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QUESTION D'ACTU

L'interview du week-end

Bébé : «Avec les signes, on donne la possibilité à l’enfant de se faire comprendre»

Fatigue, faim, couche sale, douleurs… Les parents le savent bien : comprendre son bébé n’est pas toujours simple. En ce sens, les signes associés à la parole peuvent aider à mieux saisir ce que veut le tout petit. Isabelle Cottenceau, fondatrice de l'organisme Eveil et Signes et auteure de plusieurs livres sur cette pratique, détaille comment bien utiliser cet outil pour faciliter la communication avec son bébé.

Bébé : \ Olga Ignatova/istock




Pourquoi Docteur : En quoi consiste la pratique des signes associés à la parole avec les bébés ? Est-ce que cela revient à apprendre la langue des signes aux enfants ? 

Isabelle CottenceauLes signes que nous utilisons avec les bébés sont tirés de la langue des signes pratiquée par les sourds, mais nous n’utilisons que le vocabulaire. Nous n’avons pas recours à la syntaxe et la grammaire, propres à cette langue. C’est beaucoup trop compliqué pour les petits, et ce n'est pas l'objectif de cet outil.

Par ailleurs, nous utilisons en même temps la langue orale pour échanger avec le bébé. Le signe, issu de la langue des signes, ne vient que souligner les mots-clés. En réalité, on n'apprend pas la langue des signes au bébé, mais à communiquer avec nous grâce à certains signes. C’est parce qu'il nous voit les utiliser en même temps que nos phrases qu’il va, par observation, les apprendre.

On se sert des signes dans le quotidien quand on s’occupe de lui. Ce qui est important est la verbalisation et de mettre le signe sur le mot pour que l’enfant fasse le lien de lui-même. Par exemple, en lui disant “voici ton doudou”, on fait le signe sur doudou. Ainsi, le jour où il a besoin de son doudou, il fera le signe. 

Signes : "Le parent peut ajuster sa réponse au besoin de son enfant"

Quels sont les bénéfices de la pratique des signes pour bébé ?

Souvent, quand un bébé pleure, on ne sait pas trop pourquoi. On fait alors des suppositions. Avec les signes, on donne la possibilité à l’enfant de se faire comprendre. Si l’enfant signe doudou, on sait qu’il pleure non pas parce qu’il a faim, mais car il veut son doudou. Grâce aux signes, le parent peut complètement ajuster sa réponse au besoin de l’enfant. 

Cela permet de mieux comprendre son enfant, mais aussi de créer un lien de confiance. Le bébé sait qu’on est à son écoute. Et, finalement, c’est la reconnaissance aussi du tout-petit comme individu à part entière.

Pourquoi les bébés peuvent “signer” avant de parler ?

Quand il est tout petit, le bébé n’a pas la possibilité de parler, car son appareil phonatoire n’est pas assez mature. En revanche, son corps a la capacité de s’exprimer par le non-verbal comme les mimiques faciales et les gestes. Il a une dextérité naturelle. Par exemple, les bébés sont capables de pointer du doigt quand ils veulent quelque chose, dire au revoir avec leurs mains, applaudir quand ils sont contents… Ils ont intuitivement déjà recours aux gestes pour dire des choses. Le principe avec les signes associés à la parole est d’étoffer leur vocabulaire. 

Et à quel âge peut-on commencer à utiliser les signes avec les bébés ?

Je pense que c’est bien de commencer dès la naissance. C’est ce que j’ai fait avec mes propres enfants, d’ailleurs. Cela permet déjà, à nous les adultes, de s’habituer à faire les gestes en parlant. Cela habitue aussi l’enfant à nous regarder avec intensité. Quand il voit les mouvements, il est plus intéressé par ce qu’on fait et ce qu’on dit. Plus tôt on le fait, plus tôt, il enregistrera les signes et pourra les mettre en pratique.

Signer avec bébé : "Il ne faut pas plus d’un signe dans la phrase"

Quels sont vos conseils pour une bonne pratique des signes associés à la parole avec son bébé ? 

Les signes pour bébé sont avant tout un outil. Il arrive que certains bébés ne s’en saisissent pas. Et ce n’est pas grave, car ça lui permet tout de même de mieux comprendre ce qu’on lui dit. Il ne faut donc pas forcer.

Je conseille également d’adopter la bonne posture quand on communique avec son enfant. Cela veut dire qu’on ne peut pas signer de loin ou de notre hauteur. Il faut le plus possible se mettre à sa hauteur à lui, lui faire face et le regarder dans les yeux pour être dans l’échange.

