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L'interview du week-end

Pervers narcissique : «Ces personnalités manipulatrices existent bien et font des victimes»

Les armes du pervers narcissique sont la séduction, les belles promesses ou encore les attaques dévalorisantes et la culpabilisation de l’autre. Ses mots sont si puissants que sa victime a bien du mal à voir qu’elle est tombée dans sa toile. Le psychanalyste Jean-Charles Bouchoux, auteur du livre “Les pervers narcissiques” (ed : Eyrolles), donne les clés pour s'en défaire.

Pervers narcissique : \ Daryna Zaichenko/istock




Pourquoi Docteur : Au travail, dans la famille, dans la sphère amicale… le pervers narcissique est présent dans de nombreuses conversations. Pourquoi autant de personnes semblent avoir un ex ou un proche pervers narcissique ?

Jean-Charles Bouchoux : Les pervers narcissiques sont devenus un sujet “à la mode” vers 2009, au moment de la sortie de mon livre. Pourquoi ? En partie, car nous avons besoin de désigner quelqu’un comme étant l’objet de nos problèmes. Cela a toujours existé. À l’époque de ma grand-mère, c’était le loup par exemple.

Une des questions que cela pose : c’est pourquoi ce besoin de démontrer que l’autre est pervers. Il y a plusieurs réponses possibles : on vit désormais dans une société où on a vite fait de désigner un coupable. On a tellement peur d’être vu comme le maillon faible qu’on peut avoir tendance à le chercher ailleurs et à le voir en l’autre.

Il y a aussi des personnes qui aiment jouer les sauveurs. Ainsi, derrière la question "est-il pervers ?", il y a alors la question : "puis-je le sauver".

Mais si les gens ont tendance à galvauder le terme de pervers narcissique, ces personnalités manipulatrices existent bien et elles font des victimes. Il ne faut pas mettre cela en doute.

Pervers narcissique : "le fait qu’on ne se sente pas bien dans la relation est le premier signe"

Qu'est-ce qu'un pervers narcissique ? Comment il parvient à faire tomber la victime dans sa toile ?

Pour moi, la perversion narcissique se caractérise par un mécanisme de défense psychotique. On pourrait dire que c’est un schizophrène qui, au lieu de maintenir son angoisse de dissociation (l'angoisse d’être deux en soi) à l'intérieur de lui, la projette sur ses relations. Il crée alors un couple fusionnel : c’est très souvent un couple amoureux, mais cela peut aussi être un couple parent/enfant ou employeur/salarié. Et c'est ici que tout se joue. 

Cela commence toujours par de la séduction. Il entoure la victime d’attention et de promesses pour la séduire. Puis petit à petit, il l'isole pour qu’aucun tiers ne se mette entre eux. C’est à partir de là que les mécanismes de défense pervers se mettent en place. Il projette dans l’autre ce qu’il a tellement peur de ressentir en lui. Finalement, il se voit ainsi comme le bon docteur Jekyll et l’autre est le mauvais mister Hyde Il se valorise en rabaissant l’autre : “Tu es mauvais, c’est ta faute, c’est à cause de toi”. 

C’est un phénomène d'identification projective qui se joue ici. C’est important que les gens le comprennent, car on saisit alors que quand il dit "tu es mauvais", en réalité, il dit “j’ai tellement peur d’être mauvais moi, que je préfère te l’attribuer”

Quels sont les signes qui peuvent faire penser que l’on est en couple avec un pervers narcissique ?

Comme je vous le disais, au début de la relation avec un pervers narcissique, tout est beau. Il y a une forte promesse, car elle démarre par la séduction. Mais, il y a ensuite un moment où cela bascule.

Le fait qu’on ne se sente pas bien dans la relation est le premier signe lorsqu'on a affaire à un pervers narcissique. Généralement, les personnes qui viennent me voir en consultation, me disent : "quand je l’ai rencontré, j’ai bien senti qu’il y avait quelque chose qui ne collait pas, mais c’était tellement charmant que j’ai préféré ne pas y penser". Dès le départ, elles ont su, mais la promesse, la séduction et l’attention du partenaire l’emportent. Il est vrai qu'on a tous envie d’être séduit.

