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QUESTION D'ACTU

L’interview du week-end

HPV : « Les gens qui s’infectent n’ont pas une sexualité particulièrement débridée »

Alors qu’une nouvelle campagne de vaccination est lancée, le docteur Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue Contre le Cancer, fait le point sur le HPV (ou "papillomavirus").

HPV : « Les gens qui s’infectent n’ont pas une sexualité particulièrement débridée » LightFieldStudios / Istock.




Pourquoi docteur - Qu’est-ce que le HPV (ou "papillomavirus") ?

Emmanuel Ricard - Le HPV est un virus qui contamine les Hommes et qui peut prendre différentes formes (200 sous-types plus ou moins dangereux pour la santé sont aujourd’hui répertoriés).

Comment se transmet-il ?

On insiste généralement beaucoup sur le fait que le HPV est une infection sexuellement transmissible. C’est vrai, mais pas que. En effet, le papillomavirus se transmet aussi par la peau, donc potentiellement via les rapports sexuels sans pénétration, les préliminaires, les baisers, les sex-toys, les brosses à dents, les habits, les serviettes ou les gants de toilette, etc.

La transmission du papillomavirus peut ainsi être intra-familiale et se faire de garçon à garçon, de fille à fille, de fille à garçon et de garçon à fille.

Les Français ont 80 % de chances de rencontrer le HPV au cours de leur vie

Le préservatif permet-il de se protéger du papillomavirus ?

Le préservatif réduit le risque de transmission mais ne le supprime pas (les produits féminins étant sur ce plan-là plus efficaces que les masculins).

Quelle est l’incidence du HPV en France ?

On estime que les Français ont 80 % de chances de rencontrer le HPV au cours de leur vie.

Un nouvel article paru récemment dans "The Lancet Global Health" a également établi que 21 % des hommes de plus de 15 ans sont porteurs d’un type de HPV.

Chez les femmes, la fréquence du portage des HPV oncogènes est de 14,32 % et diminue avec l’âge (19,4 % entre 25 et 29 ans et 8 % après 60 ans).

C’est un virus très présent, très contagieux et qui circule beaucoup.

Touche-t-il autant les femmes que les hommes ?

Oui, les deux sexes sont autant à risque l’un que l’autre. Pourtant, la vaccination, d’abord réservée aux femmes puis aux hommes homosexuels, n’est effective chez l’ensemble des garçons français que depuis 2021.

J’en profite pour insister sur le fait que les gens qui s’infectent n’ont pas une sexualité spécifique ou particulièrement débridée, contrairement à ce que véhiculent encore de nombreux clichés.

Les conséquences du papillomavirus sur la santé

Quels peuvent être les symptômes d’une infection au HPV ?

Le HPV est la majorité du temps complètement asymptomatique, ce qui fait que les gens sont porteurs et transmetteurs du virus sans le savoir. Seule l’apparition de verrues ano-génitales peut signaler la présence d’une infection (soit 100.000 cas par an, répartis de manière égale chez les garçons et les filles). 

Justement, quelles peuvent être les autres conséquences du papillomavirus sur la santé ?  

Dans 90 % des cas, les personnes infectées par le HPV se débarrassent toutes seules du virus.

Mais dans 10 % des cas, l’organisme conserve le papillomavirus et développe sur plusieurs années des lésions pré-cancéreuses et cancéreuses.

Ainsi, en France, 6.400 cancers annuels sont attribuables aux HPV. Cela représente près de 2 % des cancers incidents (3.000 d’entre eux concernent le cancer du col de l’utérus, 1.500 concernent la sphère ORL et 1.500 concernent les cancers de l’anus, le reste se répartissant entre les cancers de la vulve, du vagin et du pénis).

HPV : une nouvelle campagne de vaccination

Le gouvernement a lancé une nouvelle campagne de vaccination contre le HPV. Pourquoi ?

D’abord parce que la vaccination est efficace contre le HPV, comme cela a été démontré en Australie, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni. Là-bas, 15 ans après la mise en place de campagnes de vaccination, le taux d’infections a diminué, tout comme le nombre de lésions pré-cancéreuses et le nombre de cancers liés au papillomavirus.

Ensuite, parce que le taux de vaccination contre le HPV est encore faible en France. Environ 45 % des jeunes filles ont aujourd’hui été vaccinées et seulement 8 % des jeunes garçons.

En quoi consiste-t-elle concrètement ?

Elle ne concerne que les classes de 5ème et est remboursée à 100 %. La vaccination se fait avec l’autorisation des deux parents et via des médecins qui se déplacent dans les collèges. Deux doses sont injectées aux adolescents à six mois d'intervalle.

Est-ce selon vous une bonne initiative ?

Oui, car c’est la plus efficace.

Comment les jeunes peuvent-ils se faire vacciner s’ils ne bénéficient pas de cette campagne ?

Certains plannings familiaux et plusieurs centres de prise en charge des MST vaccinent aussi gratuitement contre le HPV, tout comme quelques centres municipaux mis à disposition par plusieurs villes (Angers, Lyon ou Saint-Étienne par exemple).

On peut aussi se faire vacciner plus tard* par un médecin généraliste, un infirmier, un pharmacien, une sage-femme ou un gynécologue, mais dans ces cas-là, la démarche n’est remboursée par la Sécurité Sociale qu’à 65 %.

Comment lutter contre le HPV ? 

Y aurait-il d’autres choses à mettre en place en France pour lutter contre le HPV ?

Il est à mon sens important de convaincre les parents que c’est une vaccination efficace et sécuritaire, avec les effets secondaires classiques et minimes d’une réaction immunitaire (douleur au point d’injection, léger inconfort global...). Je précise qu’il n’y notamment aucun lien causal entre les produits injectés et la sclérose en plaques, comme on a pu le craindre à une époque.

Il faudrait aussi peut-être à terme renégocier à la baisse le prix du vaccin, qui est aujourd’hui assez élevé (116,83 euros).

Le fait de rendre ce vaccin obligatoire pourrait également s’envisager si on n’arrive pas à atteindre un taux de couverture satisfaisant (soit 80 % de la population, NDLR).

Enfin, je milite pour que les jeunes qui sont trop âgés pour bénéficier de la nouvelle campagne de vaccination soient pris en charge en libéral. 

Un dernier mot sur le dépistage ?

En France, on dépiste uniquement le cancer du col de l’utérus. Il n’y a pas de démarche similaire pour les autres cancers dus au HPV, ni pour savoir si on est porteur du papillomavirus.

*Pour ceux qui n'auraient pas été vaccinés à 14 ans, un rattrapage de la vaccination est recommandé entre 15 et 19 ans inclus (26 pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes). Trois doses sont alors nécessaires.

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