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Lourd bilan

Coronavirus et maintien du premier tour des municipales : de nombreux politiques contaminés

Un mois après le maintien du premier tour des élections municipales en pleine épidémie de coronavirus, force est de constater que de nombreux politiques y ayant participé sont tombés malades. Certains envisageraient même de porter plainte. 

Coronavirus et maintien du premier tour des municipales : de nombreux politiques contaminés Richard Villalonundefined undefined/iStock




L'ESSENTIEL
  • Elus, candidats ou assesseurs de bureaux de vote ont été contaminés lors du 1er tour des municipales le 15 mars
  • Plusieurs élus sont décédés de Covid-19
  • Emmanuel Macron, dans une interview au Point, a déclaré "assumer" la décision de maintenir ce scrutin

“Il y a des morts qui sont dus directement au premier tour des élections”. Un mois après la tenue du premier tour des élections municipales en pleine épidémie de coronavirus, force est de constater que de nombreux politiques ont contracté la maladie juste après. “Je dis ce que tout le monde sait, en France comme en Corse. Il suffit de voir tous ces gens qui ont été portés en triomphe le soir du premier tour alors que le principe de précaution aurait dû s'appliquer”, dénonce notamment le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, dans les colonnes du Parisien le 11 avril. 

A Saint-Brice-Courcelles, dans la Marne, le maire Alain Lescouët, 74 ans, est décédé du coronavirus 15 jours après avoir été réélu lors des municipales. Pour son adjoint, Alain Lalouette, l’édile a contracté le virus le jour du scrutin, dimanche 15 mars, c’est certain. “Même si on avait mis en place les prescriptions du gouvernement pour les isoloirs et les distances, on était équipés de façon très sommaire, raconte-t-il à la cellule investigation de Radio France le 16 avril. On a fait les élections à visage découvert. Pour les gens qui tenaient les bureaux, c’était comme en 14-18 sur le Chemin des Dames, on était en première ligne !” Le maire n’est pas le seul à être tombé malade. “Une dizaine de personnes du conseil municipal sur dix-neuf ont aussi été infectées. Toutes avaient participé au scrutin”, dénonce l’adjoint. 

Dans l’Oise, à Tracy-Le-Mont, c’est l’adjoint du maire Jean-Jacques Zalay qui est décédé le 31 mars, à 67 ans. Il aurait été contaminé pendant la campagne municipale, raconte la maire qui se souvient l’avoir trouvait très fatigué alors qu’il distribuait des tracts. Pendant le dépouillement, “les distances de sécurité n’ont pas été respectées, nous étions moins nombreux mais plus proches”, témoigne Sylvie Valente-le-Hir à Radio France. Quelques jours plus tard, d’autres membres du conseil municipal ainsi que des volontaires ayant participé au dépouillement avec l’adjoint sont tombées malades eux-aussi, soit six personnes.

Pendant les dépouillements, “les gestes barrières ont disparu”

D’après France Bleu, le maire de Beuray-Bauguay (Côte-d’Or) serait quant à lui mort dix jours après le premier tour, tandis que dans le Haut-Rhin, territoire particulièrement touché par le coronavirus, le maire de Saint-Louis est décédé peu après le vote. Dans ce département, à Balschwiller, Thierry Jacoberger, tête de liste de l’opposition, a dû être placé sous oxygène à l'hôpital pendant plusieurs jours, tout comme le maire sortant. 

Dans cette zone, “on se rend compte que les élus ont été plus touchés que la moyenne, témoigne Christian Klinger, président de l'association des maires du département, au Parisien. La préfecture nous avait dit qu'il y aurait deux litres de gel hydroalcoolique ainsi que des gants dans chaque bureau de vote. Mais dans les faits, je ne les ai pas vus”, raconte-t-il, ajoutant avoir du se “battre” avec la préfecture pour demander le report de l'installation des conseils municipaux élus.

Dans le territoire de Belfort, Corinne Coudereau, maire sortante de Valdoie et candidate à sa réélection a été testée positive début mars. Elle aurait été contaminée par un habitant venu la voir à sa permanence de campagne. Dans le Nord, à Coudekerque-Branche, plusieurs personnes qui tenaient des bureaux de vote sont tombés malades et 17 élus ont été infectés. A Billom, en Auvergne, une assesseure a été contaminée et hospitalisée. Dans le Pas-de-Calais, à Hanzin-Saint-Aubin, David Hecq, le maire sortant battu et l’une de ses adjointes ont été infectés par le Covid-19. 

