• CONTACT

MIEUX VIVRE

L'avis de l'experte

Choisir le bon savon, c'est toute une histoire !

Savon de Marseille, savon d'Alep, pains dermatologiques, gels douche des grandes surfaces… Quel produit choisir pour se laver sans abîmer sa peau ? La dermatologue Catherine Oliveres-Ghouti fait le point pour Mieux Vivre Santé.

Choisir le bon savon, c'est toute une histoire ! diane39/iStock

  • Publié le 15.09.2021 à 15h00
  • |
  • |
  • |
  • |


- Mieux Vivre Santé : D'où le savon vient-il ?

Catherine Oliveres-Ghouti : Il existe depuis des millénaires : les Égyptiens lavaient leur linge et leur peau en faisant réagir de la matière grasse avec des cendres, c'est-à-dire de la potasse. Ils mélangeaient cette mixture dans un chaudron, tournaient et faisaient cuire le tout pendant une semaine : il s'agit de la saponification. Aujourd'hui encore, c'est comme ça que l'on fabrique le véritable savon de Marseille, également réalisé avec de l'huile d'olive ou de coprah, pour contrer l'effet desséchant de la potasse. Pour le solidifier, on le fait toujours couler puis refroidir dans des grandes plaques qui sont ensuite coupées en cubes.

- Vous évoquez le savon de Marseille; le recommandez-vous ? 

Oui, mais en faisant attention. Le problème, c'est que comme l'appellation d'origine n'a jamais été déposée, on trouve des "savons de Marseille" de toutes les couleurs sur de nombreux marchés, particulièrement en Provence. En réalité, ils sont fabriqués en Chine avec des graisses d'équarrissage, c'est-à-dire avec ce qui sort des boucheries une fois que l'on a enlevé la viande : les tendons, le gras… Ça part dans des usines et donne des matières grasses de très mauvaise qualité. Bien sûr, les savons qui en résultent sont particulièrement irritants.

Quand on veut acheter du savon de Marseille, il faut s'adresser aux quelques savonneries qui existent depuis les années 1880-1890 à Salon-de-Provence. Elles produisent également du savon liquide et des gels douche, toujours à base d'huile d'olive ou de coprah. C'est vraiment super : on a accès à des très bons produits à des prix abordables, autour de 12 euros le litre, ce qui n'est pas plus cher que ce que l'on peut trouver en grande surface. De toute manière, il n'y a pas besoin d'en mettre beaucoup ; c'est pour ça que je préconise d'utiliser une fleur de douche. Comme ses mailles sont en nylon, elles emprisonnent de l'air et une noisette de savon ou de gel douche suffit pour mousser. D'autant que la fleur de douche reste propre, contrairement au gant de toilette en coton, qu'il faut changer tous les jours.

- Quid du savon d'Alep ?

Le piège est le même qu'avec celui de Marseille. Comme la ville d'Alep, en Syrie, a été complètement détruite par Daech, elle ne produit plus de savon : on trouve tout et n'importe quoi sous l'appellation de "savon d'Alep". Ainsi, si on tient à en acheter, il faut s'assurer qu'il ne soit pas produit en Chine, et bien prendre en compte qu'en plus des ingrédients de celui de Marseille, il est fait avec de l'huile de laurier. Certes, elle a des vertus antiseptiques mais peut être irritante et est donc à proscrire dès que l'on a la peau sensible. Personnellement, je ne me laverais pas avec du savon d'Alep ; je le conseille plutôt pour le linge. En revanche, je recommande les pains dermatologiques.

- De quoi s'agit-il ?

Le pain dermatologique est aussi appelé "syndet", qui veut dire "synthetic detergent" en anglais – soit "détergent synthétique". Ses origines remontent à la guerre du Pacifique, entre 1941 et 1945. Le Japon avait notamment envahi les Philippines, que les États-Unis sont partis reconquérir. Or, comme les soldats américains ne parvenaient pas à faire mousser leurs savons dans l'eau de mer, des chimistes ont travaillé sur un produit qui leur permettrait de se laver avec de l'eau saumâtre, qui a plus de salinité que l'eau douce mais pas autant que celle de mer, et que l'on pouvait trouver dans des sources sur les îles.

Au départ, le syndet ressemblait à de la pierre ponce et n'était pas très agréable à utiliser, d'autant qu'il fondait vite. Ensuite, on a vu apparaître les premiers pains dermatologiques en France dans les années 1980. Ils constituaient une amélioration du syndet : on y avait ajouté du "cold cream"un onguent visant à nourrir et protéger la peau, ndlr. – et de l'huile de coprah, entre autres, pour le surgraisser. L'avantage du pain dermatologique, c'est qu'il n'a pas de pH alcalin, donc ne dessèche pas. De fait, je le recommande aux personnes qui ont la peau fragile ou qui ne supportent pas le savon. Par ailleurs, il existe aussi des syndets liquides qui utilisent des formules comparables aux pains dermatologiques. 

- Que l'on achète du savon ou un syndet, quels ingrédients faut-il éviter ?

Moins il y en a, mieux c'est : on en a besoin de trois ou quatre, pas plus. Quand on regarde la composition, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de conservateurs, tels que la methylisothiazolinone, ni d'extraits d'huiles essentielles – très allergisantes – à l'instar du géraniol, du citronellol et du limonène. Je conseille toujours à mes patients de regarder les ingrédients de leurs produits sur le site Que Choisir, puisqu'il indique lesquels ne présentent aucun risque, ceux qui font l'objet d'un risque limité, moyen ou significatif, et relève la présence – ou non – d'allergènes. Aussi, ce n'est pas parce qu'un gel douche donne l'impression d'être naturel de par son emballage qu'il l'est… Donc, de manière générale, tout ce que l'on trouve en grande surface est à proscrire.

Je recommande également de bannir certaines applications qui évaluent la qualité de ces produits: elles sont intéressantes pour l'alimentaire, mais pas pour les cosmétiques parce qu'elles se basent souvent sur des codes-barres qui datent d'il y a quatre à cinq ans. Par exemple, elle ne prennent pas en compte que tout ce qui pouvait être toxique ou qui pouvait abîmer les océans avait été enlevé des produits vendus en pharmacie comme les crèmes solaires. Ainsi, on trouve une crème pour la dermatite atopique marquée très mauvaise, alors que d'autres sont de mauvaise qualité mais super bien notées. D'ailleurs, il ne faut pas croire qu'un produit "bio" soit forcément bon, puisqu'il n'existe pas encore de certification uniforme.

Vous aimez cet article ? Abonnez-vous à la newsletter !

EN DIRECT

LES MALADIES

J'AI MAL

Bras et mains Bras et mains Tête et cou Torse et haut du dos Jambes et pied

SYMPTÔMES