Le second est que les victimes se sentent très rapidement culpabilisées dans cette relation. Mais, je crois que ce qu'on pense être de la culpabilité, et rarement de la culpabilité. On est coupable, seulement si on a commis une faute, et là il y en pas. En réalité, pour moi c’est plus un sentiment diffus de culpabilité liée à l’angoisse d’abandon. "Comme je ne suis pas assez bien, l’autre ne va pas rester avec moi". Ainsi, quand je reçois quelqu’un qui me dit : "je me sens coupable", je lui dis : "d’accord, mais coupable de quoi ?". Et généralement, les personnes n’arrivent pas à répondre.

Mon conseil, face à ce type de signes et de ressentis, est de se faire confiance, se relier à soi-même, redevenir le sujet de sa propre histoire en portant attention à son ressenti. Certes, la relation est théoriquement belle, mais dans les faits, elle ne l'est pas tant que ça concrètement. Il faut se faire confiance.

Pervers narcissique : "il faut partir et couper totalement les ponts"

Les personnes confrontées à un.e pervers.e narcissique, ont souvent beaucoup de mal à mettre un terme à la relation. Comment le ou la quitter ?

Si c’est possible, il faut partir et couper totalement les ponts. Il faut le retirer de ses contacts, ne pas répondre à ses appels, éviter d'aller sur ses réseaux sociaux pour voir où il en est dans la vie. On le blackliste, on le ghoste comme on dit aujourd’hui, on change de trottoir, si on l'aperçoit. Il faut une vraie rupture, car le pervers narcissique va saisir la moindre opportunité de reprendre le contrôle. Comme il est dans la toute puissance, il va essayer de voir s’il a toujours le pouvoir sur l’autre. 

Mais, c’est difficile à faire pour beaucoup de victimes, parce qu'elles ont souvent une angoisse de l'abandon. Et, malgré tout le mal qu’il peut faire, notre pervers nous rassure, car il est toujours là. 

Mais, il est impossible de rester amis. C’est déjà très compliqué dans les relations normales, alors dans les relations dysfonctionnelles…

Comment se reconstruire par la suite ?

Il faut faire attention au risque de répétition. Si on se contente d’avancer sans comprendre les mécanismes qui sont entrés en jeu dans cette relation dysfonctionnelle, ou ce qui s’est passé, cela risque de se reproduire. 

En revanche, si on comprend pourquoi on est tombé dans les filets d’un pervers narcissique, il n’y a pas de raison que cela se reproduise. Avec l’aide d’un professionnel au besoin, il faut se demander : "Pourquoi ai-je vécu cette expérience avec une telle personne ? Qu’est-ce qui s’est joué ? Qu’est-ce que j’ai à comprendre ?"

"Si vous avez un ami ou un parent dans cette situation, il ne faut pas essayer d’intervenir"

Comment réagir si l’on voit un proche tomber dans les filets d’un pervers narcissique ? 

Ce n’est pas facile de dire "ton copain ou ta copine n’est pas quelqu’un de bien", mais c’est aussi contre-productif. Si la personne est amoureuse, elle va automatiquement s’éloigner. De plus, un des mécanismes du pervers narcissique est l’isolation. Il ne supporte pas la présence d’un tiers dans la relation. Il va, par exemple, dire “tes amis ne valent rien”,” ta famille ne vaut rien”, et son conjoint va petit à petit s’isoler de son entourage. 

Si vous avez un ami ou un parent dans cette situation, il ne faut pas essayer d’intervenir. En revanche, vous pouvez envoyer un petit mot gentil : "j’ai remarqué que tu avais besoin de prendre de la distance avec moi et je le respecte. Mais, sache que si tu as besoin de moi un jour, ma porte te sera toujours ouverte". 

Ainsi, on est ni dans l’accusation, ni dans la mise en garde. On est dans l'accueil de son attitude et on lui assure qu’il n’y aura pas de prix à payer pour cette distance. Quand la personne voudra s’extraire de sa relation avec le partenaire pervers narcissique, elle pourra revenir vers vous. En effet, certaines victimes n’osent pas toujours reprendre contact avec leur entourage, car elles se disent "mince, cela fait deux ans que je ne lui ai pas adressé la parole et je veux lui demander son aide maintenant". Ce type de message leur laisse une porte ouverte en cas de besoin.

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