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10 000 pas dans le Paris historique : un itinéraire santé de l'île Saint-Louis au Marais, en passant par l'île de la Cité

Après des mois de restrictions, pourquoi ne pas mettre à profit la liberté – partiellement – recouvrée pour se tenir à l'objectif des 10 000 pas quotidiens, qui vise à conserver la forme ? Mieux Vivre Santé vous emmène au cœur de Paris, au travers d'un itinéraire de 2 heures à 2h30, à la découverte de l'île Saint-Louis, de l'île de la Cité et du Marais.

10 000 pas dans le Paris historique : un itinéraire santé de l'île Saint-Louis au Marais, en passant par l'île de la Cité Pascale Gueret/iStock

  • Publié le 22.05.2021 à 10h00
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À l'image des "cinq fruits et légumes par jour", l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande de faire 10 000 pas quotidiens pour conserver la forme. Débattu par certains experts, cet objectif est particulièrement difficile à tenir : entre 2012 et 2016, seuls 25% des Français l'atteignaient, selon une étude de l'association Attitude Prévention. En effet, il représente entre 7 et 8 kilomètres, selon la longueur de ses pas. Afin de vous aider à parcourir une telle distance tout en faisant le plein d'anecdotes historiques, Mieux Vivre Santé vous a concocté une promenade dans les emblématiques 1er et 4e arrondissements de Paris.

Nous vous emmenons d'abord sur la petite île Saint-Louis, dont la superficie avoisine les 11 hectares. Charles II (843-877) est le premier à s'intéresser à ce qui n'est alors qu'un morceau de terre désert, quand il le donne à Énée, évêque de Paris, en 867. Scindée en deux – l'îlot Notre-Dame et l'île aux Vaches – par un grand fossé vers la fin du XIVe siècle, afin de renforcer l'enceinte de Charles V (1338-1380), la zone est couverte d'herbages, de saules et de roseaux. Il faut attendre 1614 pour qu'un roi demande la réunion des deux îles en une et la construction d'un pont l'ancrant à la rive droite. Il s'agit de Louis XIII (1601-1643). 

Il entame également un projet d'urbanisation, confié à Christophe Marie, l'entrepreneur général des Ponts, qui s'associe avec ses confrères Lugles Poulletier et François Le Regrattier. Les financiers sont les premiers à s'installer sur l'île, sur les quais, suivis par des hauts dignitaires, des artistes consacrés, puis des grands seigneurs. En parallèle, une population d'artisans ouvre des ateliers dans les rues intérieures. Après la Seconde Guerre mondiale, l'image de l'île évolue, avec la présence de peintres, acteurs, chanteurs, et politiques. Depuis le début des années 1980, elle fait l'objet d'un véritable phénomène de "pied-à-terrisation", en devenant une destination de choix pour les résidences secondaires. 

Un cabaret fermé en 1716 en raison d'un pamphlet

Sortez de la station de métro Pont Marie. Prenez le pont éponyme, à quelques mètres. C'est Louis XIII qui en pose la première pierre, en 1614. À l'époque, il comporte cinquante maisons, mais une première crue les détruit partiellement, en 1658. Elles sont définitivement rasées près d'un siècle plus tard, avec l'édit du 7 septembre 1786, qui ordonne la démolition des habitations sur tous les ponts de Paris. De ceux qui permettent d'accéder à l'île, le pont Marie est le seul à ne pas avoir été abattu puis reconstruit. 

Vous arrivez au niveau du 1 quai de Bourbon, où se tient un restaurant – à vendre – dont la grille en fer forgée, classée, est le vestige d'Au Franc Pinot, un cabaret du XVIIe siècle. C'est ici que se réunissaient les mariniers et que descendaient les voyageurs du bateau –appelé coche d'eau – en provenance de Melun. La police ferme l'établissement en 1716, après la découverte du pamphlet "Les Amours de Monsieur le duc d'Orléans", de François-Joseph de Lagrange-Chancel (1677-1758), au motif qu'il va à l'encontre des mœurs du Régent.

Continuez tout droit, sur la rue des Deux-Ponts. Il s'agit de la première de l'île. Néanmoins, son élargissement, survenu entre 1912 et 1913, est synonyme de la démolition des bâtiments qui faisaient son charme. C'est pourquoi des maisons témoins du style Louis XIII juxtaposent les immeubles contemporains de la IIIe République (1870-1940), du numéro 14 au numéro 2. Au numéro 8 se tiennent les bains-douches municipaux de l'île. Depuis leur gratuité en 2000, leur fréquentation a augmenté de 40% : s'y rendent les sans-abri et les personnes dont l'appartement n'est pas équipé de salle d'eau. 