Dans l’Oise, le département où est décédé du coronavirus le premier Français qui ne s’était pas rendu dans un pays à risques. A Compiègne, trois élus et employés de mairie présents à la soirée organisée au soir du premier tour ont été diagnostiqués positifs. Pendant cet événement “Les gestes barrière ont disparu. Plus personne ne pensait au coronavirus", témoigne Frederika Guillaume, journaliste de Oise Hebdo à Radio France. A Crépy-en-Valoy, le maire sortant Bruno Fortier a été dépisté positif dès le 1er mars. La campagne municipale avait alors été suspendue et la commune confinée bien avant le reste du territoire. Toutefois, avant d’être testé, l’édile a croisé, et donc potentiellement contaminé, près d’une centaine de personnes.

“Je fais confiance aux maires”, disait Macron 

Pourquoi alors que l’épidémie était déjà déclarée sur le territoire, le gouvernement a-t-il maintenu le premier tour des municipales après avoir fermé bars, restaurants, théâtres et cinémas ? D’après Franceinfo, tout s’est joué le 12 mars dernier. Ce jour-là, Emmanuel Macron a consulté les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que d’autres personnalités politiques et des experts du corps médical pour décider du maintien du scrutin ou pas.

Pour les scientifiques, à partir du moment où la population peut sortir en respectant des mesures barrières, aucun argument scientifique ne permet d’assurer que le premier tour des municipales aggraverait la situation. Il suffit d’instaurer une distanciation sociale, une file dédiée aux personnes à risque et la présence de gel hydroalcoolique, assurent-ils. Les experts en sciences sociales militent également pour le maintien des élections. Selon eux, l’annulation du premier tour entraînerait un séisme médiatique qui détournerait l’attention des Français du coronavirus.

“J’ai interrogé les scientifiques sur les élections municipales. Ils considèrent que rien ne s’oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables se rendent aux urnes, déclarera donc Emmanuel Macron à la population le soir même à 20h. Je fais confiance aux maires et au civisme de chacun d’entre vous. Je sais aussi que les mairies et les services de l’État ont bien organisé les choses.”

Si des élus et des électeurs ont bien été contaminés pendant le premier tour, le conseil scientifique ne se repent pas. “On est parti du principe que les élus étaient des gens responsables (..) Les hommes politiques s’engagent à piloter une commune. Ils occupent des fonctions importantes. Ils sont censés mettre en place et faire respecter les mesures nécessaires. S’ils ne l’ont pas fait, c’est inquiétant”, déclare aujourd’hui l’un de ses membres à Franceinfo.

Des menaces de plaintes contre le gouvernement

Des explications loin de suffire aux politiques infectés, dont plusieurs envisagent de porter plainte.  

Dans le Rhône, Chafia Zehmoul, candidate aux élections municipales de Saint-Fons, près de Lyon, a engagé une action judiciaire contre le gouvernement. “Le premier tour n'aurait jamais dû avoir lieu, on a tous été contaminés pendant la campagne, et on a certainement contaminé beaucoup de monde, raconte-t-elle au Parisien, ajoutant avoir ressenti les premiers symptômes du coronavirus dès le 16 mars. A partir de cette date, les membres de mon équipe sont tombés malades les uns après les autres”, déplore-t-elle. Son avocat, Me Hervé Banbanaste, travaille aujourd’hui à la constitution de poursuites pour “atteinte à la vie d'autrui”, ou “blessures involontaires”.

Récemment, Antoine Orisini, maire sortant de Castellu-di-Rustino (Haute-Corse), menaçait sur France Bleu de porter plainte contre le président de la République et le premier ministre s'il était contaminé. “Il n'y a pas de milieu plus confiné qu'un bureau de vote. Maintenir le premier tour des municipales, c'était nous jeter dans la gueule du loup viral”, accuse-t-il alors que la tête de liste de son village a dû être hospitalisé à cause du coronavirus. Désormais, le politique appelle à constituer un collectif d’élus locaux pour dénoncer “la non-gestion de la crise par les autorités”, sur “le modèle des collectifs de soignants”.

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