- Mieux Vivre Santé : Depuis quelques années, et notamment depuis les confinements, les livres de coloriages pour adultes sont devenus de plus en plus populaires. Comment expliquer cette tendance ?

Michel Briat : La mode des coloriages pour adultes a commencé, non pas au moment des confinements, mais bien avant. Je dirai qu’elle date des années 2010. Cette tendance trouve non pas une, mais plusieurs explications.

Ainsi, on peut l’expliquer par la vie moderne, le stress mais aussi par la montée en puissance du digital. Passant de plus en plus de temps derrière un écran, à faire des choses abstraites, les gens ont besoin d’un retour à la main, à la matière, d’utiliser un crayon, un papier et un livre. L’objet, le livre, est aussi important car, grâce aux pages, on peut voir tous les dessins et donc, voir sa progression.

Par ailleurs, je pense que cette tendance est aussi concomitante de l’arrivée de l'art-thérapie dans les institutions psychiatriques. Enfin, on peut également la relier à la mode du développement personnel venue tout droit des Etats-Unis et qui voudrait que l’on prenne davantage soin de soi et des autres.

- Qu’entend-t-on réellement par coloriage ? Les mandalas en font-ils partie ?

Avant tout, il faut faire une distinction entre les coloriages et l'art-thérapie. L’art-thérapie dépasse les coloriages, il s’agit de l’art au service du soin. Cela regroupe donc également la peinture, la sculpture, la danse, la poterie, le théâtre. En somme, elle prend en compte tous les médiums artistiques en rapport avec le soin somatique ou psychique. Le coloriage n’en est que sa forme la plus accessible en quelque sorte.

Maintenant pour ce qui est de la distinction entre mandala et coloriage, il ne faut pas oublier que le mandala, issu du bouddhisme, a une dimension spirituelle. Il s’agit de figures sur lesquelles on médite et que l’on peut construire soi-même avec du sable ou des couleurs.

Si on l’associe au coloriage, c’est que les premiers livres de coloriages disponibles à la vente ressemblaient à des mandalas, les dessins avaient ce même côté symétrique, on y trouvait des rosaces par exemple. 

En revanche, si le coloriage peut avoir un aspect méditatif ça n’est pas son but premier même s’il a pour effet d'apaiser l’esprit, de diminuer les flux de pensée ou encore d’aider à la concentration en nous poussant à concentrer notre focus sur une tâche unique.

- Si l’aspect méditatif n’est pas le but premier du coloriage, quels peuvent en être ses bienfaits ?

Si l’on en croit la plupart des personnes qui pratiquent le coloriage, celui-ci permettrait d’être plus apaisé, de se calmer et de ne plus penser à autre chose. 

Personnellement, je pense aussi  qu’il s’agit d’une porte d’entrée relativement simple vers la création. Au départ j’étais sceptique vis à vis du coloriage que je trouvais un peu trop très basique mais désormais, je trouve que c’est très bien car c’est une façon de se décomplexer vis à vis de la création et de ne pas se prendre pour un artiste tout en créant. 

En effet, on enlève ici tous les fantasmes qui entourent l’art, la création d’un chef d'œuvre ou encore l’idée qu’il est nécessaire de maîtriser le dessin. Ici, le dessin est déjà fait et donc la peur d’être incompétent dispraît pour permettre l’entrée dans la création et peut-être, donner l’envie ensuite, d’aller plus loin.

D’autre part, grâce au support physique, le cahier, on peut, comme je le disais plus haut, voir sa progression et ceci est important car au travers d’un exercice simple on gagne en compétence. Ainsi, on améliore sa technique, on apprend à connaître le matériel… et parce que l’on gagne en compétence on gagne confiance en soi, c'est le principe de la réassurance.

- Comment pratiquer le coloriage pour profiter pleinement de ses retombées positives ?

Pour faire le vide, se vider l’esprit, il est bon de pratiquer le coloriage dans un environnement calme mais, je pense que les gens le font naturellement puisque c’est ce retour au calme qu’ils recherchent. Effectivement, puisque l’on colorie pour avoir un moment d’apaisement, de retour sur soi, on se met naturellement dans des conditions de pleine conscience. 

La pleine conscience, le fait d’être immergé dans le moment, n’est pas un pré-requis pour le coloriage mais elle en est bien une conséquence. Puisque l’on est obligé de penser au dessin, aux couleurs… on ne pense plus à autre chose. On est pleinement dans l’instant présent. In fine, on y revient, même si là n’est pas son but premier, colorier peut être une forme de méditation.