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Sylvie Coché, sage-femme

Sages-femmes : "Les progrès techniques nous ont éloignées des mères"

ENTRETIEN - Les sages-femmes disposent de deux compétences supplémentaires, l'IVG et la vaccination. Deux évolutions d'une longue série depuis au moins 30 ans.

Sages-femmes : \ lucidwaters/epictura

  • Publié le 22.06.2016 à 07h07
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Pratiqué depuis l'Antiquité, le métier de sage-femme a bien évolué. Depuis juin 2016, deux nouvelles compétences se sont ajoutées à leur profession. Elles pourront désormais prescrire les interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses et les vaccinations du nouveau-né – dans les 8 semaines suivant l'accouchement. Adoptées dans le cadre de la loi de modernisation du système santé, ces missions ne sont pas toujours connues des femmes enceintes. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, lance donc ce 22 juin une campagne d'information à leur adresse. Pourquoidocteur fait le point sur 30 ans d'évolution avec Sylvie Coché, sage-femme à Lyon depuis les années 1970 et auteur de Poussez Madame ! Confessions d'une sage-femme*.

Comment votre métier était-il pratiqué il y a 30 ans ?

Sylvie Coché : A cette époque, les patientes souffraient beaucoup et le soutien moral était beaucoup plus important qu'aujourd'hui. On en était encore aux balbutiements de la péridurale. On avait moins de techniques à réaliser, mais il fallait vraiment de l'empathie et de la présence pour surmonter ces moments compliqués.

Dans l'établissement privé où j'ai commencé ma carrière, un anesthésiste belge est arrivé au bout d'un an ou deux. Il souhaitait faire des péridurales à la demande, ce qui a interloqué le personnel. Au vu de nos connaissances, cela ne semblait pas être une bonne solution : il était difficile de piquer quand la patiente avait mal ou s'agitait.

L'ouverture aux différentes techniques a-t-elle été bénéfique ?

Sylvie Coché : Je trouve très bénéfique que les patientes disposent de toutes les options disponibles. Mais nous, sages-femmes, sommes moins présentes au chevet de la patiente parce qu'on a beaucoup de travail en dehors du soin. En plus de la paperasse, il y a un dossier informatique à remplir... Beaucoup de choses en dehors du geste médical. Je le regrette car j'ai toujours aimé la proximité dans mon métier. J'aimais presque qu'on m'insulte, qu'on me griffe, qu'on me claque. J'avais l'impression d'être utile.

Ecoutez...


Êtes-vous toujours aussi autonome ?

Sylvie Coché : J'ai l'impression qu'on était plus proche des patientes par rapport à aujourd'hui. La pression médico-légale est plus difficile à supporter maintenant. J'ai connu des établissements où j'étais toute seule la nuit, les médecins n'étaient pas sur place. On ne peut plus travailler comme ça à présent. Je ne dis pas que c'est mal, mais on travaille différemment et l'aspect humain est réduit pour se protéger davantage. Il faut sans cesse prouver qu'on a vérifié que l'enfant et la mère allaient bien. On multiplie les examens, les heures de surveillance pendant le travail. Avant, les femmes avaient beaucoup plus de liberté.

 

Les patientes ont-elles changé ?

Sylvie Coché : On a encore une certaine liberté au sein de l'équipe médicale, qui nous fait confiance. Mais les patientes et leur entourage sont d'une exigence largement supérieure. Avant, ils nous faisaient plus confiance. A présent, les mères exigent certaines choses, affirment s'informer. « Je veux, j'exige, j'ai droit à » : on entend plus souvent cela.

Ecoutez...
« Mon message c'est de faire confiance au personnel soignant. On est là pour les patientes, pour qu'elles vivent l'accouchement le plus sympa possible. »


Quelles sont les évolutions majeures de votre métier ?

Sylvie Coché : C'est sans doute la pression médico-légale : on déclenche plus tôt parce qu'on a peur qu'il arrive quelque chose si on approche du terme. On fait des césariennes plus facilement parce qu'on a peur de prendre un risque en attendant. Les parents veulent l'accouchement parfait, l'enfant parfait. J'ai arrêté la salle d'accouchement alors que je l'ai adorée pendant 28 ans. C'était une drogue. Mais j'ai fini par penser que c'était trop de stress. Je préfère maintenant m'occuper des femmes qui sortent du bloc. J'ai l"impression de retrouver ma place en les chouchoutant.

Ecoutez...


Comment se profilent les années à venir ?

Sylvie Coché : Je pense que le système va s'inverser, comme toujours dans les sociétés. On veut toujours faire mieux avant de revenir aux fondamentaux. Pour l'accouchement, ce sera pareil. Je ne dis pas qu'il faut accoucher à quatre pattes derrière une souche au fond de son champ. Grâce aux nouvelles technologies, on a sauvé beaucoup de vies. Mais on va revenir à quelque chose de plus équilibré. Les maisons de naissance représentent un excellent compromis : on a le côté plus naturel de l'accouchement avec la sécurité grâce à la proximité de l'hôpital.

Quelles sont les compétences des sages-femmes ?

Les sages-femmes françaises ont des compétences variées qui s'articulent autour de la grossesse. Elle peuvent ainsi réaliser la surveillance du foetus et de la femme enceinte, par des échographies, des dépistages, une préparation à l'accouchement ou encore un suivi psychologique. Elles sont aussi précieuses en salle d'accouchement : 70 % des mises au monde se déroulent uniquement en présence d'une sage-femme. A l'issue de l'accouchement enfin, les maïeuticiennes sont habilitées à réaliser le suivi post-natal du nouveau-né et de la mère, avec une rééducation si nécessaire.

 

*Poussez, madame ! Confessions d'une sage-femme (Editions de l'Opportun)

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