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Procréation

Les lacunes de la loi sur le don de sperme

Un donneur de sperme atteint d'une maladie héréditaire dans l'incapacité de prévenir ses enfants biologiques, un autre pourrait avoir essaimé à de multiples reprises dans les CECOS, le don de sperme présente des failles.

Les lacunes de la loi sur le don de sperme DURAND FLORENCE/SIPA




Michel a appris sa maladie à la quarantaine : une myasthénie congénitale. Cette maladie génétique rare affecte progressivement la transmission neuromusculaire et donc le déroulement des mouvements. Pour leur éviter les longs mois d’inquiétude avant que le diagnostic soit porté, Michel a voulu prévenir les enfants conçus grâce aux deux dons de sperme qu’il avait effectué plus jeune. Impossible. Le système français garantit l’anonymat absolu entre le donneur et le couple receveur. Les deux Centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme, les CECOS, ont suspendu l’utilisation de ses gamètes et pris note de l’information dans son dossier mais ils ne la transmettront que si les enfants conçus à partir de ses dons en ont besoin « en cas de nécessité thérapeutique », c’est la loi.
« On impose aux personnes issues d'un don d’attendre d’être malade pour avoir accès à leurs antécédents médicaux, ce qui est aberrant, s’emporte Audrey Gauvin, présidente de l’Association PMA pour Procréation médicalement anonyme. Et on ne veut même pas leur dire combien d’enfants sont issus du même donneur, même lorsqu’il est malade », .

A priori, Michel n’a pas aidé à la naissance de 533 enfants comme David Wozniack, le héros de Starbuck, une comédie canadienne actuellement sur les écrans. Il a donné son sperme dans deux CECOS après 1973, date à laquelle ces derniers ont élaboré une charte fixant à 5 le nombre maximum d’enfants issus d’un même donneur. Ce chiffre a ensuite été consacré dans la loi de Bioéthique en 1994. 

Dr Françoise Merlet, responsable de l’aide médicale à la procréation à l’Agence de la Biomédecine : « Depuis 2004, le nombre maximum de naissances a été porté à 10. »

  

Personne ne peut vraiment garantir que ces règles ont été appliquées hors des CECOS, dans les banques de sperme privées qui existaient dans les années 70 ni même dans les CECOS avant 2010. « Ce n’est que depuis novembre 2010 que les CECOS se sont organisés pour vérifier qu’un donneur qui se présente chez eux n’a pas déjà donné ailleurs. Donc ce nombre limite de 10 enfants, c’est une fiction ! », dénonce Audrey Gauvin.


Un entretien psychologique pour détecter les donneurs pathologiques
Le Dr Jean-Marie Kunstmann dirige le CECOS de l’hôpital Cochin à Paris. Selon lui, le profil du serial donneur, essaimant sa descendance dans toutes les régions de France a peu de chance de passer à travers les mailles du filet. Ils sont environ 400 donneurs par an et sont désormais reçus en entretien par un médecin puis un psychologue pour évaluer leurs motivations et par un généticien pour évaluer leurs facteurs de risque familiaux. Mais surtout, la philosophie même du système français limite les dérives. Le don n’est absolument pas rémunéré et il n’est possible que pour un homme déjà père, ayant l’accord de sa compagne si il y a lieu.


Dr Jean-Marie Kunstmann, responsable du Centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme de l’hôpital Cochin à Paris : « En France, à la différence des Etats-Unis, il n’est pas question d’argent, ce n’est pas du business »



Du côté de l’Association PMA, ces arguments ne passent pas ou en tout cas pas pour la génération d’enfants issus de dons dans les années 70. Si le film québécois met en scène des retrouvailles fraternelles aux airs de gigantesque colonie de vacances, Audrey Gauvin s’inquiète davantage de problèmes de consanguinité. L’association réclame donc dans un premier temps un accès à des données qui ne permettraient pas l’identification du donneur comme ses antécédents médicaux et le nombre d’enfants issus de son ou de ses dons.

Audrey Gauvin, présidente de l’association Procréation médicalement anonyme : « Le risque n’est pas le même si on a 12 frères et sœurs dans la nature que si on en a 600. »



« Nous ne voulons pas forcer ces donneurs à révéler leur identité. Nous aimerions simplement que la question de l’anonymat leur soit posée maintenant que nous sommes tous adultes », explique Audrey Gauvin. Pour le moment, le législateur reste intraitable sur la question de l’anonymat des donneurs, la révision de la loi de bioéthique en 2011 l’a réaffirmé. Mais Jean-Marie Kunstmann voit une autre piste pour éviter aux enfants du don de gamètes une douloureuse quête du géniteur. « Dans les années 70, on était dans le secret. Personne ne devait savoir que l’enfant avait été conçu par don de sperme. Le découvrir à 16 ans, 20 ans ou à l’âge où l’on veut soi-même devenir parent est terriblement douloureux ». Aujourd’hui, on conseille aux parents d’expliquer à leur enfant sa conception particulière dès son plus jeune âge « pour qu’il se construise peu à peu avec cette idée… sans en souffrir et sans avoir le sentiment d'avoir été manipulé », explique le Dr Kunstmann. « C'est faux, insiste Audrey Gauvin. Les médecins font semblant de ne pas comprendre. Quelque soit l'âge de la révélation du mode de conception, le problème est dans l'absence totale d'information. »

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