Deux prix Nobel au 36, quai de Béthune

Vous êtes maintenant sur le quai d'Orléans. Prenez sur votre droite, pour vous rendre au numéro 6. Vous y trouverez un hôtel néoclassique, datant de 1655. Racheté en 1838 par le comte Ladislas Zamoiski, il accueille la Bibliothèque polonaise de Paris. Ses murs abritent plus de 160 000 volumes, 8 000 gravures, 5 000 cartes géographiques, mais aussi de nombreux manuscrits anciens et des partitions du compositeur Frédéric Chopin (1810-1849). Sur votre gauche, vous verrez le pont de la Tournelle, utilisé pour mesurer le niveau des crues au centre de la capitale depuis 1719.

Revenez sur vos pas, puis poursuivez votre chemin sur le quai de Béthune. Plusieurs prix Nobel ont vécu au numéro 36 : la physicienne Marie Curie (1867-1934), de 1912 à sa mort, puis le prix Nobel de la Paix René Cassin (1887-1976), dès 1952 et jusqu'à son décès également. Au numéro 24, il ne reste de l'hôtel Hesselin que la porte. Il avait été construit pour le surintendant des plaisirs du roi et ordonnateur des ballets, Louis Treslon-Cauchon, dit Louis Hesselin. Or, il meurt d'indigestion en 1662 pour avoir mangé… 294 cerneaux de noix, à la suite d'un pari. Bien que classé aux monuments historiques, l'hôtel est démoli en 1934 par l'industrielle de la cosmétique Helena Rubinstein, pour en faire un nouvel immeuble.

Allez à gauche, rue Poulletier. C'est ici que se trouvait le canal qui séparait l'île Saint-Louis en deux. Les Sœurs de la charité chrétienne s'établissent au numéro 5 en 1730, tandis que le cousin germain de l'épistolière Madame de Sévigné (1626-1696), Philippe-Auguste Le Hardy de La Trousse, s'installe au numéro 9, en 1677. Prenez à droite sur le quai d'Anjou, nommé d'après le frère de Louis XIII, Gaston (1608-1660), le duc d'Anjou – entre autres régions.

L'hôtel Lauzun, de Balzac à Baudelaire

Vous pourrez voir l'hôtel de Lauzun au numéro 17. Accueillant désormais des chercheurs en sciences humaines en résidence, il avait été construit entre 1657 et 1658 pour Charles Gruyn, le commissaire des vivres de la cavalerie de Louis XIV (1638-1715). Il n'en profite que jusqu'en 1662, soit l'année où il est condamné pour malversation. C'est à ce moment que le duc de Lauzun achète l'hôtel, sortant lui-même d'un séjour de dix ans dans la forteresse de Pignerol, pour avoir nourri des projets de mariage avec Anne-Marie-Louise d'Orléans – dite la Grande Mademoiselle – la cousine germaine de Louis XIV.

Une fois à Paris, ils finissent par s'unir en secret, et… Se séparent, trois ans plus tard. Vendu en 1685, l'hôtel passe entre plusieurs mains avant d'être racheté par le bibliophile Jérôme Pichon, au XIXe siècle. Si l'on pouvait croiser l'écrivain Honoré de Balzac (1799-1850), le graveur Honoré Daumier (1808-1879), ou encore le peintre Eugène Delacroix (1798-1863) dans les couloirs de l'établissement, le poète Charles Baudelaire (1821-1867) y vécu de 1843 à 1845.

Arpentez le quai d'Anjou. N'hésitez pas à regarder les plaques commémoratives sur les façades, indiquant le nom des personnes ayant séjourné dans les murs qui se trouvent sous vos yeux. Vous verrez l'hôtel Lambert, au numéro 1. Parmi ses multiples occupants figure le prince polonais Adam Czartoryski (1770-1861). Après en avoir fait l'acquisition, il convertit les lieux en un véritable foyer culturel : on y rencontrait le poète Adam Mickiewicz (1798-1855), Frédéric Chopin, Eugène Delacroix, et même la romancière George Sand (1804-1876).

