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QUESTION D'ACTU

Semaine de sensibilisation à la SEP

SEP et sport : « Il y a une diminution du risque de poussée d'environ 30 % »

Les bénéfices du sport sont nombreux pour les personnes atteintes de sclérose en plaques (SEP). Pour tout savoir sur les bonnes pratiques d’une activité physique adaptée à la maladie et au handicap, le Dr Cécile Donzé, médecin chef du service de Médecine Physique et Réadaptation Fonctionnelle (MPR) à Lille, a répondu à nos questions.

SEP et sport : « Il y a une diminution du risque de poussée d'environ 30 % » AnnaStills/iStock




Pourquoi Docteur : Les activités physiques sont-elles une bonne chose pour les personnes atteintes de sclérose en plaques ?

Cécile Donzé : Pour les personnes ayant une SEP (Sclérose en Plaques), les effets de l'activité physique sont les mêmes que pour la population générale. Mais en plus elle va pouvoir entraîner des améliorations sur l'équilibre, la mobilité, la fatigue, le bien-être, et la qualité de vie.

Toutes les activités physiques sont possibles quand est atteint de SEP, quel que soit le handicap ?

Le sport, c'est de l'activité physique régie par des règles (mettre des buts, les compter, etc). Comme il y a des règles, il y a des fédérations sportives.

L'activité physique correspond aussi à tous les mouvements du corps qui vont induire une dépense d'énergie, comme marcher, faire des courses, jardiner, etc.

Et, il existe l’« activité physique adaptée » qui va être adaptée à une pathologie, à un handicap, ou aux difficultés de la personne. Et on ne va pas faire la même chose pour la SEP que pour l’asthme et le diabète. Cette « activité physique adaptée » est souvent conseillée aux patients atteints de SEP mais plutôt avec un handicap important.

Ceux ayant une SEP avec peu (ou pas, NDLR) de séquelles peuvent faire du sport. Il y a d’ailleurs de grands champions en Jeux Paralympiques.

L’activité sportive doit-elle être prescrite sur ordonnance ?

Le sport sur ordonnance est une activité physique adaptée, et non pas du sport classique comme le foot par exemple. Elle est prescrite par un médecin généraliste ou spécialiste. Et surtout, elle doit être précédée d'un bilan d'aptitude physique à l'activité sportive, que l’on soit atteint de SEP ou non d’ailleurs.

Pour les personnes atteintes de SEP, il faut adapter le sport en fonction du niveau du handicap et rechercher les contre-indications. En effet, ce n'est pas parce qu’on a une sclérose en plaques qu’on ne peut pas avoir de problèmes cardiaques ou vasculaires ou respiratoires avec des contre-indications spécifiques. Il y a pour le sport sur ordonnance, c’est-à-dire l’« activité physique adaptée », une prescription d’une dizaine ou douzaine de séances, deux fois par semaine, qui va être proposée aux professeurs d'activités physiques adaptées.

Précision importante : cela n'est pas remboursé par les organismes sociaux. Mais il y a des moyens de prise en charge : les mairies mettent en place des choses, du sport pas cher. Et il y a les mutuelles qui prennent en charge aussi parfois. Des régions vont parfois mettre des choses et il existe les « maisons sport santé » qui peuvent d'accueillir des patients.

Donc quand on a une SEP, il est possible de faire, soit du sport « ordinaire », soit du sport adapté ?

Tout à fait mais je pense qu'il faut être accompagné quand même. Même si on veut faire du sport, il y a quand même un accompagnement important, je pense, au niveau médical, pour préciser un peu les activités physiques et comment les adapter surtout.

SEP et sport : « Une diminution du risque de poussée d'environ 30 % »

Quels sont les effets du sport sur la SEP au niveau de l’évolution, des poussées ?

Aujourd'hui on va plus loin que le bien-être et la qualité de vie. Les différentes études sur le sujet ont montré qu’il y a une diminution du risque de poussée d'environ 30 %, avec des programmes très différents (programme sur des vélos, en piscine...) mais avec un retour plutôt positif.

Concernant la progression de la maladie, on est encore au début de l’histoire. Cela a été démontré chez l’animal (des souris avec une SEP), mais chez l’Homme, les résultats sont encore difficiles à compiler. On n’a donc pas un niveau de preuve suffisant, mais il y a quand même une tendance à montrer qu’on limite sa progression. La difficulté est aussi d'avoir le bon marqueur d'évolution de la sclérose en plaques. En tout cas, le sport n’est en aucun cas délétère. On le sait depuis longtemps.

Les médicaments utilisés dans une SEP peuvent-ils être une contre-indication au sport ?

Les médicaments ne sont pas une contre-indication à la pratique de l’activité physique. Maintenant, effectivement, si on pense à la cortisone qui est donnée en bonus avec de grosses doses pendant la poussée, c'est sûr qu'on peut dire qu’il y a un effet dopant. Mais en général, je pense que quand il y a une poussée, il n 'y a pas de sport au sens « sport ».

