• CONTACT


LES MALADIES

Douleurs après angine : le rhumatisme articulaire aigu est rare

Douleurs après angine : le rhumatisme articulaire aigu est rare

Le rhumatisme articulaire aigu (RAA), principale crainte devant des douleurs articulaires après une angine chez l’enfant, est exceptionnel en France. Un rhumatisme post-streptococcique (sans risque pour le cœur), est plus probable.

Douleurs après angine : le rhumatisme articulaire aigu est rare
©iStock-klebercordeiro
Publié le 29.08.2022
Douleurs après angine : le rhumatisme articulaire aigu est rare : COMPRENDRE

Des mots pour les maux

Le rhumatisme articulaire aigu, ou RAA (ou « maladie de Bouillaud »), est un rhumatisme non-infectieux qui peut survenir après une angine bactérienne (« rhumatisme post-infectieux ») et qui fait courir un risque majeur d’atteinte du cœur chez l’enfant et l’adulte jeune.

L’arthrite réactive post-streptococcique diffère du RAA en ce qu’elle survient plus tôt et ne fait pas courir de risque pour le cœur.

Le syndrome post-streptococcique recouvre, non seulement le RAA et l’arthrite réactive post-streptococcique, mais également les atteintes neurologiques (chorée de Sydenham) et rénales (glomérulonéphrite post-streptococcique) qui peuvent survenir dans les suites d’une infection à Streptocoque bêta-hémolytique du groupe A documentée.

Qu’est-ce que les médecins craignent après une angine de l’enfant ?

Historiquement, après une angine liée à un certain type de bactéries (streptocoque bêta-hémolytique du groupe A) chez les enfants de 5 à 15 ans, des complications inflammatoires touchant les articulations, le cœur, le cerveau et le rein pouvaient survenir : c’est le « rhumatisme articulaire aigu », ou « RAA », de sinistre mémoire.

Ces atteintes, et les lésions qui peuvent en découler, sont la conséquence d’un processus non-infectieux, mais inflammatoire et immunologique, liée à une communauté antigénique (« mimétisme moléculaire ») entre certains constituants du streptocoque bêta-hémolytique du groupe A et les tissus des articulations (peptides synoviaux tels que la kératine, la vimentine et la laminine), conduisant à une arthrite chez un enfant génétiquement prédisposé, voire à une atteinte des valves cardiaques. Il existe plusieurs types de streptocoque mais seules certaines souches virulentes de Streptocoque bêta-hémolytique du groupe A seraient capable de provoquer un RAA.

La gravité du rhumatisme articulaire aigu est en rapport avec une possible atteinte de la paroi interne du cœur, l’endocarde, à l’origine de lésions des valves du cœur : la fuite ou l’obstruction partielle de ces valves en raison des lésions conduit à une dégradation inéluctable de la fonction du cœur, si elle n’est pas réparée, et au décès des enfants. Ce risque particulièrement important de cardiopathie avait été illustré dans un aphorisme du Pr Lasègue il y a de nombreuses années : « le rhumatisme articulaire aigu lèche les articulations et mord le cœur », une affirmation qui reste vraie aujourd'hui dans de nombreuses populations défavorisées.

En effet, avec l’avènement des antibiotiques, cette complication a quasiment disparu dans les pays occidentaux, alors qu’elle persiste dans les pays en voie de développement où l’accès aux soins est encore difficile. Les antibiotiques visent à débarrasser le corps du streptocoque bêta-hémolytique du groupe A et ainsi faire cesser la stimulation du système immunitaire : en cas de RAA, ces antibiotiques sont prescrits en continu au moins jusqu’à la fin de l’adolescence. Le rhumatisme articulaire aigu reste donc exceptionnel en France et en Europe occidentale avec une fréquence variable selon les années, mais toujours voisine de 0,1 pour 100 000 enfants et par an, le plus souvent chez des enfants migrants vivants dans des conditions difficiles. défavorisées.

Au-delà du rhumatisme articulaire aigu, les « syndromes post-streptococciques » n’ont cependant pas complètement disparu et des douleurs polyarticulaires survenant après une angine chez l’enfant doivent faire rechercher un rhumatisme articulaire aigu mais retrouveront le plus souvent une « arthrite réactive post-streptococcique », un rhumatisme douloureux certes mais qui ne donne jamais de complications cardiaques et peut donc dispenser de prescrire un traitement sur le long terme.

Qu'est-ce que le rhumatisme articulaire aigu ?

Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est une maladie immunologique et inflammatoire diffuse, qui a fait des ravages au cours de l’histoire, mais qui a quasiment disparu en France avec le traitement antibiotique des angines bactériennes. Le RAA touche essentiellement les enfants scolarisés et les adulte jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans, quel que soit leur sexe (elle est rare avant 3 ans).