Un clocher ajouré pour éviter toute prise au vent

Continuez tout droit, en traversant le boulevard Henri IV. Vous atteindrez le récent square Barye, créé en 1938. Allez au bout, pour profiter de la vue sur la Seine, puis revenez à l'entrée. Traversez à nouveau le boulevard et rendez-vous sur le quai de Béthune. Longez-le sur quelques mètres, puis tournez à droite, rue de Bretonvilliers. Vous passerez par le pavillon à arcade de l'ancien hôtel éponyme, détruit en 1874 pour l'édification du pont de Sully. Prenez à gauche, sur la rue Saint-Louis-en-l'Île, que se partageaient initialement bourgeois et petits commerçants. Il s'agissait du centre commercial et religieux de l'île. 

En 1799, l'ingénieur Philippe Lebon y découvre le principe de l'éclairage et du chauffage par gaz, au numéro 12. Poursuivez votre chemin. Au numéro 21, vous verrez l'église Saint-Louis-en-l'Île, de style jésuite. À l'origine, une petite chapelle se trouvait ici. Mais, devant l'augmentation de la population de l'île, vient l'idée de construire un bâtiment permettant d'accueillir davantage de personnes. Son édification en plusieurs étapes débute en 1624 et touche à sa fin 102 ans plus tard. Néanmoins, détruit par la foudre en 1740, le campanile de la coupole est remplacé par un clocher de 30 mètres de haut, en 1765. Levez les yeux vers ses nombreux ajours : ils visent à éviter toute prise au vent, qui souffle fortement sur l'île. Désertée à la Révolution (1789), l'église sert de dépôt littéraire jusqu'en 1798.

Un petit peu plus loin, au numéro 31, se dresse la boutique de Berthillon, l'un des glaciers les plus connus de France. Fondée en 1954, cette entreprise familiale attire encore les foules chaque jour d'ouverture. Désormais reconvertie en hôtel, la façade de la dernière salle de jeu de paume de Paris se trouve au numéro 54. Sous le règne de Louis XIII, il s'agit d'un sport très en vogue : la ville compte alors près de 150 salles où le pratiquer. La construction de celle de l'île Saint-Louis est entreprise en 1634, mais elle ferme environ un siècle plus tard, en 1750, devant le désintérêt grandissant pour le jeu de paume. Néanmoins, elle est la seule de la capitale à ne pas avoir été détruite.

La dernière demeure de Camille Claudel avant l'asile

Tournez à gauche, rue Budé, puis à droite, sur le quai d'Orléans. Au numéro 12, vous pourrez voir la maison natale du poète Alexis-Félix Arvers (1806-1850). Il est notamment l'auteur de l'un des sonnets les plus populaires du XIXe siècle, dont le premier vers est : "Ma vie a son secret, mon âme a son mystère". Prenez à droite sur la rue Le Regrattier. Au numéro 6, l'actrice et danseuse Jeanne Duval (1820-1862) recevait fréquemment la visite de Charles Baudelaire, dont elle était la muse. Poursuivez jusqu'à la partie nord de la rue, appelée celle de la Femme-sans-tête, de 1710 à 1868. Ce nom lui viendrait d'une enseigne, où l'on pouvait voir une femme décapitée tenir un verre à la main, accompagnée de la devise : "Tout est bon"

Vous arrivez à présent sur le quai de Bourbon. Faites quelques mètres à droite, jusqu'au numéro 19, pour voir la façade de la maison où la sculptrice Camille Claudel (1864-1943) a vécu, de 1899 à 1913. C'est la date à laquelle elle est internée de force par sa famille à l'asile de Ville-Évrard, en Seine-Saint-Denis, où on lui diagnostique une psychose paranoïaque. La tribune parue dans le journal L'Avenir de l'Aisne le 19 septembre 1913, la campagne de presse lancée contre la "séquestration légale", et la lettre de l'artiste demandant sa libération en 1917 n'y feront rien : elle passera les trente dernières années de sa vie internée.

Revenez sur vos pas et longez le quai. Notez que vous avez atteint près de 2 500 pas, soit un quart de votre objectif quotidien, bravo ! La figure du socialisme Léon Blum (1872-1950) a habité au numéro 25, tandis que le romancier Charles-Louis Philippe (1874-1909) a vécu au numéro 31. Marchez jusqu'à la place Louis Aragon, située à la pointe ouest de l'île. Elle a été inaugurée récemment, en 2012, à l'occasion du trentième anniversaire de la mort de l'écrivain qui lui a donné son nom. Continuez à évoluer sur le quai de Bourbon, puis sur celui d'Orléans. Prenez à gauche, rue Boutarel. Faites de même sur la rue Saint-Louis-en-l'Île, puis empruntez le pont Saint-Louis, qui relie l'île à celle de la Cité.

