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QUESTION D'ACTU

La Santé en Questions

«J’attends de la HAS qu’elle prenne conscience de la vraie vie dans la médecine ambulatoire»

A la suite de l'interview du président de la Haute Autorité de Santé, le Pr Lionel Collet, dans l'émission "La Santé en Questions", on vous livre les réactions du Dr Luc Duquesnel, président du syndicat "Les Généralistes CSMF" sur l'apport de cette structure dans le fonctionnement de la médecine de ville.

\ iStock/PeopleImages




- Pourquoi Docteur : Que représente pour un médecin généraliste en ville la Haute Autorité de Santé, un guide pour la pratique quotidienne, une tutelle ?

Dr Luc Duquesnel : C’est une référence, une tutelle. Dire qu’elle me guide au quotidien dans mon exercice, non. Mais je pense que cela ne remet pas en cause la valeur de ce qu’elle produit même si parfois il y a des données qui datent et qui nécessiteraient d’être remises à jour. Je crois que la grosse problématique de la HAS aujourd’hui, c’est comment communiquer de façon efficace avec les médecins de terrain et donc les médecins traitants. A une époque elle nous envoyait des fiches mais je crois que le constat a été fait par la HAS elle-même que bon nombre de ces fiches n’étaient pas consultées parce que trop longues.

"La HAS a énormément de mal à communiquer sur ce qu'elle produit à destination des médecins"

Aujourd’hui, lorsque cela m’arrive de travailler sur les recommandations HAS, c’est au travers de groupes qualité que l’on a mis en place dans cinq régions françaises, ce que l’on appelle les groupes qualité médecins qui se réunissent une fois par mois sur des thématiques définies. Dans ce cas-là, dans le dossier documentaire, il y a les recommandations de la HAS. Mais celle-ci a énormément de mal à communiquer sur ce qu’elle produit à destination des médecins.

- A quoi tient ce problème de communication, pourquoi il vous est difficile de vous approprier ces recommandations ?

Parce que cela nécessite du temps, que ce n’est pas assez synthétique et ce temps-là on en manque de plus en plus puisque nous sommes de moins en moins nombreux avec de plus en plus de patients à prendre en charge !

- Lorsque vous avez le temps de prendre connaissance de ces recommandations, est-ce qu’elles vous semblent, ou non, en accord avec vos pratiques quotidiennes de médecin généraliste ?

Elles peuvent être en décalage avec des pratiques comme on le voit dans le cadre de la négociation conventionnelle que nous sommes en train de mener aujourd’hui. On s’aperçoit que finalement il y a des pratiques des médecins qui, au regard des préconisations de la HAS, ne sont ni pertinentes, ni de qualité et qui ont un coût. Mais après avoir fait ce constat-là, comment fait-on pour changer les habitudes ? Cela fait des années que cela existe mais la HAS n’a toujours pas trouvé la clé.

- Parmi les intentions de la Haute Autorité de Santé, il y a celle de servir de guide sur la qualité du parcours de soins. Place-t-elle sur ce point la médecine de ville à sa juste place ?

La HAS n’est qu’un des éléments et puis la médecine de ville est d’une grande variété et d’une grande hétérogénéité. Aujourd’hui vous avez par exemple 30% des généralistes qui exercent seuls, qui ne sont pas en exercice coordonné, et vous en avez 20% qui sont en exercice coordonné pluriprofessionnel.

"Les recommandations de la HAS devraient être différentes en fonction des cas de figure"

On sait qu’aujourd’hui, avec une population qui vieillit, avec de plus en plus de patients polypathologiques, que la prise en charge de ces patients-là doit être non seulement pluriprofessionnelle mais aussi en lien avec l’hôpital et le secteur médico-social. Donc automatiquement, les recommandations de la HAS devraient presque être différentes en fonction des cas de figure et de l’organisation de l’ambulatoire.

- Sur le sujet de la vaccination contre la grippe, comment jugez-vous les recommandations et, de fait, la répartition des rôles préconisée par la HAS entre les différentes professions de santé ?

