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Pourquoi perdre du poids ?

Obésité et perte de poids : comment aider le cerveau à combattre les hormones du stress ?

Le Professeur Bernard Sablonnière, biochimiste à la faculté de médecine de Lille, est un conteur de la médecine. Il répond aux questions du Dr Jean-François Lemoine.

Obésité et perte de poids : comment aider le cerveau à combattre les hormones du stress ? iLexx

  • Publié le 09.06.2018 à 12h05
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Dr Jean-François Lemoine : Quelles sont les hormones des "sentiments" dont la sécrétion est perturbée par une prise de poids ou améliorée par une perte de poids et avec quelles conséquences ?

Professeur Bernard Sablonnière : Indiscutablement les hormones du stress ! Lorsque l’on grossit trop, il y a aujourd’hui chez pratiquement tout le monde, une prise de conscience et le sentiment que sa propre image ne correspond plus à ce que l’on voudrait qu’elle soit. Cela crée un stress. Dans cette relation intime de l'aliment et de notre cerveau, intervient surtout l'hormone du stress que l’on appelle le cortisol, mais aussi l'hormone de l'envie, la dopamine ; Sans oublier les hormones du plaisir : anandamide, sérotonine et endorphines.

La motivation est là, mais l'attente de la récompense est facteur de stress. L’exemple le plus caricatural est le moment où l’on va monter sur le pèse-personne ! Il faut donc un contrôle volontaire très puissant pour dominer ou éduquer son stress, sinon le cortisol stimule l'appétit, notamment pour les aliments sucrés. C’est l’explication hormonale du grignotage... D'où les effets yo-yo des régimes trop rapides et trop exigeants, en terme de réduction de la prise alimentaire.

Chez certains d’ailleurs, ce stress, surajouté à la perturbation d’image, va bloquer l’envie de la corriger avec des réactions du type "J’ai pris cinq kilos, tans pis je n’y arrive pas, je continue de manger". Chez d’autre ce sera l’effet inverse et le stress tellement fort, que cela les motive tout de suite à se prendre en main pour corriger.

Cette ambivalence dans la gestion des hormones du stress est une des explications à la réussite ou non d’une perte de poids. C’est d’ailleurs une situation générale connue : devant le stress, soit on abandonne et on fuit, soit on se bat. A la guerre comme à la guerre ! C’est au nom de ce stress que certains médecins prescrivent des médicaments anti-stress, type antidépresseur, ce qui n’est pas une bonne solution car trop indirect.

Dr Jean-François Lemoine : Tout n’est quand même pas qu’affaire de stress ?

Professeur Bernard Sablonnière : Non, bien évidemment... Alors on va un peu compliquer ! Mais ne vous arrêtez pas au nom de ces hormones, qui peuvent paraître compliqués, et entrez dans cette chimie subtile : l'une des hormones du plaisir, que l’on appelle la sérotonine, est aussi la clé chimique de la sérénité. Elle est libérée par le cerveau, lors d'un repas calme, sans stress pendant lequel on prend le temps de mâcher. Elle favorise la bonne humeur, puis diminue notre appétit et nous amène naturellement à ne pas trop manger.

Dans le cas de l’effort pour se contrôler, l’hormone de l’envie, la dopamine, entre en jeu. Elle va réduire les effets de cette sérotonine. Conséquence, si notre journée est trop trépidante, l'excès de dopamine diminue l'effet de la sérotonine: on mange vite et trop.

Dr Jean-François Lemoine : On est au bout du mécano ?

Professeur Bernard Sablonnière : Presque... Le stress freine la perception du plaisir lié à l'effet des aliments, la faible libération d'anandamide - c’est une sorte de cannabis naturel - et d'endorphines - c’est cette hormone du cerveau proche de la morphine que l’on sécrète, par exemple en cas d’effort prolongé - bloque la sensation de satiété.

Dr Jean-François Lemoine : A l’inverse certaines sécrétions sont peut-être positives ?

Professeur Bernard Sablonnière : Un taux élevé de sérotonine (lorsque l'on se sent bien et serein, détendu...) diminue l'appétit pour les sucres et augmente l'appétit pour les protéines. Cet équilibre est sous la direction d’un véritable dialogue qui s’institue entre l'estomac et le cerveau. Donc pour effectuer correctement son régime, il faut être dans une bonne condition mentale et être bien dans sa tête.

L'idée d'un bon repas agit sur le cerveau et une petite glande que l’on appelle l'hypothalamus qui libère la ghréline. C’est une des hormones de l'appétit. Son rôle est de nous donner envie de manger. Ensuite dans le circuit de la récompense, la dopamine active la libération de l'anandamide, hormone de la gourmandise. L'anandamide aiguise nos sensations gustatives et flatte le palais. On perçoit que l'on déguste.

Dr Jean-François Lemoine : Lors de l’amaigrissement, l’euphorie induite par la perte de poids a-t-elle une traduction hormonale ?

Professeur Bernard Sablonnière : Oui bien sûr. L'euphorie induit la libération d'endorphines et de sérotonine, ce qui nous rassure et diminue la libération de l’hormone du stress. De plus la sérotonine modère notre désir parfois effréné d'accentuer notre régime. IL FAUT DONC CONTINUER PROGRESSIVEMENT CETTE STRATEGIE DE PERTE DE POIDS POUR S'Y HABITUER. Tout le problème est de ne pas activer trop vite le circuit du désir - récompense, en accentuant trop vite son régime. Sinon, le plaisir attendu par la perte de poids qui doit en découler, ne s'accompagne plus de la perception d’une récompense; Mais parfois, au contraire, d'une inhibition, d'un blocage qui nous rend désemparé. On stresse à nouveau et on mange trop vite, sans percevoir la notion de satiété. Pour faire court... On craque !

Dr Jean-François Lemoine : Ces manifestations se poursuivent-elles si la perte de poids se maintient ?

Professeur Bernard Sablonnière : Dans ce cas, on est face à une situation ou le désir motivé de perte de poids va s'amenuiser. C'est un peu la même situation d'un couple où le désir diminue. Si la volonté, associée à cette motivation de maintien du poids (ce but qui nous pousse à désirer) diminue, le cerveau peut se démotiver et laisser place alors à une reprise progressive d'un cycle désir - plaisir qui peut s'accompagner, soit d'un comportement alimentaire régulé (le cerveau a mémorisé la limite à ne pas dépasser en terme de prise alimentaire), soit, si l'émotion associée à cet effort est trop ténue, la reprise d’un comportement alimentaire inapproprié et parfois excessif. Ce qui va entraîner une reprise de poids.

* Auteur de « La chimie des sentiments »aux éditions Jean-Claude Gawsewitch

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