La Cité, une île au rôle central 

Vous vous trouvez sur l'île de la Cité, dont la superficie représente le double de celle de sa voisine. Arrêtons-nous quelques instants sur sa riche Histoire. Cette zone est considérée comme le berceau antique de Paris, autrefois appelée Lutèce. Les Gaulois s'y établissent en 52 av. J.-C., après la victoire de Jules César (100 av. J.-C. – 44 av. J.-C.) sur Vercingétorix (82 av. J.-C. – 46 av. J.-C.). Au début de notre ère, un palais destiné au représentant de Rome est construit. Des siècles plus tard, en 508, c'est dans ses murs que s'installe Clovis (466-511), le roi des Francs, lorsqu'il fait de Paris la capitale de son royaume. Avec la christianisation, les églises se multiplient sur l'île. Un phénomène illustré par l'édification de la cathédrale Saint-Étienne de Paris – à l'endroit de l'actuelle Notre-Dame de Paris – sur l'ancien temple gallo-romain.

C'est avec Charlemagne (décédé en 814) que l'île perd son statut de capitale, puisque la cour se déplace de ville en ville. Vaste chantier de construction au XIe siècle, le quartier s'anime à nouveau en 1112, quand Louis VI (1081-1137) s'établit dans le palais, avec sa cour et le Parlement. Cette configuration sera de courte durée : le bâtiment est abandonné par la famille royale sous Charles V (1338-1380), qui s'installe au Louvre. L'île compte alors 500 maisons, séparées par un dédale d'une quarantaine de rues insalubres. Finalement, Charles VII (1403-1461) laisse définitivement le palais au Parlement. Puis, aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'île est soumise à de nouvelles règles d'urbanisme, rectifiant l'alignement de ses immeubles, imposant un tracé rectiligne et modifiant les matériaux ainsi que l'aspect de ses façades. 

Au milieu du XIXe siècle, de nombreux projets sont élaborés pour rendre à l'île le rôle central de ses origines, avec la volonté d'en faire le cœur religieux et culturel de la capitale. Mais ce sont surtout les travaux menés par le baron Haussmann (1809-1891) qui la transforment en profondeur : des centaines de maisons et nombre de petites églises situées entre le palais de Justice et la cathédrale sont rasées, provoquant l'expulsion de 25 000 personnes. Seuls le cloître Notre-Dame et deux pans de la place Dauphine échappent à la démolition. Les multiples protestations ne changeront rien à ce que l'on peut considérer comme la disparition du cœur du Paris historique. 

Les meilleurs pâtés de Paris… À la viande humaine

Empruntez la rue du Cloître-Notre-Dame, puis tournez à droite, sur la rue Chanoinesse. Allez de nouveau à droite, dans l'étroite rue des Chantres. Sur un mur, à l'angle de la rue des Ursins, une plaque indique le niveau atteint par la crue en 1910. Au numéro 3, se dresse une maison dont l'imposante porte en bois massif et la tour portent à croire qu'elle date du Moyen Âge. En réalité, cette bâtisse de style gothique a été construite en 1958. Pour qu'elle ressemble à un bâtiment médiéval, l'architecte a récupéré les éléments d'une ancienne habitation, provenant vraisemblablement du XVIIe siècle. Autre détail trompeur : vous êtes actuellement sur l'ancien niveau des berges de la Seine, là où se trouvait le premier port de la ville, le seul point de ravitaillement de la population jusqu'au XIIe siècle. 

Le dramaturge Jean Racine (1639-1699) a vécu au numéro 7 de la rue, de 1673 à 1676, tandis que les restes de la nef de la chapelle Saint-Aignan, dont les vestiges sont classés au titre des monuments historiques, reposent au numéro 19. Prenez à gauche, dans la rue de la Colombe, puis à nouveau à gauche, pour regagner la rue Chanoinesse. Arrêtez-vous devant les numéros 22 et 24. Au XIVe siècle, un pâtissier y vendait les meilleurs pâtés de la capitale, dont la viande provenait de… Chez le barbier voisin, qui égorgeait ses clients étrangers, ceux que personne ne serait susceptible de chercher. C'est le passage d'un étudiant danois qui met un terme aux meurtres : ne le voyant pas revenir, son chien refuse de s'éloigner de la vitrine du barbier. Devant les hurlements de l'animal, les habitants demandent des comptes au commerçant, qui finit par leur dire la vérité. Les deux hommes sont brûlés vifs et leurs boutiques rasées.