Il s’agit d’une atteinte inflammatoire générale, touchant les articulations, le cœur, le cerveau et la peau, survenant dans les 15 à 20 jours suivant une angine bactérienne à un germe bien spécifique : le Streptocoque bêta-hémolytique du groupe A

Il existe plusieurs groupes de streptocoques, mais seul le « groupe A » peut être à l’origine d’un RAA en raison de motifs antigéniques croisés (« épitopes ») entre ce type particulier de streptocoque et les tissus de l’organisme, et en particulier la membrane synoviale de l’articulation et la paroi interne du cœur. Bien qu'une infection streptococcique soit souvent à l'origine d'une angine chez les enfants scolarisés, tous ne développeront pas de RAA, soit parce que ce n’est pas un Streptocoque Bêta-hémolytique du groupe A, soit parce que la souche de ce streptocoque n’a pas la virulence requise, soit parce que l’enfant n’est pas génétiquement vulnérable pour raire une réaction immunologique à cette bactérie.

Quels sont les signes cliniques du RAA ?

Chez l’enfant, il s’agit essentiellement d’une maladie inflammatoire aigue touchant quelques grosses articulations (« oligoarthrite »), essentiellement aux membres inférieurs, avec une intensité douloureuse franche et un caractère « migratoire » classique (l’atteinte inflammatoire se propage d'une articulation à l'autre : genoux puis chevilles puis éventuellement coudes et épaules…). Les mains et la colonne cervicale sont beaucoup moins touchées dans le RAA que dans la polyarthrite juvénile, principal diagnostic différentiel. Les douleurs peuvent être très importantes, même si les gonflements articulaires sont modérés ou absents, et elles doivent absolument être soulagées par des anti-inflammatoires.

L’atteinte inflammatoire cardiaque (« cardite ») est volontiers précoce, dans les semaines qui suivent le début de la maladie, mais inconstante. Elle doit être soupçonnée devant une accélération du rythme cardiaque au repos et pendant le sommeil et l’auscultation cardiaque pourra retrouver un souffle cardiaque modeste ou marqué en cas d’atteinte de l’endocarde. Toutes les tuniques de la paroi du cœur peuvent être touchées mais l’atteinte de la tunique interne et des valves (« endocardite ») est celle qui peut laisser des séquelles sur les valves cardiaques avec des fuites ou des rétrécissements valvulaires. L’électrocardiogramme (à la recherche d’un trouble de la conduction) et l’échographie cardiaque sont conseillés de façon systématique en cas de suspicion de RAA car les signes cliniques sont moins fréquents que les signes échographiques. Une atteinte inflammatoire de l’enveloppe externe du cœur (« péricardite ») peut se produire avec un épanchement dans le péricarde qui gêne la contraction normale du cœur avec des douleurs dans la poitrine. Elle régresse le plus souvent spontanément ou sous anti-inflammatoires.

Les signes inflammatoires sur la peau sont plus tardifs et rares mais sont très intéressants, parce qu'ils sont relativement plus spécifiques que les autres signes cliniques. Il peut s’agir d’un « érythème marginé », sous la forme de plaques rosées avec décoloration du centre (cercles rouges) ou de « nodules sous-cutanés périarticulaires de Meynet », qui siègent aux faces d’extension des grosses articulations sous la forme de petits nodules granuleux mobiles et non-douloureux recouverts par une peau de couleur normale.

Il peut exister une atteinte inflammatoire du cerveau à l’origine de mouvements anormaux : la « chorée de Sydenham », avec des mouvements involontaires, désordonnés, anarchiques, diffus et bilatéraux, qui régressent spontanément en quelques mois.

Il est classique d’observer une fièvre, une altération de l'état général avec une perte de poids.

Chez l'adulte, il s'agit plutôt d'une polyarthrite aiguë fébrile, habituellement sans atteinte cutanée, et qui s’accompagne plus rarement d’une atteinte cardiaque. Pour l’enfant, comme pour l’adulte, l'importance du syndrome inflammatoire et la présence d’anticorps (ASLO et antidéoxyribonucléase) constituent des arguments du diagnostic qui ne sont toutefois pas décisifs. Le risque d’atteinte évolutive des lésions cardiaques lors de chaque récidive d’une angine impose un traitement antibiotique sur le long terme : « l’antibioprophylaxie ».

Qu’est-ce qu’une arthrite réactive post-streptococcique ?

