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QUESTION D'ACTU

Histoire et mémoire

La mémoire collective façonne nos souvenirs personnels

Une équipe française de neuroscientifiques démontre, grâce à l’imagerie cérébrale, le lien entre la mémoire collective et les souvenirs personnels.

La mémoire collective façonne nos souvenirs personnels vgabusi/iStock




Comment, en tant qu’individus, construisons-nous ce qui nous tient lieu de souvenirs ? Comment ces derniers sont-ils façonnés, et par quoi ? Sont-ils le fruit d’une reconstitution exacte des événements passés ou bien une vision fantasmée de notre passé ?

Ces questions taraudent depuis des décennies de nombreux intellectuels. Elles ont même constitué l’essentiel du travail du sociologue français Maurice Halbwachs qui, dans son livre Les cadres sociaux de la mémoire publié en 1925, avait avancé la théorie que les souvenirs sont influencés par leur contexte social.

Pour la première fois, une équipe de neuroscientifiques français lui donne raison. Dans une étude publiée dans la revue Nature Human Behaviour, les chercheurs de l'Inserm Pierre Gagnepain et Francis Eustache (Inserm/université de Caen-Normandie/École pratique des hautes études) montrent que la mémoire des individus est indissociable du groupe auquel ils appartiennent et des contextes sociaux liés à la mémoire collective.

Les mêmes représentations collectives de l’histoire

Pour appréhender la notion de mémoire collective, les chercheurs ont analysé la couverture médiatique de la Seconde Guerre mondiale afin d'identifier les représentations collectives communes qui y sont associées. Au total, 30 ans de reportages et de documentaires de la Seconde Guerre mondiale, diffusés à la télévision française entre 1980 et 2010, ont été visionnés et transcrits.

À l'aide d'un algorithme, ils ont ensuite analysé ce corpus et identifié des groupes de mots régulièrement utilisés dans les discussions sur les grands thèmes associés à notre mémoire collective de la Seconde Guerre mondiale, tels que le débarquement du D-Day. “Notre algorithme identifie automatiquement les thèmes centraux et les mots qui y sont associés à plusieurs reprises, révélant ainsi nos représentations collectives de cette période cruciale de notre histoire”, explique Pierre Gagnepain dans un communiqué.

La seconde étape des travaux des scientifiques a consisté à comprendre le lien entre ces représentations collectives de la guerre et la mémoire individuelle. Ils ont donc recruté 24 volontaires pour visiter le Mémorial de Caen et leur ont demandé d’observer des photos de cette période, accompagnées de légendes.

À partir des mots contenus dans les légendes, l'équipe a pu définir le degré d'association entre les photos et les différents thèmes identifiés précédemment. Par exemple, si des mots associés au D-Day se trouvaient dans la légende, la photo était aussi considérée comme liée à ce thème. Ainsi, les chercheurs ont pu établir une proximité entre chacune des images : lorsque deux photos étaient liées au même thème, elles étaient considérées comme étant “proches” dans la mémoire collective.

Un même modèle mental

Mais comment ces photos sont-elles perçues dans la mémoire des individus ? Pour le savoir, les chercheurs ont fait passer une IRM aux volontaires au cours de laquelle ils leur ont demandé de se rappeler les images vues au Mémorial la veille. Les scientifiques se sont particulièrement intéressés à l'activité de leur cortex préfrontal médian, une région du cerveau liée à la cognition sociale.

Les chercheurs ont ainsi comparé le niveau de proximité entre les photos en regardant les représentations collectives de la Seconde Guerre mondiale dans les médias et, par imagerie cérébrale, en regardant les souvenirs individuels que les gens avaient de ces images après une visite au Mémorial. Ils se sont alors aperçu que lorsque la photo A était considérée comme proche de la photo B — car liée de la même manière au même thème collectif — elle avait aussi une probabilité plus élevée de déclencher une activité cérébrale similaire à celle de la photo B dans le cerveau des sujets.

Pour les chercheurs, c’est la preuve d’un lien entre la mémoire collective et la mémoire individuelle. “Nos données démontrent que la mémoire collective, qui existe au-delà du niveau individuel, organise et façonne la mémoire personnelle. Elle constitue un modèle mental partagé permettant de relier les mémoires des individus à travers le temps et l'espace”, conclut Pierre Gagnepain.

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