Tournez à droite, rue Massillon, puis encore à droite, rue du Cloître-Notre-Dame, pour rejoindre le parvis de la cathédrale. Vous vous tenez près du point kilométrique zéro des routes de France, celui à partir duquel toutes les distances de Paris aux autres villes sont calculées. Malheureusement, la rose des vents en bronze qui le symbolise, au sol, n'est pas visible actuellement, en raison des travaux de reconstruction qui limitent l'accès aux abords de Notre-Dame. 

Victor Hugo au secours de Notre-Dame

D'ailleurs, arrêtons-nous quelques instants sur son Histoire. Emblématique de la capitale, son édification s'est étalée de 1163 à 1345. Elle se fait notamment le témoin du sacre de Napoléon Ier (1769-1821) en 1804, et, récemment, des funérailles de plusieurs présidents de la République, comme celles de Charles de Gaulle (1890-1970) et François Mitterrand (1916-1996). Visée par de nombreux actes de vandalisme durant la Révolution, la cathédrale est finalement rendue au culte en 1802. Quelques réfections d'urgence sont alors entreprises, lui permettant d'accueillir Napoléon Ier. Néanmoins, elle se trouve dans un tel état de délabrement que les responsables de Paris envisagent la possibilité de la démolir.

C'est à Notre-Dame de Paris, le roman de Victor Hugo (1802-1885) paru en 1831, que l'on doit sa sauvegarde. Avec le succès de son livre, l'auteur parvient à sensibiliser le public à la valeur de la cathédrale et à créer un large mouvement populaire d'intérêt. En conséquence, un vaste programme de restauration est entamé dans les années 1840. Regardez sur votre gauche, désormais. Vous verrez l'Hôtel-Dieu, le plus vieil hôpital de la ville, dont la fondation remonte à 651. Jusqu'à la période 1867-1878, les bâtiments qui le constituaient s'étendaient sur le parvis de Notre-Dame. C'est à cette époque qu'ils sont détruits, puis reconstruits sur le côté Nord.

"Le temps passe, la justice demeure" 

La cathédrale dans le dos, allez en direction de la rue de la Cité. Empruntez-la à droite, pour arriver à la place Louis-Lépine. Traversez le marché aux fleurs Reine Elizabeth II – ouvert de 9h30 à 19 heures tous les jours – puis prenez à gauche sur le quai de la Corse. Remontez-le, jusqu'à ce qu'apparaisse la première horloge publique de Paris. C'est Charles V qui a eu l'idée de la faire installer en 1370, sur la tour nord-est du palais de la Cité – devenu le palais de Justice, également sous l'impulsion du "Sage". À cette époque, la population se référait principalement aux cloches des églises pour connaître l'heure. Ainsi, en créant un cadran visant à indiquer celle du roi, Charles V affirme les fonctions régaliennes de la monarchie et son émancipation vis-à-vis du pouvoir de l’Église. 

Rendez-vous à gauche, sur le boulevard du Palais. Vous verrez d'abord la Conciergerie, la prison où était enfermée Marie-Antoinette (1755-1793) avant de se faire guillotiner sur la place de la Concorde – alors appelée place de la Révolution. Vient ensuite le palais de Justice, où les premières lois du pays ont été élaborées, et, enfin, la Sainte-Chapelle, qui a accueilli les reliques du Christ pendant des siècles, avant qu'elles ne soient transférées à Notre-Dame. Poursuivez jusqu'au quai des Orfèvres – qui doit son nom aux artisans qui s'y sont établis – puis suivez-le par la droite. Sur la façade du tribunal correctionnel, vous pourrez observer les quatre niches dans lesquelles trônent les allégories de la Justice : la Clémence, l'Éloquence, le Droit et la Vérité. À quelques mètres de là se trouve un cadran solaire, où l'on peut lire en latin : "Hora fugit stat jus", soit : "Le temps passe, la justice demeure".