L'arthrite réactive post-streptococcique est une polyarthrite d'évolution bénigne, sans atteinte cardiaque, qui peut survenir chez l’enfant comme chez les jeunes adultes, au décours d'une infection streptococcique récente (moins de 10 jours), authentifiée par un test de diagnostic rapide ou une culture d’un prélèvement pharyngé.

En pratique, il n’est pas toujours facile de différencier cette affection inflammatoire d'un rhumatisme articulaire aigu, puisque l’arthrite réactive post-streptococcique peut survenir les enfants entre l'âge de 8 à 14 ans et les jeunes adultes entre l'âge de 21 à 27 ans, avec un rapport hommes/femmes presque égal. Elle survient plus précocement (dans les 10 jours) après une angine et est volontiers polyarticulaire (polyarthrite aiguë asymétrique), mais aussi oligo- ou monoarticulaire. Elle ne touche pas que les grosses articulations, une ténosynovite et une arthrite des petites articulations peuvent survenir, et la polyarthrite n’est pas migratrice, à la différence du RAA. L'atteinte du squelette axial, y compris la sacroiliite, est rare.

Elle est fébrile, survenant au décours d'une angine, et peut être associé à des manifestations extra-articulaires, notamment un érythème noueux et d’autres signes cutanés (érythème maculeux des extrémités, vascularite leucocytoclasique), une uvéite et une glomérulonéphrite.

La prise de sang montre une élévation des ASLO et des anticorps antidéoxyribonucléase dans le sang. La fréquence du HLA-B27 ne diffère pas de celle de la population normale, ce qui suggère qu'il s'agit d'une entité distincte des arthrites réactives classiques.

Ce qui différencie donc au final l'arthrite réactive post-streptococcique du rhumatisme articulaire aigu, ce sont quelques critères : délai inférieur à 10 jours (contre 15 à 20 jours dans le RAA), arthrite prolongée au-delà de 2 mois ou récidivante (contre quelques jours à 3 semaines dans le RAA), résistance à l’aspirine ou aux AINS, et le fait qu'il n'y a pas d'atteinte cardiaque. L'Association Américaine de Cardiologie recommande cependant un traitement antibiotique prophylactique pendant un 1 à 2 ans après apparition des symptômes dans l'arthrite réactive post-streptococcique, car la différence entre ces 2 rhumatismes est subtile, peut conduire à des erreurs et se fait souvent avec le recul.

Ces enfants doivent donc être suivis attentivement afin de détecter tout signe clinique ou échographique de cardite. En cas de maladie cardiaque, même asymptomatique et seulement échographique, l’enfant doit être traité comme s’il avait un RAA et, dans le cas contraire, le traitement antibiotique prophylactique peut être interrompu.

Quels sont les autres syndromes post-streptococciques ?

En dehors du rhumatisme articulaire aigu, de l’arthrite réactive post-streptococcique et de la chorée de Sydenham, les autres syndromes post-streptococciques, c’est-à-dire survenant dans les suites d’une angine à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, sont la « glomérulonéphrite post-streptococcique » et « l’érythème noueux ». Ils ne sont pas associés à un risque d’atteinte cardiaque.

La glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique survient 10 jours à 3 semaines après une infection streptococcique initiale qui est plus souvent cutanée que pharyngée. Le tableau clinique classique d’installation rapide associe : fièvre, douleurs abdominales avec parfois vomissements, œdèmes des paupières, qui s’étend rapidement au visage et aux membres inférieurs et hypertension artérielle le plus souvent modérée. Parfois, le tableau clinique peut être plus discret avec uniquement la présence d’œdèmes aux jambes : œdème blanc et mou, tenant la marche de la chaussette et « prenant le godet » (quand on appui avec le doigt, celui-ci s’enfonce un peu et le petit godet obtenu ainsi sur la peau se maintient quelques instants). Le diagnostic est orienté par ce tableau clinique, il est largement évoqué devant la découverte d’une insuffisance rénale sur les examens biologiques : élévation de la créatinine sur la prise de sang et présence de globules rouges en grande quantité dans les urines (« hématurie macroscopique »), ainsi que de protéines dans les urines (« protéinurie non-sélective »). L’évolution est généralement favorable en 2 à 6 mois sous surveillance clinique et biologique avec un simple repos au lit, un régime désodé et un éventuel traitement anti-hypertenseur. En cas de portage du streptocoque dans le nez et le pharynx, il faudra réaliser un traitement antibiotique éradicateur.

L’érythème noueux post-streptococcique est représenté par des nodosités arrondies ou ovalaires (« dermo-hypodermite nodulaire »), bilatérales, de 2 à 4 cm de diamètre siégeant à la face d’extension des membres inférieurs en regard du tibia, qui est superficiel. Les lésions élémentaires sont, douloureuses, chaudes et fermes, enchâssées dans les plans profonds de la peau et non mobiles. Chaque élément régresse en 8 à 15 jours après être passé par les teintes rouge, bleue, jaune et enfin verte.

