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Télétravail : comment gérer la « Zoom fatigue » ?

Les confinements à répétitions, le télétravail et le besoin d'organiser des réunions en visioconférence ont donné naissance au nouveau mal du siècle : la Zoom fatigue. De quoi-s'agit-il ? Littérallement, d'une maladie née de la multiplication des réunions par Zoom. Pascal Neveux, psychanalyste, nous en dit plus.

Télétravail : comment gérer la « Zoom fatigue » ? Iascic/ IStock

  • Publié le 10.01.2022 à 12h00
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- Mieux Vivre Santé : Les confinements, le télétravail et la multiplication des visio-réunions ont donné naissance à un nouveau phénomène que l'on appelle la « Zoom fatigue ». Qu’entend-t-on précisément par ce terme ?

Pascal Neveux : Depuis quasiment deux ans, nous sommes devenus habitués aux réunions en visioconférence. A tel point, qu'aujourd'hui 57% des réunions se font par visio et que Zoom compte environ 300 millions d’utilisateurs quotidiens !

Cela a frustré notre champ social, même si la généralisation du télétravail a amené les Français à passer de longues heures sur des outils de visioconférence. Or se voir et interagir avec ses collègues, ses amis est un acte de vie essentiel, au delà d’un simple regard.

C'est cette réalité qui a amené à questionner les conséquences du regard porté sur soi et sur autrui car des médecins ont diagnostiqué des « Zoom dysmorphies », lorsque nous découvrons des défauts physiques en prise avec le narcissisme primaire « je m’aime », mais dorénavant « je ne m’aime pas », « je fais vieux », « je suis gros »... D’ailleurs nombre de participants désactivent leur camera, utilisent un contre jour, trouvent des artifices… Notre rapport au miroir qui, alors que nous étions enfant, nous a fait découvrir qui nous étions et prendre connaissance de  notre Moi, réactive des angoisses inconscientes. D’ailleurs les cabinets de chirurgie ou médecine esthétique ont vu leur chiffre d’affaire augmenter de 30% en 1 an !

Mais, ça ne s'arrête pas là. Jeremy Bailenson, Professeur de communication et fondateur du Stanford Virtual Human Interaction Lab a publié une étude le sujet, dans la revue Technology, Mind, and Behavior de l’American Psychological Association. Il résume la « Zoom fatigue » comme étant un contact visuel excessif. Contrairement à une réunion classique, concentré sur un seul interlocuteur, nous allons être attiré par toutes les fenêtre ouvertes et « vagabonder » chez tous ceux présents, observer l’intérieur... voire même échanger par messagerie avec des collègues...

Il précise : « La quantité de contacts visuels est considérablement augmentée. Quant à la taille des visages sur les écrans, elle est loin d’être naturelle. En général, pour la plupart des configurations, qu’il s’agisse d'une conversation en tête-à-tête lorsque vous êtes avec des collègues ou même des inconnus en vidéo, vous voyez leur visage à une taille qui simule un espace personnel que vous rencontrez normalement lorsque vous êtes dans l’intimité avec quelqu’un. Lorsque le visage de quelqu’un est très proche du nôtre dans la vie réelle, notre cerveau l’interprète comme une situation intense menant soit au conflit soit à la reproduction. »

Aussi, le fait d’utiliser Zoom ou toute autre plateforme de visioconférence pendant plusieurs heures va fatiguer notre cerveau.

- Quelles seraient les quatre conséquences de cette « maladie » des temps moderne ?

Les quatres conséquences de cette maladie des temps modernes sont succinctement : une charge cognitive plus élevée, une critique excessive envers soi-même, une diminution de la communication non verbale et une perte de concentration liée à la fatigue physique et oculaire.

Ces conséquences sont liées au fait que le cerveau, tout comme le corps, ne peuvent pas se libérer quelques secondes par une forme de « dégourdissement » , d’autant plus que nous sommes figés au centre d’un écran, parfois mal assis, dans un environnement pas forcément adapté.

Nous avons pu voir des vidéos drôles sur lesquelles un enfant apparaît pour réclamer sa maman ou son papa, un chat passe devant la caméra… Tout cet environnement, parfois incontrôlable, accroît la fatigue et dessert une certaine efficacité lors de ces réunions non présidentielles.