Les bouquinistes, une tradition du XVIe siècle

Vous avez atteint la moitié de votre objectif, près de 5 000 pas ! Continuez à longer la rue. Vous passerez devant le 36 quai des Orfèvres, occupé par la police judiciaire de 1913 à 2017. L'adresse est notamment devenue célèbre avec le commissaire Maigret, un personnage de fiction imaginé en 1931 par Georges Simenon (1903-1989) et apparu dans 75 romans policiers et 28 nouvelles, jusqu'en 1972. De nombreux films et séries télévisées ont aussi contribué à faire connaître les lieux, comme Profilage, Alice Nevers, ou encore L'Affaire SK1. Tournez à droite, rue de Harlay, afin de rejoindre la place Dauphine, inscrite au titre des monuments historiques. 

Empruntez-la à gauche, puis traversez pour gagner la statue de Henri IV. Descendez l'escalier qui mène au square du Vert-Galant, baptisé en référence au surnom du roi, célèbre pour sa vie sentimentale mouvementée. Cet espace est situé à 7 mètres en dessous du niveau actuel de l'île de la Cité. En réalité, il s'agit de la hauteur de cette dernière à l'époque de Lutèce, avant que les travaux successifs ne la surélèvent peu à peu. Au XVIIIe siècle, la pointe accueille un établissement de bains composé de 200 baignoires, remplacé par le café-concert Vert-Galant en 1865. Cinq ans après la disparition de ce dernier lors de la crue de la Seine de 1879, l'État cède le terrain à la Ville de Paris, pour un franc symbolique. Allez à l'extrémité du square pour voir le Louvre, la coupole de l'Institut de France et le pont des Arts. 

Revenez sur vos pas, et montez les escaliers. Une fois au niveau de la statue de Henri IV, prenez à gauche pour vous engager sur le tronçon nord du pont Neuf, le plus ancien de la capitale. Tournez à droite sur le quai de la Mégisserie, puis longez la succession d'étals des bouquinistes. Si ce mot ne fait son apparition qu'en 1752 dans le dictionnaire de Trévoux, la tradition débute aux alentours du XVIe siècle, avec des petits marchands colporteurs. La pratique est interdite en 1649, sous la pression de la corporation des librairies. Mais, avec la Révolution, les bouquinistes prospèrent : on en dénombre près de 300. Ils connaissent une première réglementation avec l'ordonnance du 31 octobre 1822, puis obtiennent en 1891 l'autorisation de laisser sur place leurs caissons scellés pour la nuit. 

À l'origine du Marais, une zone... Marécageuse

Au niveau du pont au Change, la place du Châtelet se dessine sur votre gauche. Dirigez-vous vers elle, puis rendez-vous à droite, sur l'avenue Victoria. Entrez dans le square de la Tour Saint-Jacques. Construite au XVIe siècle dans le style gothique flamboyant, la tour est un vestige de l'église Saint-Jacques-la-Boucherie, dont le nom fait référence à la proximité de nombreux étalages de bouchers. Détruit à la fin du XVIIIe siècle, l'édifice reste longtemps une étape plébiscitée par les pèlerins en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle. Aux quatre angles de la tour, vous pouvez voir les statues représentent Saint-Jacques-Le-Majeur et les animaux symbolisant les évangélistes. On retrouve ainsi l'aigle pour Saint-Jean, le bœuf pour Saint-Luc, et le lion pour Saint-Marc. Dans le square, se dresse une statue du mathématicien et physicien Blaise Pascal (1623-1662), qui y aurait réalisé des expériences sur la pesanteur.

Contournez la tour pour rejoindre la rue de Rivoli, que vous prendrez vers la droite. En gagnant la place de l'Hôtel de Ville, vous entrez officiellement dans le quartier du Marais. Arrêtons-nous quelques instants sur son Histoire. Ancienne zone de marécage, c'est l'enceinte fortifiée de Charles V qui fixe sa limite au Nord-Est et à l'Est, à la fin de son édification, en 1358. La noblesse et la grande bourgeoisie parisienne investissent le quartier au XVIIe siècle, à renfort de constructions d'hôtels particuliers, avant de le délaisser à partir du milieu du XVIIIe siècle, au profit des faubourgs Saint-Honoré et Saint-Germain, plus proches de la cour de Versailles. Avec la Révolution, le Marais devient l'apanage des artisans et des ouvriers.

