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QUESTION D'ACTU

Patient étrange

Après avoir reçu une balle dans la tête, il voit le monde à l’envers

Une nouvelle étude met en lumière l’histoire d’un patient étonnant : après avoir reçu une balle dans la tête pendant la guerre civile d'Espagne, il a commencé à voir le monde à l’envers.

Après avoir reçu une balle dans la tête, il voit le monde à l’envers Viroj_Supornpradit/istock




L'ESSENTIEL
  • Un patient espagnol a commencé à voir, entendre et toucher le monde à l'envers après une blessure par balle.
  • Le neurologue qui l'a suivi pendant des années en a développé une théorie sur le fonctionnement du cerveau.
  • Pour lui, les lésions cérébrales ne détruisaient pas des fonctions spécifiques du cerveau, mais affectaient l'équilibre de plusieurs d’entre elles.

En mai 1938, le patient M, soldat de 25 ans au sein de l’armée républicaine durant la guerre civile espagnole, a reçu une balle dans la tête lors d'une bataille. Le jeune homme a survécu et a été suivi pendant plusieurs décennies par le neurologue Justo Gonzalo Rodriguez-Leal. La particularité de ce malade - outre vivre jusqu'à un âge avancée malgré l’importante blessure cérébrale - est qu’il percevait le monde à l’envers.

Une étude, parue dans Neurologia en avril 2023, retrace cette incroyable histoire

Patient étrange : il voit et ressent le monde à l’envers

Touché à la tête, le patient M a été évacué vers l'hôpital de Valence. Il présentait deux plaies correspondant aux orifices d'entrée et de sortie. Malgré l’ampleur des lésions, son état n’a pas nécessité d’intervention chirurgicale, précise son dossier médical. Il lui a même fallu près de deux semaines pour repérer un problème : il avait perdu la vue de son œil gauche. De nouveaux examens ont mis en lumière un trouble particulièrement étrange chez le malade. Les personnes et les objets lui apparaissaient du côté opposé où ils se trouvaient réellement. Et cela ne se limitait pas à la vision, les sens de l'ouïe et du toucher étaient également concernés. 

Il pouvait lire des lettres et des chiffres imprimés à la fois normalement et à l'envers, sans que son cerveau puisse voir la moindre différence entre les deux. D’autres symptômes “bizarres” ont été repérés : les couleurs lui semblaient se détacher des choses, les objets apparaissaient en triple exemplaires ou encore il souffrait de daltonisme.

Dans ses notes, le Dr Justo Gonzalo Rodriguez-Leal avait noté que le Patient M trouvait “ses anomalies étranges, par exemple quand il avait vu des hommes travailler à l'envers sur un échafaudage” mais ne l’inquiétaient pas. L’analyse de cas - menée par Isabel Gonzalo, physicienne et fille du neurologue - ajoute que le blessé a appris à gérer “sa vie quotidienne sans difficultés, grâce au développement inconscient de stratégies de facilitation motrice et de mécanismes d'attention sélective aux stimuli intenses”.

Neurologie : une nouvelle théorie sur le cerveau grâce à ce cas unique

Son travail auprès du Patient M a conduit le Dr Gonzalo Rodriguez-Leal a développé au cours des années 30/40 une nouvelle théorie sur le fonctionnement du cerveau. Le neuropsychologue Alberto García Molina qui a aussi travaillé sur les archives du médecin, a confié au journal El Pais que dans les années 1930, “le cerveau était vu comme de petites boîtes. Quand tu modifiais une boîte, soi-disant, il y avait un déficit concret”. 

"Pour le Dr Gonzalo, les théories modulaires ne pouvaient pas expliquer les questions qui ont émergé avec le patient M, alors il a commencé à créer sa théorie de la dynamique cérébrale, rompant avec la vision hégémonique sur le fonctionnement du cerveau", a-t-il expliqué.

En étudiant le patient M ainsi que d'autres personnes atteintes de lésions cérébrales, le Dr Gonzalo a avancé que les effets des blessures dépendaient de leur taille et de leur position dans le cerveau. Pour lui, les lésions ne détruisaient pas des fonctions cérébrales spécifiques, mais affectaient l'équilibre de plusieurs d’entre elles. Si les travaux du Dr Gonzalo sont un peu tombés dans l’oubli, des hypothèses similaires restent prédominantes aujourd’hui.

Pour les auteurs Isabel Gonzalo et Alberto García Molina, l’histoire du Patient M et du Dr Gonzalo rappelle que les études de cas uniques, détrônées par les méta-analyses et grands essais cliniques, ont permis d’apprendre beaucoup sur le fonctionnement du cerveau et restent ainsi une source alternative de preuves scientifiques.

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