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Selon les experts

Série 13 Reasons Why : un manque de recul sur le suicide

Le nouveau carton planétaire chez les ados de Netflix  laisserait entendre que tout jeune est un suicidaire en puissance. Les experts rectifient.

Série 13 Reasons Why : un manque de recul sur le suicide Beth Dubber/AP/SIPA Hannah Baker, l'héroïne de 13 Reasons Why




En quelques semaines, la nouvelle série de Netflix 13 reasons why s’est imposée auprès des adolescents. Adaptée du best-seller éponyme de Jay Asher, cette fiction raconte l’histoire d’une jeune lycéenne, Hannah Baker, qui s’est suicidée.  

Le scénario pourrait s’arrêter là, et se concentrer sur le deuil de sa famille et ses amis. Mais l’auteur a eu l’esprit plus machiavélique. Avant de se donner la mort, la jeune fille a enregistré 7 cassettes audio dans lesquelles elle explique les 13 raisons l’ayant poussé à commettre ce dernier geste. « Installe-toi bien car je vais te raconter l’histoire de ma vie. Ou plutôt pourquoi ma vie s’est arrêtée. Et si tu écoutes ceci, tu en es l’une des raisons », dit-elle d’une voix posée.

Un récit sombre et morbide qui attire par millions les adolescents. Sur les réseaux sociaux, les débats sur la série ont battu des records. Rien que sur Twitter, plus de 11 millions de messages ont été publiés.
« Le succès de la série n’est pas seulement dû au fait qu’elle parle d’un sujet tabou qu’est le suicide, relève le Dr Xavier Pommereau, responsable du Pôle Aquitain de l'Adolescent au Centre Abadie (CHU de Bordeaux) qui a vu la saison 1. Elle reflète bien le monde des adolescents. Ils s’y retrouvent complètement ».

Un avis partagé par de nombreux utilisateurs de Twitter qui s’identifient au personnage. Comme Hannah, ils ont pu être victimes d’humiliations à l’école, d’acharnement sur internet ou se sentent incompris.
Mais d’autres s’émeuvent de certaines scènes choquantes, et en premier lieu celle du suicide. Montrée dans son intégralité, de nombreux jeunes téléspectateurs n’ont pas réussi à la regarder en entier.

 

 

 

 

Glorification du suicide

Parents, associations, spécialistes ont alors dénoncé la diffusion de ce quasi mode d’emploi pour une tentative de suicide accompli. Mais comme le soulignent le Pr Marie-Rose Moro, responsable de la Maison des adolescents de Cochin (Paris), et le Dr Pommereau, ces scènes macabres sont disponibles partout sur Internet. L’histoire d’adolescents tentant de se suicider en direct sur Facebook ou sur l'application Périscope fait fréquemment la Une des journaux.

 

Ecoutez...
Xavier Pommereau , responsable du Pôle Aquitain de l'Adolescent au Centre Abadie (CHU de Bordeaux): « Les ados d'aujourd'hui sont archi-connectés et sont à fond dans les séries. C'est comme ça et nous les adultes devons nous mettre à la page... »

 

« On peut parler du suicide avec des ados et leur montrer des scènes tant qu’on ne magnifie pas le suicide et qu’on ne laisse pas entendre que la personne est désormais soulagée », prévient le psychiatre bordelais.
Or dans 13 reasons why, le suicide apparaît comme la seule échappatoire pour Hannah. Un élément qui pourrait déclencher des tentatives de suicide chez des jeunes fragiles, explique le Pr Moro. « Dans les institutions ou les écoles quand un jeune met fin à ses jours, d’autres essayent. Ces épidémies de suicides sont bien connues », précise-t-elle.

Aux Etats-Unis et au Canada, les lignes d’écoute auraient déjà recensé une hausse des appels pour tentative de suicide ou auto-mutilations. Un grand nombre évoquerait la nouvelle série de Netflix.

L'absence de signes alarmants 

De son côté le producteur de la série se défend arguant que 13 reasons why a permis d’évoquer des sujets complexes comme le cyberharcélement ou les agressions sexuelles. Si le Dr Pommereau ne le contredit pas, il relève une simplification du processus suicidaire laissant entendre que tout adolescent est un suicidaire en puissance.
« Une jeune fille qui laisse 7 cassettes derrière elle pour expliquer son geste, cela pourrait exister dans la vraie vie mais ce serait forcément une adolescente faisant partie des 15 % de jeunes qui vont mal, explique-t-il. Or ces ados se manifestent toujours par des comportements de rupture avant de passer à l’acte. Ils font plus de fugues, ont plus d’ivresses prononcées et adoptent des comportement à risques y compris une sexualité non protégée ».

Avec Hannah rien de tout cela. A part une nouvelle coupe de cheveux, son mal être passe inaperçu. Ni ses parents, ni son ami le plus proche ne perçoivent ces signes d’alerte. Preuve que les ados sont les rois de la dissimulation ?
« Il peut arriver que des adolescents soient traversés par des idées suicidaires mais dans le même temps, ils arrivent à continuer à vivre leur vie d’adolescent. Ils vont à l’école et sortent avec leurs amis. Ce n’est que lorsque l’envie de mourir envahit toute la vie de ces jeunes qu’ils passent à l’acte », commente Marie-Rose Moro.


Suicide, une maladie de l'agressivité

Les proches peuvent aussi être sourds à cette souffrance parce que l’adolescent ne s’est jamais plaint. « Très souvent, les ados qui se suicident n’arrivent pas à dire aux autres ce qu’ils leur reprochent. Pour eux, le seul moyen de se faire comprendre est de s’ôter la vie. Evidemment tous les proches vont se sentir coupables, et c’est justement ce que veut le jeune suicidaire », poursuit la pédopsychiatre, ajoutant que « le suicide peut être qualifié de maladie de l'agressivité ».  

Pour Hannah Baker, le suicide serait donc le seul moyen de crier sa souffrance. Ses cassettes lui permettraient aussi de hanter l’esprit de ses camarades qu’elles jugent responsables. Une culpabilité et une emprise trop lourdes à porter pour certains des destinataires. "La prise d’otage" est d’autant plus forte que certains "coupables" sont des témoins aveugles du mal être d’Hannah. « C'est une forme de terrorisme », décrit le Dr Pommereau.

Et à aucun moment dans la série, un personnage ne prend de la hauteur pour expliquer tout cela. Un manque de recul dangereux pour le spécialiste. « Il faut absolument que nous (parents et médecins, ndlr) puissions regarder la série avec les ados pour en parler, mesurer leur sens critique et savoir comment ils perçoivent le mal être de cette jeune fille », insiste le pédopsychiatre qui prépare des ateliers de discussions avec ses jeunes patients.

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