Avec la généralisation du télétravail inhérente à la crise sanitaire, de plus en plus de Français souffrent de douleurs au dos. "Il ne faut pas s'inquiéter. Le mal de dos est une affection très fréquente, très commune", relativise Thomas Dupas, kinésithérapeute et co-fondateur de l'application santé Weasyo, interrogé dans l'émission Questions aux experts du 22 décembre dernier. "C'est normal, surenchérit Romain Brial, son collègue. On fait moins de mouvements et on ne marche plus pour se rendre sur son lieu d'exercice. Finalement, chaque jour, les gens restent en moyenne huit à dix heures en position assise".

Pour éviter que son dos ne pâtisse de ce changement d'habitudes, il est important de mobiliser régulièrement sa colonne vertébrale et de la renforcer. Ainsi, l'expert évoque les bienfaits de la position debout. "Elle est très intéressante pour travailler, assure-t-il. Elle permet de se redresser, de rester actif, puis de tonifier ses muscles du dos". En plus de se lever pour faire quelques pas et mouvements, le professionnel de santé suggère aux personnes en télétravail de se tenir debout lors de leurs appels téléphoniques ou durant les visioconférences.

Autre clé pour prévenir l'apparition de douleurs : pratiquer une activité sportive régulière. "Il ne s'agit pas forcément de le faire de manière très intensive, mais seulement de se prendre 15 à 20 minutes, d'essayer de s'adonner à la gymnastique douce, au yoga, aux étirements, de sortir, de courir un petit peu, de faire du vélo…, énumère Thomas Dupas. C'est l'aspect régularité qui est le plus important".

S'étirer matin, midi et soir

Par ailleurs, Romain Brial préconise d'effectuer des "pauses mouvements". "C'est un bon réflexe, toutes les deux heures, de faire des petits mouvements pendant trois à cinq minutes, indique-t-il, en citant notamment les assouplissements. Par exemple, quelqu'un qui a mal dans le bas du dos pourrait sortir de sa chaise, se mettre debout et faire des petites rotations de bassin, des mouvements en arrière, en sortant la poitrine, en extension". 

Pour relâcher toutes les tensions présentes dans le haut du dos, Thomas Dupas propose de mettre en place des exercices comme celui du "tilt postérieur". Il consiste à sortir la poitrine au maximum, resserrer les omoplates dans le dos en fermant les yeux et en inspirant profondément, puis à faire les gestes inverses, et les répéter pendant 30 secondes. Le kinésithérapeute évoque également l'exercice qui passe par le fait de joindre ses mains derrière la nuque en faisant des extensions thoraciques, avec les coudes rapprochés, là encore durant 30 secondes.

"S'étirer est bénéfique à beaucoup de monde, ajoute Romain Brial. Je conseille à mes patients de le faire régulièrement au cours de la journée, pourquoi pas matin, midi et soir, comme un traitement". Il recommande la position du sphinx : allongé sur le ventre, on se tient sur les avant-bras, que l'on met à plat sur le sol, en ouvrant la cage thoracique. "Comme les personnes en télétravail sont trop longtemps en flexion dans la journée, l'idée est qu'elles apprennent à se redresser progressivement", développe le kinésithérapeute.

"Réaliser que l'on peut avoir un impact positif sur sa santé" 

Il note que, peu à peu, ses patients prennent plaisir à réaliser l'exercice. "Il les soulage réellement. Le bon état d'esprit, c'est de réaliser que l'on peut avoir un impact positif sur sa santé, reprend Romain Brial. Les mouvements ne doivent pas être vus comme une obligation, mais vraiment comme un plaisir". De la même manière, il faut s'écouter. Par exemple, si l'on a des douleurs dans le dos et que l'on a moins mal en mettant un coussin sous ses fesses, il ne faut pas hésiter à le faire, bien que l'efficacité de la démarche ne soit pas officiellement prouvée. 

"Puis, pourquoi ne pas utiliser le coussin pour mobiliser son dos ?, envisage l'expert. Par exemple, on peut alterner un appui sur la fesse gauche et sur celle de droite, en ressentant bien la différence sur ses ischions. Il est aussi possible de faire des mouvements de roulement du bassin d'avant en arrière : on parle d'antéversion et de rétroversion".

Changer régulièrement de position 

En parallèle, travailler sur une chaise ergonomique permet d'éviter le mal de dos. Néanmoins, tout le monde n'a pas la chance d'en avoir une. "Il faut trouver des petites adaptations", suggère Thomas Dupas. Outre l'idée du coussin, il propose de varier de position, en reculant au maximum son ordinateur de sa chaise, tout en ayant les avant-bras posés sur la table. Objectif : fléchir les hanches. "On peut adopter cette position pendant 15 à 20 minutes, avant de rapprocher son écran de soi et d'allonger un petit peu les jambes", reprend le kinésithérapeute. Ce réflexe soulage notamment le bas du dos.

Aussi, il n'existe pas de mauvaise position à proprement parler. Si l'on ne dispose pas de bureau chez soi, travailler depuis son canapé, la table de sa cuisine, ou encore son lit, ne fait pas de réelle différence. Ce qui pose problème, c'est de rester dans la même position, plusieurs heures par jour, toute la semaine. "La clé, c'est d'en changer régulièrement", martèle Thomas Dupas. Il préconise d'alterner entre son lit et son canapé, par exemple, toutes les deux heures.

Placer l'écran à hauteur du regard

Enfin, il convient de poser l'écran de son ordinateur à hauteur de son regard, afin d'éviter une flexion de la nuque. "Maintenue longtemps dans la journée, elle peut entraîner un inconfort au niveau des muscles de la nuque et des épaules, des trapèzes", indique Romain Brial. Par ailleurs, il est recommandé de se tenir à la distance d'une longueur de bras de l'écran, et de poser les bras sur la table. "Cela évite qu'ils soient en suspension toute la journée et que l'on ressente des tensions de surmenage dans les trapèzes supérieurs", poursuit le professionnel de santé. Autre astuce : poser ses pieds au sol. "Grossièrement, il s'agit de se tenir plus droit", résume-t-il.

Si votre mal de dos s'est développé avant d'avoir pu mettre ces conseils en pratique, consultez votre médecin généraliste sans plus attendre. S'il le juge nécessaire, il vous réorientera vers un kinésithérapeute. "Quand c'est pris en charge tôt, c'est beaucoup plus facile pour le traitement, et pour la suite", souligne Thomas Dupas. "Plus on attend avec des douleurs quotidiennes, plus elles vont s'installer durablement, devenir chroniques", surenchérit Romain Brial. Quoiqu'il en soit, ne vous limitez pas aux antidouleurs. "Ils vont traiter la conséquence, mais n'auront pas forcément d'impact sur la cause", reprend l'expert.

Ci-dessous, l'émission Questions aux Experts sur le thème "Mal de dos et télétravail"