• CONTACT

MIEUX VIVRE

L'avis de l'expert

Osez l'engagement social : "Un havre de lumière pour ceux qui en ont peu"'

Dès le mois de mars 2020, de nombreux citoyens se sont mobilisés pour aider les personnes les plus précarisées ou fragilisées par la crise sanitaire. Mode de fonctionnement de l'engagement social en France, diversité de ses thématiques, conseils pour se lancer… Francis Chahron, ancien directeur général de la Fondation de France, initiateur du Centre français des fondations et auteur de "L'Engagement social pour les Nuls" nous éclaire.

Osez l'engagement social : \ Prostock-Studio/iStock

  • Publié le 27.05.2021 à 16h00
  • |
  • |
  • |
  • |


- La crise sanitaire est synonyme d'un regain de l'engagement social. Comment l'expliquer ?  

Francis Chahron : Je pense que l'engagement est consubstantiel de la condition humaine. Certains ne s'intéressent pas aux autres, quoi qu'il arrive, mais, globalement, ce n'est pas le cas d'une grande partie de la population. En attestent les chiffres. Il y a 22 millions de bénévoles en France, soit un tiers de la société : cela montre que la question de la solidarité reste très importante dans notre pays. De même, quand une paralysie générale du système est induite par une catastrophe naturelle ou une grande crise, comme celle que nous traversons, les organisations, associations et fondations se mobilisent avec rapidité et flexibilité pour s'adapter à tous les besoins sociaux. C'est assez traditionnel, et c'est là que l'on voit leurs capacités de réaction.

- Comment l'engagement fonctionne-t-il ?

L'engagement philanthropique est porté par le bénévolat : les bénévoles sont présents dans tous les conseils d'administration d'associations et de fondations. Il s'agit d'un tissu particulièrement développé dans notre pays. Par ailleurs, l'avantage principal des associations, c'est qu'elles peuvent être locales, régionales, nationales, voire internationales. La majorité des projets n'ont pas forcément une grande ampleur : on trouve beaucoup d'engagement de proximité. Ainsi, les bénévoles répondent essentiellement à des besoins émis près de chez eux. Ils peuvent agir individuellement, comme faire les courses d'une personne âgée ou aider le club de football de la ville pour accompagner les enfants à une sortie. À l'inverse, ils peuvent se mettre au service d'une association dont les projets les intéressent. L'engagement social, c'est une palette de choix qui est absolument extraordinaire.

- Quelles sont ses différentes formes ?

D'abord, il n'est pas de domaine dans lequel il n'y a pas de bénévoles. L'engagement, du moins le bénévolat, c'est tout âge, toute condition. Globalement, il est très structuré par les associations et les fondations : il entre dans une armature. Néanmoins, il n'existe pas un sujet particulier : l'avantage, c'est que chacun peut trouver chaussure à son pied. Je pense notamment aux étudiants qui montent une association pour soutenir un projet ou une idée qu'ils développent, puis qui travaillent dessus jusqu'à ce qu'ils soient diplômés. J'ai également en tête les bénévoles des Restos du cœur, des Banques Alimentaires, ainsi que ceux qui participent à des projets locaux d'agriculture, ou qui donnent des cours aux enfants. 

En dehors du bénévolat, les formes d'engagement sont multiples. Elles peuvent aller de l'individuel au collectif, relever du don d'objet, de bien, comme le fait de donner son ordinateur à des structures qui sauront les redistribuer. Certes, il ne s'agit pas d'actions très engageantes, mais elles permettent une chaîne d'engagement. Il y a aussi des formes d'engagement financier. Là encore, ce n'est pas très engageant à proprement parler, mais on peut donner de l'argent à droite à gauche, ou directement à une personne dans la rue. 

Il est aussi possible de financer une association car sa cause nous tient à cœur. Si l'on a davantage d'argent, on peut créer une fondation : on rassemble des fonds et on les redistribue à des causes que l'on définit au préalable. Évoquons également l'engagement plus moderne, virtuel, qui passe par des clics pour soutenir un projet. On peut en rester là, mais cela peut également permettre de se rapprocher progressivement d'une structure pour mieux connaître une cause, la manière dont les gens travaillent et celle dont on peut les accompagner.

- Qu'est-ce qui motive l'engagement ?

Les personnes qui s'engagent estiment avoir la capacité d'apporter une expérience, une compétence particulière, ou, à défaut, des bras, pour contribuer à améliorer la société. Elles veulent trouver un sens. C'est valorisant : tout le monde y gagne, ceux qui reçoivent comme ceux qui donnent. Il est indéniable que l'engagement rend un immense service à la société française, c'est un puissant moteur de lien social. Cependant, en dehors de la volonté d'aider, la première motivation peut résider dans la nature d'une cause qui nous tient à cœur.

- Quelles sont les clés pour se lancer ? 

D'abord, il est essentiel de trouver une cause qui nous intéresse. Cela passe par se documenter et se rendre dans des centres de bénévolat pour voir les différentes actions proposées. Si l'on a déjà un domaine qui nous tient à cœur, on peut prendre contact avec la Maison des associations locales, regarder dans les annuaires, ou encore se renseigner sur les initiatives de sa région, de son bassin de vie. Ensuite, il faut décider du temps que l'on veut y consacrer. Cela nécessite un travail sur soi : il faut réfléchir à sa volonté et être clair dans ses attentes pour contribuer à un projet. Tout doit être sur la table quand on s'engage. Par exemple, si on se met à disposition pour trois demi-journées par semaine mais que l'on n'est réellement libre qu'un après-midi, les organisations se retrouvent dans l'embarras car elles comptent énormément sur les bénévoles.

- L'engagement peut-il avoir des répercussions sur la santé mentale ? 

Oui, notamment lorsqu'il s'agit de sujets extrêmement lourds psychologiquement parlant. Je pense notamment aux visiteurs de prison, aux personnes qui viennent voir des enfants atteints de cancer dans les services hospitaliers, ou encore aux maraudeurs, qui sont bien plus que des distributeurs d'aide alimentaire. Dans tous ces exemples, on est en contact avec les autres, on parle, on absorbe une charge émotionnelle forte. Ce n'est pas neutre. On ne sort pas indemne de ce genre d'expériences.

Quoi qu'il en soit, l'expérience marque à vie, on l'aura toujours dans un coin de la tête. Elle est plus ou moins frappante selon les jours, les endroits, les personnes rencontrées, mais elle reste puissante. On est dans l'émotion, le partage, l'échange. Néanmoins, on donne ce que l'on veut donner : soit on est un livre ouvert et on ramasse tout, soit on prend quelques distances. Il y a des moments où il faut reculer un petit peu, sinon on se fait embarquer dans un puits sans fond : si on culpabilise parce que le problème existe et qu'on n'arrive pas à le régler soi-même, cela deviendra de plus en plus compliqué.

- Si c'est le cas, que conseillez-vous ? 

D'abord, je recommande de parler des soucis que l'on peut rencontrer avec d'autres bénévoles, ainsi que les responsables de l'organisation. Il ne faut pas avoir peur de dire que la charge est trop lourde, qu'il est préférable de lever le pied. Si c'est trop pesant, il vaut mieux abandonner, peu importe si l'on a commencé récemment. On aura déjà fait un temps utile, on aura parlé à des personnes qui en avaient besoin, on les aura accompagnées, on aura été un havre de lumière pour ceux qui en ont peu.

Vous aimez cet article ? Abonnez-vous à la newsletter !

EN DIRECT

LES MALADIES

J'AI MAL

Bras et mains Bras et mains Tête et cou Torse et haut du dos Jambes et pied

SYMPTÔMES