Il est aussi essentiel de verbaliser, car c’est la base de sa communication. Il n'apprend pas à signer, il apprend à parler avant tout, en nous regardant et en écoutant.

Bien sûr, il faut aussi être à l’écoute. C’est-à-dire lui laisser le temps d’interagir. Parfois, on a tendance à aller très vite. Par exemple, on dit “je vais te donner ton biberon” et on part, sans lui laisser le temps de valider. 

De plus, cela peut paraître étrange comme conseil, mais il ne faut pas trop signer, non plus. C’est contre productif. Pour que l’enfant se saisisse de l’outil, il ne faut pas plus d’un signe dans la phrase. Si on signe tout, cela le noie d’information.

Combien de signes peuvent apprendre les enfants ?

Le nombre de signes appris est très variable. Cela varie d’un bébé à un autre. Certains ne signent pas du tout, d’autres en utilisent deux ou trois et enfin certains peuvent en connaître une vingtaine, voire une trentaine. Il ne faut pas être dans le forcing. Il faut respecter l’appétence et l’envie de l’enfant de communiquer. On ne va pas plus loin, s’il n’a pas envie.

Ce qu’il est important de souligner aussi c’est que les enfants ne reproduisent quasiment jamais exactement le signe que celui que l’on fait. Ils n’ont pas la même dextérité que nous, ni les mêmes connaissances de leur schéma corporel. Par exemple, on dit gâteau en se tapant le poing deux fois sur la joue, beaucoup d'enfants le font en se tapant sur la tête. Ce n’est pas grave en soi, l’important, c’est qu’on le comprenne.

Est-ce que tout l’entourage du bébé doit signer ? 

Dans l’idéal, cela serait chouette que tout l’entourage de l’enfant signe. Mais ce n’est pas une obligation. Il ne faut pas le faire à contre-cœur. Le bébé s’adapte. Par exemple, si la maman est très impliquée dans les signes et que le papa n’y pense pas. Le bébé comprendra rapidement qu’il peut le faire avec maman et que c’est une autre manière de communiquer avec papa. Il faut rester fidèle à ce qu’on veut faire et s’écouter surtout. 

Et pareil, si on signe aussi à la crèche, chez la nounou, chez les grands-parents, c’est génial. Mais ce n’est pas obligé, non plus.

"Il n’y a aucune raison que le signe entraîne un retard de langage"

Est-ce que signer avec son bébé ne peut pas retarder l’apprentissage du langage ?

Si la pratique des signes est faite de la bonne manière - c’est-à-dire en ne noyant pas l’enfant de signes, en continuant de verbaliser et en étant à l’écoute - il n’y a aucune raison que cela impacte le langage. Ça sera même plutôt l’inverse : ça va l’encourager à communiquer par les signes, mais aussi par les mots. Les signes l’aident à mieux comprendre et à enregistrer les mots. On observe d’ailleurs que ce sont des bébés qui rentrent assez vite dans le langage oral. 

J’aime comparer cela au “4 pattes” et à la marche. On ne pense pas que les enfants qui font du “4 pattes” ne vont pas apprendre à marcher. Un bébé ne se contente pas de ça, il a besoin de se mettre debout et d’aller plus loin. C’est la même chose entre les signes et l’oral. Il ne peut pas se contenter de 20 signes pour s’exprimer. Les mots viennent donc très naturellement. Et généralement, quand le mot est acquis, le signe disparaît, car l’enfant s’appuie sur sa nouvelle compétence. Le bébé voit bien que dans la vie tout le monde ne signe pas, mais en revanche parle.

Par ailleurs, quand l’enfant stoppe les signes et qu’il parle, il est important que l’adulte abandonne aussi les signes. L’objectif de faciliter la communication a été atteint. Il n’y a donc pas d'intérêt à continuer à utiliser les signes quand il est entré dans l’oralité.

Je vois peut-être une exception : c'est le vocabulaire des émotions. Celui-la, on peut le garder longtemps dans la vie de l’enfant. En effet, quand une émotion le submerge, cela peut être plus facile pour lui de l’exprimer avec un signe qu’avec des mots. Par exemple, quand il est en colère et qu’il commence à avoir un comportement agressif, on peut lui dire : “je préfère que tu exprimes ta colère avec le signe plutôt que taper”. Le signe peut rester une alternative quand les mots manquent. 

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