L’évolution peut se faire par plusieurs poussées successives, favorisées par la position debout (« l’orthostatisme »), ce qui aboutit à la coexistence de lésions d’âge différent. Elles finissent par disparaître sans laisser de cicatrices. Le diagnostic post-streptococcique est affirmé par la preuve d’une infection streptococcique récente (élévation des ASLO) et l’absence d’une autre étiologie à l’origine d’un érythème noueux (tuberculose, sarcoïdose...). Le traitement est basé sur le repos au lit et les médicaments anti-douleur éventuellement.

Quelle est la fréquence du RAA ?

Avant l’existence des antibiotiques, le nombre de cas de RAA était élevé. Depuis que les traitements antibiotiques sont devenus le traitement des angines bactériennes, la fréquence de cette maladie a fortement diminué en France et dans les pays développés, mais elle touche toujours de nombreux enfants âgés de 5 à 15 ans dans le reste du monde avec des atteintes des valves cardiaques dans de rares cas.

Avec l’apparition des résistances aux antibiotiques et du fait que la majorité des angines de l’adulte (75 à 90 %), mais aussi de l’enfant (60 à 74 %), sont liées à des virus (rhinovirus, adénovirus, coronavirus, influenza, para-influenza, coxsackie, Epstein-Barr…), il a été décidé de ne plus prescrire systématiquement des antibiotiques devant une angine en France. Mais ceci ne peut se faire que si on a éliminé un streptocoque bêta-hémolytique du groupe A à l’aide d’un test diagnostic rapide avec une sensibilité d’au moins 90 % dans les conditions réelles d’utilisation selon la HAS ou d’un prélèvement de gorge avec mise en culture.

Il ne semble pas que cette attitude d’antibiothérapie raisonnée en fonction du résultat d’un test diagnostic rapide ait été à l’origine d’une résurgence du rhumatisme articulaire aigu en France, qui reste exceptionnel, ainsi que dans les autres pays développés (où les restrictions à l’utilisation des antibiotiques au cours des angines sont parfois plus fortes).

La fréquence de cette maladie varie donc d'un pays à l'autre : dans les grands pays occidentaux, aucun cas n'a été rapporté hors cas importés (environ 1 cas sur 100 000 enfants par an), alors que dans d'autres pays moins favorisés, les cas sont modérément élevés voire élevés (plus de 40 cas pour 100.000 personnes par an). On estime que 15 millions de personnes sont atteintes de rhumatisme articulaire aigu dans le monde avec de nombreux décès.

Quelles sont les causes du RAA ?

Le rhumatisme post-streptococcique est lié à une réponse anormale du système immunitaire en cas d’angine à un type de bactérie bien spécifique : streptocoque bêta-hémolytique du groupe A. Les souches de bactéries qui sont dangereuses (« pathogène ») ont une réactivité croisée avec différents motifs antigéniques (« épitopes ») à la surface de certaines des cellules (articulation, cœur…) du corps humain, ce qui explique l’attaque de ces cellules par le système immunitaire et les lésions qui en résultent dans le cœur (atteinte valvulaire secondaire à une endocardite).

Dans le cas du rhumatisme articulaire aigu, c’est le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (Streptococcus pyogenes) qui peut être responsable des symptômes. L’infection est favorisée par des facteurs d’environnement (surpopulation, dénutrition…) et la prédisposition particulière d’origine génétique de certaines personnes, tous phénomènes qui peuvent altérer le bon déroulement de la réponse immunitaire.
Le traitement antibiotique est nécessaire pour traiter l'infection, stopper la stimulation du système immunitaire et prévenir de nouvelles infections, car ces dernières peuvent provoquer une nouvelle poussée. Le risque de récidives est plus important au cours des 3 premières années suivant l'apparition de la maladie ce qui impose une antibiothérapie à visée prophylactique pendant plusieurs années.

Le RAA n'est pas une maladie héréditaire : les parents ne peuvent pas la transmettre directement à leurs enfants par le biais d’une anomalie génétique unique. Cependant, on observe dans certaines familles plusieurs membres atteints, ce qui pourrait s’expliquer par l'association de facteurs génétiques multiples de vulnérabilité et par la transmission potentielle des infections à streptocoques d'une personne de la famille à une autre (par les voies respiratoires et la salive).

DIAGNOSTIC >>
Sur le même sujet :

EN DIRECT

LES MALADIES

J'AI MAL

Bras et mains Bras et mains Tête et cou Torse et haut du dos Jambes et pied

SYMPTÔMES