Par ailleurs, plusieurs communautés y élisent domicile. D'abord les juifs ashkénazes, de la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale, fuyant la misère et la persécution dont ils sont victimes en Europe de l'Est. Ils s'installent autour de l'emblématique rue des Rosiers. Ensuite les Chinois originaires de Wenzhou, dont plusieurs milliers s'établissent dans le nord-ouest du Marais pendant la Première Guerre mondiale, à la demande de la France, en quête de renforts à l'arrière. Enfin, la présence de la communauté homosexuelle se renforce depuis les années 1980, notamment autour de la rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, à travers la fréquentation de bars, restaurants, commerces, et l'acquisition de biens immobiliers. Secteur "sauvegardé" depuis 1964, le Marais est à nouveau plébiscité par les classes aisées.

Un amant de la reine jeté dans la Seine

Traversez la place pour vous approcher de l'Hôtel de Ville, qui abrite les institutions municipales de Paris depuis 1357. Ainsi, vous pourrez en admirer la façade et les statues qui l'ornent, représentant des personnages marquants de la capitale, allant des artistes aux politiciens, en passant par les savants et les industriels. Notez qu'il ne vous reste que 2 500 pas pour atteindre votre objectif quotidien, tenez bon ! Longez l'édifice. Une fois à son extrémité sud, levez la tête vers la représentation de Jules Michelet (1798-1874), située au bout de la première rangée. Cet historien du XIXe siècle a publié en 1862 La sorcière, un roman visant à défendre ces femmes. Il y dénonce notamment l'obscurantisme, la misogynie et la violence de l'époque. Tournez à gauche, sur le quai de l'Hôtel de ville, puis une nouvelle fois à gauche, rue de Lobau.

Tout de suite sur votre droite, vous verrez l'église Saint-Gervais-Saint-Protais, initialement dédiée à la corporation des marchands de vin. Il faudra près de 150 ans pour achever sa construction, entamée en 1494. La place qui se trouve devant elle a longtemps été appelée "carrefour de l'orme", en raison de l'arbre éponyme planté devant la grande porte de l'église, selon une coutume moyenâgeuse. Entretenu par la Fabrique de Saint-Gervais, il faisait office de point de rencontre pour les habitants du quartier, qui avaient notamment l'habitude de s'y assembler pour régler leurs créances. Après avoir traversé la place Saint-Gervais, entrez dans la rue François-Miron

Prenez à droite, rue des Barres, puis allez au numéro 10. C'est à partir d'ici, et jusqu'au bout de la rue qui s'étend devant vous, que se trouvait l'hôtel des Barres, bâti en 1250. Louis de Boisredon, le capitaine des gardes du corps de la reine Isabeau de Bavière (1370-1435), y a résidé. Lorsque Charles VI (1368-1422) découvre la liaison qu'il entretient avec sa femme, il le fait jeter dans la Seine, enfermé dans un sac. Tournez à gauche, rue du Grenier-sur-l'Eau, puis de nouveau à gauche, sur la rue du Pont-Louis-Philippe, afin de regagner la rue François-Miron, où vous pourrez observer deux maisons à colombages. Elle vous mènera à la rue de Jouy, dans laquelle vous vous engagerez à droite. À l'angle de la rue de Fourcy, notez le bas-relief. Il s'agit de la reproduction de l'une des plus anciennes enseignes de Paris : elle représente un rémouleur, un artisan ambulant qui aiguisait les lames d'instruments tranchants. 

Zoom sur le village Saint-Paul

La rue de Jouy débouche sur la rue Charlemagne. Empruntez-la, puis prenez tout de suite à droite, rue du Figuier. Avant que la rue de l'Ave-Maria ne lui succède, vous verrez l'hôtel des archevêques de Sens, sur votre droite. Il sert principalement de lieu de résidence aux religieux jusqu'en 1622, puisque la ville dépend encore de l'archevêché de Sens. Outre les hauts dignitaires ecclésiastiques qui y séjournent, Marguerite de France (1553-1615) y habite de 1605 à 1606. Selon la légende, celle que l'on surnomme Margot, et dont le mariage avec Henri IV (1553-1610) est déclaré nul par l'Église en 1599, fait abattre un figuier planté devant la porte de l'hôtel, parce qu'il gêne les manœuvres de sa voiture. C'est cet incident qui aurait donné son nom à la rue. Désormais, l'hôtel abrite la bibliothèque Forney, consacrée aux arts décoratifs, aux beaux-arts, et aux techniques d'artisanat. 