Mais en aucun cas les autres traitements ne sont pas une contre-indication. Les contre-indications sont autres : cardiovasculaires, respiratoires…

Quand on a une SEP, on peut faire du sport seul ou obligatoirement en groupe et encadré ?

C’est un choix très personnel. Certains patients aiment faire une activité plutôt sociale, et se retrouver en groupe (marche en groupe, ...) ou sport d'équipe. Et il y a des patients qui me disent, « non, moi je préfère faire mon activité physique régulière chez moi à la maison ou en famille ». C'est à la carte. Et il est vraiment important d'écouter ce que les patients ont envie de faire parce que sinon ils vont abandonner leur sport.

SEP et sport : « Il s’agit d’une bonne fatigue »

Le sport fatigue-t-il plus une personne atteinte d'une SEP qu'une personne qui n'est pas malade ?

Le sport va fatiguer la personne comme tout le monde. Moi-même, si je fais du sport, je suis fatiguée. Mais souvent les patients disent qu’il s’agit d’une « bonne fatigue », pas celle qui existe quand la personne se lève le matin et que, sans avoir rien fait, elle est déjà fatiguée.

Donc on doit en tenir compte évidemment parce qu'il va falloir adapter et y aller progressivement. Et cela dépend aussi du niveau d'activité de base du patient. S’il s’agit de quelqu'un qui ne bouge plus, qui ne se lève qu’une fois par jour, on va y allez très très progressivement.

On va adapter cette activité physique au niveau de la fatigue et du handicap aussi. On ne pourra pas faire la même chose avec quelqu'un qui est en fauteuil roulant que quelqu’un qui n'a pas de problème de marche. Mais en tout cas, les études montrent qu'un des traitements de la fatigue est le sport, et l'activité physique adaptée.

Quelle la différence entre fatigue liée à la SEP et fatigabilité, et quelles conséquences sur la pratique sportive ?

La fatigue liée à la SEP est un peu la même chose que la fatigue post-COVID. Si vous avez la COVID ou la grippe, vous avez cette espèce de fatigue, cette chape de plomb qui vous mine complètement et qui est liée à cette affection virale.

Dans la SEP, il y a la notion de maladie auto-immune et de maladie immunitaire. Donc on va avoir cette fatigue qui fait que le matin, même si on a dormi 12 heures, on reste encore fatigué.

Et ça, c’est différent de la fatigabilité qui une fatigue qui survient après un effort physique, et est effectivement souvent plus importante dans la SEP parce que les patients sont déconditionnés à l’effort. Comme ils ont des difficultés à marcher et à bouger, ils vont en faire moins. Et quand on en fait moins, on arrive moins à faire. On est dans le cercle vicieux de la sédentarité.

On a donc deux choses différentes.

Il est vrai qu'au départ les patients sont inquiets quand je leur dis « faites de l'activité physique ». Ils me répondent « mais je suis fatiguée ». Mais en fait, c 'est tout l'art d'expliquer et de mettre en place un programme progressif. J'insiste là-dessus : il ne faut pas vouloir faire des performances en quinze jours. On ne devient pas champion olympique en quinze jours. Donc je leur explique. Le programme va être fait comme pour un sportif qui démarre de zéro. Donc la notion du temps, elle est importante. Cela ne se fait pas tout de suite et rapidement.

SEP et sport : « Aucun risque à continuer en cas de poussée »

En phase de poussée de SEP, il est préférable de stopper le sport, ou, si le handicap n'est pas trop invalidant, il est possible de continuer de manière plus « légère » ?

Il n’y a aucun risque à continuer. Cela ne va pas aggraver la poussée, la rendre plus dangereuse ou laisser plus de séquelles. Mais effectivement, cela dépend du niveau. Si vous avez une grosse poussée motrice, que vous êtes clouée au fauteuil, on ne va pas arrêter, on va continuer différemment avec des exercices peut-être plus doux, des exercices de respiration, des membres supérieurs ou du tronc, mais on ne va pas interdire aux patients de poursuivre.

Si, la personne a une poussée sensitive qui ne la gêne pas trop, elle va continuer. Cependant, la poussée est souvent associée à une fatigue accrue. Donc, la plupart du temps, les patients se mettent un peu au repos et reprennent progressivement. Mais en tout cas, ce n'est pas une contre-indication.

Faire du sport dans un milieu froid ou au contraire très chaud peut-il avoir des conséquences sur la SEP ?

Le fameux phénomène d’Uhthoff est lié à l'augmentation de la température corporelle qui va induire des blocs de conduction au niveau des fibres démyélinisées et créer une espèce de court-circuit qui va se passer et qui peut aggraver certains symptômes.

Il est lié à l'activité physique puisqu'on augmente notre température corporelle lorsqu’on fait du sport. C’est aussi en lien avec les conditions atmosphériques, car il est vrai qu’en cas de canicule, il y a des dégâts.