- Manque de mobilité, trop de contact visuel, charge cognitive trop élevée… Concrètement comment tout cela s’illustre-t-il ?

Je me permettrai la comparaison triviale avec un zombie hyperconnecté, ne pouvant décrocher de son écran, cloué sur son fauteuil et face à des fenêtres où il erre. Cela me rappelle la nouvelle de Julio Cortazar « Axolotl »… son personnage se rendant tous les jours à l’aquarium afin d’observer son animal préféré… avant de découvrir qu’il est en fait cet Axolotl. Les Zoom & cie me semblent être toutes ces petites fenêtres « prisons » où l’on s’observe plus qu’on ne s’écoute… et où l'on se juge.

Le confinement et la crise sanitaire ont développé dans les médias télévisés des interviews à distance. Combien ai-je pu lire de commentaires consternants de personnes jugeant l’intérieur d’un appartement, d’une maison. Autant dire qu’en réunion à 10, 20, 40... il ne peut que se passer la même chose. Mais ce qui manque ce sont les petites interactions, regards complices… possibles en présentiel, devenues impossibles derrière un écran… 80% de la communication est non-verbale !

- Que faire pour remédier à la « Zoom fatigue » ? 

La machine est lancée, nous nous y adaptons, car il n’y a pas que du négatif dans ces outils qui permettent, par exemple, à des associations de se réunir à distance, de mobiliser un maximum de personnes et de réduire les charges, les trajets…

J’ai moi-même été en réunion en international (avec le défaut des fuseaux horaires). Les visioconférences utilisées auparavant dans des domaines très professionnels deviennent un outil de tous les jours.

Au delà de cette étude, Jeremy Bailenson et son équipe mènent une enquête afin d’évaluer sur une échelle le taux de « Zoom fatigue ».

15 questions déjà posées à plus de 500 personnes. Par exemple :

        • À quel point vous sentez-vous épuisé après une visioconférence ?
        • À quel point vos yeux sont-ils irrités après une vidéoconférence?
        • Dans quelle mesure avez-vous tendance à éviter les situations sociales après une visioconférence ?
        • À quel point vous sentez-vous épuisé émotionnellement après une vidéoconférence ?
        • À quelle fréquence vous sentez-vous trop fatigué pour faire autre chose après une vidéoconférence?

Le but est de permettre aux sociétés de « visio » d’améliorer leurs logiciels, et nos pratiques, pour le bien-être de tous ceux qui y ont recours. Il existe un génie humain… et des gens qui seront présents afin d’éviter les choses. Repensons à « Métropolis » de Fritz Lang…

- Concrètement, quelles astuces peut-on mettre en place pour gérer ou minimiser la "Zoom fatigue" ? 


Idéalement, il faudrait faire le moins de visio-réunions possible, mais à l'heure actuelle avec la situation sanitaire et l'essor que connaissent ces applications, c'est très compliqué. De plus, remplacer Zoom par un simple appel téléphonique n'est pas forcément une meilleure option puisque l'on a besoin de voir l'autre.

Ainsi, il nous faut mettre en place quelques astuces pour diminuer ou miniser l'impact négatif des réunions. Dans un premier temps, même si c'est difficile avec la pandémie actuelle, il faut faire attention à ne pas se couper du champs social. Ensuite, et c'est essentiel, il faut s'aérer l'esprit.

En effet, puisque passer beaucoup de temps sur Zoom modifie notre activité cérébrale, il faut absolument retrouver une activité globale du cerveau. Il faut donc retrouver une activité de concentration, et cela peut très bien se faire via la lecture. Lire un livre ou même un dossier dans un magazine peut être un excellent moyen de se concentrer sur autre chose, de relancer le côté cognitif et le côté émotionnel. De plus, cela vous évitera passer de votre meeting à l'écran de votre télévision !

Par ailleurs, il est essentiel de s'aérer, de rester actif. Si, en raison de la pandémie, vous ne souhaitez pas fréquenter une salle de sport, alors aller marcher -même en ville- et dégourdissez-vous les jambes.

Enfin, une bonne astuce est également de ne pas laisser sa caméra constamment allumée. Allumez-là lorsque vous parlez, par exemple, et coupez-là ensuite. Et, optez pour des petites fenêtres de conversation plutôt que des grandes, cela vous permettra de rester plus concentré. 
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