Poursuivez sur la rue de l'Ave-Maria, puis allez à gauche, dans la rue des Jardins-Saint-Paul. Au numéro 21, vous pourrez apercevoir l'enceinte de Philippe Auguste (1165-1223), vestige d'un système de fortification urbaine construit à Paris à partir de la fin du XIIe siècle. Vous arrivez maintenant dans le village Saint-Paul. Après la Première Guerre mondiale, il fait partie de l'une des 17 zones déclarées insalubres dans la capitale, désignée "îlot insalubre n°16". Menacée par la destruction, la partie ouest de la rue Saint-Paul attire les faibles loyers, qui font fi de l'exiguïté des appartements et de leur vétusté. Néanmoins, en 1941, la préfecture de la Seine, dont les pouvoirs sont renforcés par le régime de Vichy, conduit une opération d'expropriation d'envergure dans l'îlot, à laquelle s'ajoutent les départs sans retour de nombreux habitants juifs.

La Libération (1944) est synonyme d'une réhabilitation rapide des appartements dans le périmètre. Puis, dans les décennies qui suivent, la plupart des immeubles alentours font l'objet d'une opération de curetage : à l'intérieur des bâtiments, les constructions et surélévations sont dégagées. C'est ce qui donne naissance au village Saint-Paul, au début des années 1980. Il abrite à présent une quarantaine de boutiques. À droite, passez sous l'arche des numéros 10-12-14 pour rejoindre la cour Rabelais. Tournez à gauche, puis empruntez un dédale de passages en vous dirigeant toujours tout droit, jusqu'à retomber sur la rue Charlemagne.

Les cœurs de Louis XIII et Louis XIV mis en toile 

Prenez à gauche, puis tout de suite à droite, rue Éginhard. Elle vous mènera à la rue Saint-Paul, que vous emprunterez sur la gauche. Arrêtez-vous une vingtaine de mètres plus loin, au croisement de la rue Neuve-Saint-Pierre. C'est ici que débutait la frontière du cimetière Saint-Paul-des-Champs, qui s'étendait jusqu'au numéro 5. Il était également délimité par le tronçon séparant le numéro 28 de la rue Saint-Paul de l'endroit où vous vous tenez. Fondé entre 632 et 642, le cimetière est vendu comme bien national en 1796, puis détruit. Y ont notamment été inhumés l'écrivain François Rabelais (1490 env. - 1553) et le célèbre prisonnier surnommé "l'homme au masque de fer" (décédé en 1703), dont l'existence reste, aujourd'hui encore, un mystère à part entière. 

Poursuivez sur la rue Saint-Paul, puis engagez-vous à gauche, dans le passage Saint-Paul. Allez tout au bout, jusqu'à la porte. Elle mène à l'église Saint-Paul-Saint-Louis, dont Louis XIII pose la première pierre le 16 mars 1627. Alors baptisée Saint-Louis-des-Jésuites, elle est consacrée en 1641, puis adopte son nom actuel en 1802, à sa réouverture après la Révolution. La décision est prise en souvenir de l'église paroissiale Saint-Paul-des-Champs, adjacente au cimetière mentionné précédemment, et détruite en 1799. Le bâtiment devant lequel vous vous trouvez a abrité les cœurs de Louis XIII et de Louis XIV, conservés dans des reliquaires en vermeil. La Convention nationale (1792-1795), l'un des régimes mis en place pendant la Révolution, ordonne la fonte des reliquaires pour récupérer l'or et l'argent qui les constituent. Ne sachant que faire des cœurs, l'architecte en charge les confie à deux peintres… Qui les utilisent comme peinture pour leurs toiles.

Que cela ne vous empêche pas de pousser la porte – rouge ! – qui se tient devant vous. Si elle est ouverte, entrez dans l'église pour la découvrir de l'intérieur, puis sortez par l'entrée principale, sur la rue Saint-Antoine. Le cas échéant, revenez sur vos pas, et rendez-vous à gauche, rue Saint-Paul, pour rejoindre la rue Saint-Antoine. Que vous sortiez de l'église ou que vous veniez par la route, prenez à gauche et marchez la centaine de mètres qui vous séparent de la station de métro Saint-Paul. Félicitations, vous avez atteint vos 10 000 pas quotidiens !

Cet itinéraire a notamment été réalisé à l'aide de "Balades secrètes à Paris", "Le guide du promeneur de Paris" et "Le Matrimoine de Paris".

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