On propose aux patients de faire plutôt une activité physique, en dehors des heures chaudes, mais finalement comme n'importe qui puisque personne ne fera de marathon à 13h30 en pleine chaleur.

Et les personnes atteintes de SEP le savent : elles vont se mettre au frais, effectuer leur activité physique plutôt le matin de bonne heure ou le soir.

A noter que ce phénomène d’Uhthoff ne laisse pas de séquelles. Il est transitoire.

L'atmosphère froide, c'est mieux effectivement. C'est plus facile, et pour n'importe quel sportif, même si c’est exacerbé chez les patients avec une SEP.

Il faut d’ailleurs bien leur expliquer de ne pas s’inquiéter car il s’agit d’une « fausse » poussée. 

Que pensez-vous de la cryothérapie, assez prisée des sportifs, quand on a une sclérose en plaques ?

La cryothérapie existe depuis longtemps, puisque les fameux bains froids étaient utilisés dans les années 50 pour limiter le phénomène d’Uhthoff, et non pour agir sur la sclérose en plaques.

Le plus simple et le moins cher est d'ingérer de la glace pilée avant et après l'effort. Cela refroidit d'environ un degré la température corporelle et cela permet de poursuivre son activité physique, et souvent c’est suffisant. Une ou deux études sur le sujet, dans les années 80, ont montré une certaine efficacité.

Il y existe également d’autres procédés, comme les vestes réfrigérantes, mais souvent c'est inconfortable et cela ne reste pas froid suffisamment longtemps.

Je ne propose pas du tout la cryothérapie du corps entier. Il est vrai qu'elle est beaucoup utilisée chez les sportifs, mais aucun effet n’a été démontré dans le peu d'études concernant la sclérose en plaques.

Certains de mes patients ont testé et effectivement il y a un effet juste après, mais qui ne tient pas dans le temps. Le coût est élevé, non remboursé, et pas toujours fait dans des conditions correctes. Si la cryothérapie est effectuée en milieu médical, il existe peu de risques, mais si vous l'effectuez comme dans une cabine type UV, cela peut être dangereux.

SEP et sport : « Ce temps de détente est un traitement »

Quels conseils donnez-vous à ces patients pour l'organisation de ce temps de détente sportive ?

Je leur dis que ce temps de détente est un traitement. Je leur parle de traitement par l'activité physique pour qu'ils le mettent dans leur emploi du temps.

Les recommandations sont de réaliser cette activité physique de réentrainement à l'effort 3 fois par semaine, entre 20 minutes et une demi-heure (à atteindre progressivement). Il va s’agir de fitness, de marche, de vélo…. Cette action sur la partie cardiovasculaire est associée à 20-30 minutes de renforcement musculaire pour travailler les muscles, et tout cela, en fonction des besoins de chacun.

De petits exercices d'équilibre peuvent être ajoutés en incluant le renforcement et le fitness dans une même séance. Et surtout, on propose de faire des étirements également, parce que les patients ont souvent de la spasticité dans certains muscles. Il est conseillé de faire 10 minutes d'étirements le matin, et 10 minutes le soir, permettant ainsi d’améliorer la souplesse.

Tout dépend bien sûr des patients : certains vont aller jusqu’à 5 fois par semaine, si ce sont d’anciens sportifs ou des personnes qui ont continué leurs activités.

SEP et sport : « Ne pas attendre les JOP pour s’y mettre ! »

Quel message souhaitez-vous adresser aux personnes concernées ?

Bougez et n’attendez pas les JOP (Jeux Olympiques et Paralympiques) dans 100 jours pour vous y mettre ! Tout le monde doit vraiment militer pour cette activité physique auprès des patients en leur démontrant les effets à la fois sur le plan physique mais aussi sur le système nerveux central.

Pourquoi Docteur : Et n’oublions pas, en plus de tous ces conseils, qu’une alimentation équilibrée et variée accompagnée d’une bonne hydratation sont des éléments clefs d’une vie saine, que l'on soit malade ou non. En cas d’activité physique, il faut s’hydrater régulièrement et suffisamment, et conserver un bon apport énergétique. Il ne faut pas attendre de ressentir la soif ou la faim. Il est nécessaire d'anticiper les besoins, surtout avec une SEP. De manière générale, dans la vie de tous les jours, aucun régime particulier n’a montré de réelle efficacité dans la SEP mais il est important de manger sainement, des fruits et des légumes, des fibres, de la viande, du poisson… Bref, tout ce qui est conseillé pour la population en général. Et bien que les études n’aillent pas toutes en ce sens, il semble préférable de consommer plus d’aliments riches en oméga-3 (des acides gras polyinsaturés) ou en vitamine D, mais moins de sucres rapides. Le rôle du microbiote sur l’inflammation causée par la SEP commence à être reconnu et pourrait apporter de nouveaux espoirs dans la prévention des poussées de sclérose en plaques, mais aussi dans l’apparition de la maladie.

Pour en savoir plus, découvrez l’interview dans notre émission « Questions aux experts » :

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