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QUESTION D'ACTU

Pigments injectés dans la conjonctive

Tatouage de l’œil : la mode qui inquiète les ophtalmos

Un blanc de l'oeil coloré en rouge, vert, bleu, parfois même en noir. Le tatouage de la sclère est une mode émergente. Les ophtalmos s'inquiètent des conséquences sur l'oeil et la vision.

Tatouage de l’œil : la mode qui inquiète les ophtalmos Jason Barnum, surnommé "Eyeball", en procès à Anchorage (Marc Lester/AP/SIPA)




Un globe oculaire totalement noir, assorti à un tatouage de squelette sur le côté droit du visage. Le procès de Jason Barnum, en Alaska (Etats-Unis), a attiré une attention particulière. Ce n’est pas le crime de l’homme qui a fait couler de l’encre, mais son tatouage sur le globe oculaire. La pratique, émergente au Royaume-Uni et dans le monde, est déjà très répandue outre-Atlantique. Les ophtalmologues s’inquiètent de cette nouvelle tendance, qui n’est pas sans conséquence pour les yeux.

 

Une coloration permanente

La technique du tatouage de l’œil a été perfectionnée aux Etats-Unis, par l’artiste tatoueur Luna Cobra, en 2007. « Un vieil ami a photoshoppé une photo de ses yeux pour les rendre bleus, comme dans Dune (saga de science-fiction écrite par Frank Herbert, ndlr) », raconte le tatoueur à la BBC. « Je lui ai dit : "Je pense pouvoir le faire pour de vrai." » Pour tatouer le blanc de l’œil, Luna Cobra injecte le pigment directement dans le globe oculaire pour couvrir la sclère (partie blanche de l’œil). Plusieurs injections sont nécessaires pour recouvrir toute la sclère.

 

Sur le principe, la technique ne pose pas de risque particulier, comme l'explique le Pr Gilles Renard, ophtalmologue contacté par pourquoidocteur : « On pourrait tatouer la conjonctive, un tissu transparent et vascularisé qui entoure la cornée. Cela ne nous poserait pas de problème particulier », estime le directeur de la Société française d'ophtalmologie.« C’est à peine plus compliqué que tatouer la peau pour quelqu’un qui sait se servir de cette technique. Ce n’est pas un tatouage sur la sclère, en tout cas je l’espère car derrière la sclère, il y a la rétine et cela pose un risque majeur. »

 

Source : lunacobra.net

 

« J'ai pleuré de l'encre pendant deux jours »

Le tatouage de l’œil n’est, en principe, pas douloureux. « C’est comme si quelqu’un donnait de petits coups à votre œil, puis vous ressentez une étrange pression ; ensuite, c’est comme si vous aviez un peu de sable dans l’œil, mais ce n’est pas douloureux », explique à la BBC Kylie Garth, artiste tatoueuse à Sydney (Australie).
Cette jeune femme a opté pour un bleu clair. Comme elle, des centaines de personnes ont choisi de se distinguer par d’autres tatouages, à Singapour, Sydney, Londres… A tel point qu’une page Facebook est consacrée à cette pratique, courante au Brésil, dans les gangs mexicains mais aussi chez les chanteurs jamaïcains. Le plus connu, Alkaline, s’est coloré la conjonctive en noir. En France, ce type de tatouage n'a pas encore été signalé par les ophtalmos. « Je n’en ai jamais vu mais cela risquait d’arriver un jour », reconnaît le Pr Renard. Le Syndicat national des artistes tatoueurs (SNAT), contacté par pourquoidocteur, précise lui que « cette pratique n'existe absolument pas dans les salons de tatouage français. » Les prisons américaines, elles, sont très concernées par le phénomène, comme en témoigne l’émission télévisée Lockup.

 

 

D’autres adeptes de l’« Eyeball Tattoo » ont eu moins de chance. Le rappeur polonais Popek, filmé alors qu’il se faisait tatouer l’œil par Luna Cobra, à Londres, a témoigné de fortes brûlures qui l’ont empêché de dormir pendant quelques jours. Un autre artiste jamaïcain, Mace, a perdu la vue. Dans le Daily Mail, le brésilien Rodrigo Fernando dos Santos affirme : « J’ai pleuré de l’encre pendant deux jours. »

 

Un organe à haut risque

Les ophtalmologues s’alarment de cette pratique, qui risque d’endommager les yeux et la vision. « Mon conseil, c’est de ne pas le faire, puisqu’il n’y a pas de bénéfice prouvé et un risque de douleur et de perte de vision », explique à la BBC Jeffrey Walline, de l’Association américaine d’ophtalmologie. L’inquiétude est telle que certains Etats américains envisagent d’interdire le tatouage du globe oculaire. Et pour cause : les artistes tatoueurs sortent de leur domaine de compétence. « Quand on voit les dessins qu’ils sont capables de faire, les tatoueurs ont des mains relativement habiles », souligne le Pr Gilles Renard. « Mais ils ne connaissent pas l’anatomie de l’œil et ils ne sont plus dans leur habitude. Quand vous propulsez un pigment à travers la peau, cela reste de la peau. Là on n’est plus dans la peau. »

 

En fait, le risque de l'« Eyeball Tattoo » est lié à la nature même de la zone tatouée. « Il y a des risques liés au fait que la conjonctive est une muqueuse. C’est comme si vous alliez vous tatouer l’intérieur de la bouche : on injecte à l’intérieur de la peau un pigment qui va y rester sans toucher la structure vasculaire sous jacente », précise Gilles Renard. « Mais là, on introduit le pigment dans une structure vascularisée, avec le risque que le pigment se diffuse là où on ne le souhaite pas. Une réaction inflammatoire ou immunitaire peut se développer, il existe un risque de saignement. Et contrairement à la peau, il y a un organe majeur qui est l'oeil. Si l’engin qui fait le tatouage va un peu trop loin, dans la paroi de l’œil, on est à risque majeur de cécité. »

 

Des tatouages médicaux de l'oeil

Le tatouage de la conjonctive est récent. Mais d’autres formes de tatouage de l’œil sont plus anciennes. C’est le cas du tatouage de la cornée, rapporté pour la première fois par Galien (médecin grec du 2e siècle). Parfois cosmétique, cet acte peut aussi être utilisé pour améliorer la vision dans certaines pathologies de l’œil, comme l’albinisme, l’absence d’iris (aniridie), ou encore l’iridodialyse (décollement de la majeure partie de la circonférence de l’iris).

« Lorsque la cornée est victime d’un traumatisme, ou d’une brûlure, elle cicatrise et fait une tâche blanche, que les gens trouvent inesthétique. Donc on tatoue avec un pigment pour cacher cette tâche. On fait cela au bloc opératoire avec des produits stériles et dans des conditions chirurgicales », insiste le Pr Gilles Renard.

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