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Entretien

Chloé Chaudet, 36 ans : "Pourquoi j’ai décidé de ne pas être mère"

Professeure de littérature, Chloé Chaudet, 36 ans, a publié "J’ai décidé de ne pas être mère" (Editions de L'Iconoclaste). Dans cet essai, elle explique son choix et ses conséquences sur sa vie de tous les jours, tout en livrant une réflexion sur la place de la maternité en France. 

Chloé Chaudet, 36 ans : \ © Céline Nieszawer

  • Publié le 09.09.2021 à 10h00
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- Mieux Vivre Santé : Quand avez-vous eu la certitude de ne pas vouloir d’enfants ?

Chloé Chaudet - Comme trois quarts des femmes dans mon cas, mon choix s’est dessiné petit à petit, au fil de mon parcours de vie.

Deux moments ont cependant affirmé mon non désir de maternité. D’abord lorsque j’ai été, à 33 ans, nommée enseigneuse-chercheuse à l’université. Je me suis alors rendu compte que cela allait être très difficile de concilier mon travail avec une vie de famille. J’ai aussi rencontré un homme qui ne voulait, comme moi, pas d’enfant, ce qui m’a confortée dans mon choix.

- Le fait de ne pas avoir d’enfants vous aide-t-il à mieux vivre au quotidien ?

Oui, dans le sens où j’ai l’impression d’être quand même plus libre que ceux qui ont des enfants, surtout en bas-âge. J’apprécie particulièrement de pouvoir improviser, de me reposer quand j’en ai besoin, et de ne pas devoir choisir entre mon métier et ma famille. Je précise ici que ce n’est qu’une impression, comme je ne sais pas ce que cela fait d’avoir des enfants.

- Qu’est-ce qui ne vous attire particulièrement pas dans la maternité ?

Beaucoup de choses, que j’ai listées dans mon livre. C’est important pour moi de préciser qu’il s’agit d’un ensemble de choses, certaines sérieuses et d’autres plus superficielles, et pas seulement un point précis.

Par exemple, je n’aime particulièrement pas l’idée de ne pas pouvoir disposer librement de mon corps pendant la grossesse et de devoir m’inquiéter en permanence pour quelqu’un. L’incertitude quant à l’avenir de nos sociétés pèse aussi dans mon non désir de maternité. Plus légèrement, ne pas pouvoir faire de grasse matinée le week-end est aussi, pour ma part, un frein à la conception.

- A la lecture de votre livre, on comprend que le fait de ne pas avoir d’enfants vous fait subir beaucoup de pressions de la part des autres. Est-ce difficile à vivre au quotidien ?

Ce n’est pas la pire chose qui soit. Simplement, ce sont des petites choses qui, mises bout à bout, sont extrêmement agaçantes et pesantes. Et je n’imagine même pas ce que cela doit être pour les femmes qui ne peuvent tout simplement pas avoir d’enfant.

- Comment cela se manifeste-t-il ?

Cela prend généralement la forme de questions ou de jugements. Lorsque je rencontre de nouvelles personnes, on me pose systématiquement la question de savoir si j’ai des enfants, et, une fois que j’ai dit que je n’en avais pas, ou que je n’en voulais pas, il faut systématiquement que je me justifie. On ne considère jamais que c’est un non sujet. Viennent ensuite les jugements, qui associent régulièrement les femmes sans enfant à des personnes égoïstes, immatures, carriéristes, etc… Je suis finalement sans cesse ramenée à mon anormalité.

Une récente étude polonaise montre que 14% des sondés regrettent d'avoir des enfants. N’avez-vous pas tout de même la sensation que le choix de ne pas avoir d’enfant se banalise au sein de votre génération ?

Oui, tout à fait. J’ai l’impression que c’est un choix de plus en plus assumé et défendu, notamment à cause de l’inquiétude face à l’avenir (que la crise de la covid-19 a, je pense, aggravée), et la vague féministe post Me Too. En 2016, 4,5% des Françaises affirmaient déjà leur non désir d’enfant.

- Votre couple est-il impacté par votre volonté de ne pas avoir d’enfant ?

Oui, positivement. Nous n’avons pas eu cette conversation tout de suite, mais plutôt au bout d’un an de relation. Quand nous nous sommes rendus compte que nous voulions la même chose, cela nous a soudés. C’est une chance, car les études démontrent que lorsqu’elles sont en couple, les femmes hétérosexuelles entre 30 et 35 ans ressentent, en plus de la pression sociale, une culpabilité de ne pas pouvoir/vouloir donner d’enfant à leur compagnon.

- Avez-vous peur de regretter un jour votre choix ?

Lorsque je suis seule et que je m’interroge, le choix de ne pas avoir d’enfant s’impose comme une évidence. En revanche, le doute peut survenir lorsque l’on vient me questionner. Il prend alors une tournure presque existentielle et philosophique : est-ce que je ne vais pas louper une expérience ? Un peu comme lorsque dans la trentaine, on se rend compte que les choix professionnels se cristallisent et qu’on ne pourra pas faire tous les métiers. Ou lorsque l’on est sûre d’avoir trouvé l’homme de sa vie, mais que de temps en temps des interrogations surviennent. Cela me paraît important, pour bien vivre, de laisser la place au doute.

- Pensez-vous pouvoir changer d’avis ?

A moins que l’on me fasse un lavage de cerveau, je ne vois pas comment cela pourrait être possible. Mais on ne sait jamais.

- Recommanderiez-vous votre choix de ne pas avoir d’enfant à d’autres femmes, et si oui pourquoi ?

Je me garderais bien de le faire, car c’est quelque chose qui relève du droit à s’autodéterminer. Ce qui serait bien, c’est que les femmes qui veulent ou qui ont des enfants arrêtent à leur tour de me le recommander. Beaucoup le font, et c’est très intrusif.

- Que pensez-vous de la stérilisation définitive ?

J’aurais voulu le faire, mais c’était un tel parcours du combattant que j’ai laissé tomber. La gynécologue que je consultais à l’époque n’a pas aidé, en supposant dès le début de l’entretien que je voulais des enfants et en me recommandant de me dépêcher de concevoir, avant même que je ne m’exprime sur la question. Lorsque je me suis renseignée sur les démarches à suivre, j’ai aussi pu constater que c’était plus dur d’avoir recours à la stérilisation définitive pour les femmes que pour les hommes.

- Même question concernant "l’horloge biologique" et "l’instinct maternel", que vous dites n’avoir jamais ressentis ?

Je ne dis pas que cela n’existe pas, mais juste que ce ne sont pas des notions généralisables. Il y a des femmes qui ressentent leur "horloge biologique" et "l’instinct maternel", d’autres non. Or, dans nos sociétés, une femme qui ne ressent pas cela est tout de suite perçue comme un monstre. Il y a toujours une résistance à admettre que la figure féminine n’est pas forcément liée à la maternité.

- Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Je n’en pouvais plus qu’on me questionne sans arrêt sur mon non désir d’enfant, et de ne pas arriver à répondre à mes interlocuteurs. Par ailleurs, je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de travaux sur le sujet, mais qu’ils ne sortaient pas forcément des cercles académiques. J’ai donc voulu les vulgariser. Enfin, je précise que l’idée n’est pas de me poser en "madame bons conseils", mais juste de montrer qu’il s’agit d’un choix possible.
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