonnée et pas l’autre.

Septième sens pour les experts, sixième pour les non-initiés, l’intuition existe donc, selon la science. Et à en croire certains artistes, patrons d’entreprise, sportifs, chercheurs et autres personnalités publiques, elle aurait joué un rôle dans leur parcours et leur inspiration. C’est le fameux « pressentiment », cher à celles et ceux qui ont pris un jour la bonne décision. Pour Einstein, « le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel un serviteur fidèle ». Victor Hugo, lui, associait l’intuition au « grand organe de la conscience ». Plus récemment, Steve Jobs disait qu’elle était « plus puissante que l’intellect ». Une source de créativité donc, mais aussi d’efficacité : selon Dr Zekri-Hurstel, « c’est une clairvoyance spontanée, une connaissance immédiate et non travaillée qui nous permet d’arriver à des conclusions instantanément, alors que cela devrait rationnellement nous prendre des minutes, des heures, des jours. » Une étude de 2011 portant sur des handballeurs professionnels a ainsi démontré que leur intuition était associée à des actions plus rapides et de meilleure qualité. Certaines entreprises ou écoles, comme l’iRiS à Paris, sont aujourd’hui spécialisées dans les formations au développement de l’intuition, « source de progrès » selon eux. Preuve que le sujet est pris au sérieux, même l’armée américaine mène depuis quelques années des expériences sur les pouvoirs de l’intuition, avec l’ambition d’aider les soldats à prendre des décisions rapides au combat...

« Eurêka ! »

Reste que l’intuition, ça ne s’apprend pas en un seul jour, en tout cas pas de façon académique. Et pour cause, « l’intuition, c’est quand on sait sans savoir que l’on sait. Ce n’est ni le mental, ni le verbal, ni tout ce qu’on a appris », explique l’hypnothérapeute Catherine Balance, auteure de guides pratiques pour développer le « septième sens » dont Intuition et prise de décision (éd. Jouvence, 2020). Savoir sans savoir, mais comment la reconnaître alors ? « Une intuition est une information brève, globale qui ne donne pas de détails ni d’explications, mais qui apparaît comme une évidence. Ça peut être aussi simple que "N’y vas pas", "Parle-lui" ou "Accepte cet emploi" – à l’inverse d’une information analytique, qui cherche toujours des arguments, comme "N’y vas pas parce que tu risques de...". Parfois, l’intuition produit même des éclairs de génie, des idées révolutionnaires : c’est le célèbre "Eurêka" ("J’ai trouvé" en grec) du mathématicien Archimède. »

Il va sans dire que, plus la base de données sur laquelle surfe l’intuition est grande, plus l’intuition est probable, régulière, géniale. « Si Einstein a pu déduire plusieurs théories grâce à ces rêves, notamment celui où il chevauche un rayon de lumière, c’est parce qu’il était ouvert à son intuition, mais aussi et surtout parce qu’il était expert de son sujet et constamment en train de le travailler ! », rappelle la thérapeute Catherine Balance. L’intuition nous tomberait donc dessus, comme la pomme sur la tête d’Isaac Newton qui lui aurait inspiré la loi de la gravitation. Mais pour ne pas qu’elle tombe à plat, c’est-à-dire sans faire jaillir la moindre idée ou action, il faut toutefois se conditionner un peu. Au moins pour ne pas l’ignorer : « Le tout, c’est d’apprendre à écouter les conseils de son intuition. Et pour cela, il est essentiel d’être à l’écoute de soi. »

Comment cultiver son septième sens ?

Pratiquer l’écoute intérieure. « Avant un rendez-vous avec un ami, par exemple, connectez-vous mentalement à lui, même à distance, et essayez de capter un élément, une information nouvelle sur la rencontre ou la personne. Ou avant qu’un ami vous demande conseil, prenez 1min pour « ressentir » sa situation sans la connaître, et vérifiez ensuite s’il y a du vrai », explique Catherine Balance. Globalement, toutes les techniques qui contribuent à l’apaisement du mental et nous connectent à soi et aux autres (méditation, relaxation, respiration...) favorisent le sens de l’intuition, estiment les spécialistes. Etre à l’écoute de soi, c’est aussi prêter attention à son ressenti corporel, qui sert d’alarme. « L’intuition se traduit parfois par une sensation physique (la gorge serrée, le ventre noué...) ou émotionnel (excitation, peur...), qu’il ne faut pas confondre avec des sensations désagréables liées à des croyances. » Avoir la boule au ventre avant de monter dans un avion, ce n’est pas avoir l’intuition qu’il va se crasher, c’est tout simplement avoir peur de voler...

Tenir un journal d’intuitions. C’est une méthode un peu scolaire mais qui, avec un peu de pratique, permet d’apprendre à repérer ses intuitions. « Dès que vous pensez avoir une intuition, notez dans un carnet l’heure, le jour et les signes qui vous ont conduit à cette intuition : les informations, les messages, les symboles (couleurs, formes, objets...), les sensations corporelles... Cela nous oblige à faire preuve d’imagination, à exploiter davantage les facultés de notre cerveau », selon la thérapeute. Ce travail d’introspection de ses intuitions, c’est également une façon d’apprendre à les distinguer de son raisonnement. « L’intuition est abrupte et fugace, alors que le raisonnement, qui vient du cerveau gauche, s’accompagne toujours d’une explication », note ainsi la neurologue Régine Zekri-Hurstel.

Créer, bouger, danser, chanter, écrire, cuisiner... Une des meilleures méthodes pour développer l’intuition, selon la médecin du cerveau, reste de développer son hémisphère droit, celui de la créativité, de l’imagination, de l’émotion et des pensées. « L’intuition survient souvent sans prévenir, quand on ne fait rien, quand on laisse son cerveau vagabonder dans le temps présent et qu’on fait confiance à son intelligence intuitive, créatrice. L’idée est donc de fonctionner sa curiosité sensorielle, de découvrir toujours plus d’odeurs, de goûts, d’endroit, de libérer sa dimension artistique à travers le mouvement, la danse, la peinture... » La logique est simple : plus on ouvrira ses six sens au monde, plus le septième pourra s’épanouir.

Deviner ! Pour affiner son sens de l’intuition, il est essentiel, enfin, de s’en servir au quotidien, avec des expériences visant à faire marcher son côté instinctif, déductif, inductif. « Deviner entretient l’intuition. Vous pouvez donc créer vos propres exercices de devinette ou de ressenti : deviner la fin de l’histoire d’un livre ou d’un film dès le début, deviner qui va gagner le match ou combien de points l'équipe va marquer, deviner quel ascenseur va arriver en premier ou quelle caisse au supermarché va être la plus rapide. »
Vous aimez cet article ? Abonnez-vous à la newsletter !

EN DIRECT

LES MALADIES

J'AI MAL

Bras et mains Bras et mains Tête et cou Torse et haut du dos Jambes et pied

SYMPTÔMES