Pour moi ce n’est pas le sujet de savoir qui pique ! J’ai même plutôt tendance à penser que c’est le travail de l’infirmière. Après, ce dont je m’aperçois, c’est que ces recommandations ont abouti à un taux de vaccination qui n’arrête pas de diminuer ! Donc si on devait évaluer ces recommandations, ce serait un carton rouge ! Aujourd’hui, concernant la vaccination pour la grippe, interdire aux médecins traitants d’avoir un frigo avec des vaccins dedans alors que l’on vient de passer deux ans avec des vaccins Covid est absurde.

"Il y a des gens qui vaccinent et qui ne sont pas dans notre logiciel métier"

Les médecins généralistes se sont désintéressés de cette vaccination contre la grippe parce qu’il y a des gens qui vaccinent et qui ne sont pas dans notre logiciel métier, on n’est pas informé de ce qui se passe. Si j’avais la possibilité de vacciner tous les patients qui viennent dans mon cabinet - et l’on sait qu’aujourd’hui le professionnel de santé dans lequel les patients ont le plus confiance est le médecin généraliste -, je leur dirais "ce vaccin je vous le fais"'. Alors que là, on va leur conseiller de faire appel à quelqu’un d’autre et les patients qui ont d’autres préoccupations ne pensent pas forcément à se faire vacciner. Si demain on nous autorise à vacciner dans notre cabinet, vous allez voir que les taux de vaccination vont augmenter pour la grippe !

La problématique n’est pas de savoir qui on autorise à vacciner, c’est la traçabilité du vaccin pour le médecin traitant qui reste le pivot du parcours de santé. Aujourd’hui, pour la vaccination HPV chez les jeunes, par exemple, je n’ai même pas cette trace dans le dossier métier.

- Vous évoquez les logiciels métier. Ils sont certifiés par la Haute Autorité de Santé. Répondent-ils pour autant vraiment à vos besoins ?

Il faudrait les rendre plus simples, plus intuitifs, plus ergonomiques ! Il faut par exemple que les recommandations s’implémentent dans nos logiciels métier mais sans nous faire doubler le temps de consultation ! Aujourd’hui, lorsque l’on a par exemple un bilan d'une anémie à faire, en théorie c’est relativement simple, avec au moins un premier bilan sanguin.

"Des examens non pertinents, cela coûte cher"

Mais je n’ai aujourd’hui dans mon logiciel métier qu’un bilan sanguin standard dans lequel j’ai des données comme les marqueurs de la prostate qui ne me servent à rien quand c’est une femme ! Avec un bilan standard permettant de repérer une anémie, on serait plus pertinents et cela génèrerait des économies ! Lorsque des examens demandés ne sont pas pertinents, ce n’est pas forcément une perte de chance pour le patient mais cela coûte cher …

- La HAS intègre aujourd'hui les usagers dans son évaluation des pratiques médicales. Qu’en pensez-vous ?

C’est essentiel ! L’usager est un des acteurs prépondérants de notre système de santé. Poussé à l’extrême, c’est le patient-expert que l’on voit sur les pathologies chroniques et dans lesquelles il joue un rôle majeur.

- Y a-t-il quelque chose que vous, généraliste en ville, attendez de cette Haute Autorité de Santé pour faciliter ou améliorer les conditions de votre exercice et qu’elle ne propose pas ?

Parmi les conseils que je pourrais donner à la HAS, c’est, pour certaines recommandations comme pour le risque cardiovasculaire, d’essayer de les mettre à jour. Et puis il n’y a pas que les recommandations de la HAS, il y a d’autres recommandations qui parfois sont un peu en porte-à-faux. Et au-delà de ces recommandations, j’attends de la HAS qu’elle prenne conscience de ce qu’est la vraie vie dans la médecine ambulatoire : c’est quoi, par exemple, les organisations qui se mettent en place sur le territoire et qui évoluent ? On n’a pas vraiment l’impression que la HAS prenne cela en compte.

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