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QUESTION D'ACTU

Semaine d'action 2022

Fibrillation atriale : vers une prise en charge ambulatoire de l’ablation ?

À l’occasion de la Semaine de la fibrillation atriale 2022, nous avons interviewé le Dr Guillaume Duthoit, cardiologue et rythmologue, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, sur la question de la réalisation en ambulatoire d’une ablation de la fibrillation atriale.

Fibrillation atriale : vers une prise en charge ambulatoire de l’ablation ? Chris Ryan/Istock




L'ESSENTIEL
  • En France, on estime que la fibrillation atriale touche quatre personnes sur 1.000, soit environ 250.000 individus.
  • Ce trouble doit être rapidement pris en charge car il peut entraîner de nombreuses complications dont l'accident vasculaire cérébral (AVC).
  • La prise d'anticoagulants et l'ablation atriale font partie des prises en charge possibles. Cette seconde technique consiste à aller détruire ou isoler des zones de tissu à l'origine de l'arythmie.

Après avoir étudié la question de l’ablation dans le cadre de la fibrillation atriale avec le Pr Pierre Jaïs, cardiologue et rythmologue au CHU de Bordeaux, place à sa prise en charge en ambulatoire avec le Dr Guillaume Duthoit, cardiologue et rythmologue, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

L’électroportation est une “une petite révolution en rythmologie”

L'ablation est une technique de traitement de la fibrillation atriale qui a maintenant une vingtaine d'années : quelles sont pour vous les améliorations les plus intéressantes de cette technique ?

Dans l’ablation, il y a eu plusieurs améliorations, tel l'apport de la cartographie en 3D couplé avec les cathéters de radiofréquences. Sur ces dix dernières années, on a eu aussi plusieurs technologies qui ont émergé en parallèle, mais toujours avec la 3D, comme des capteurs diagnostiques multiélectrodes qui permettent d'avoir des cartes beaucoup plus denses pour une anatomie plus précise des veines pulmonaires, mais aussi pour cartographier des flutters ou des maladies atriales complexes qui seraient, soit spontanées, soit séquellaires d'une ablation ou de chirurgies précédentes.
Dans le domaine de la radiofréquence, il y a eu également l'apport de cathéters de contact qui permettent d’obtenir de meilleures lésions, plus rapidement et avec plus de sécurité puisqu'on a un retour sur la force de contact exercée sur le tissu. Ces innovations dans la radiofréquence permettent de traiter toutes les formes de tachycardie atriale, la fibrillation atriale, les flutters gauches, mais également les ESV (extrasystoles ventriculaires, ndlr) et les tachycardies ventriculaires.
Mais depuis, d’autres entreprises ont développé des capteurs complètement dédiés à la fibrillation atriale et utilisant un ballon de cryothérapie : du protoxyde d'azote crée des glaçons et va isoler spécifiquement l'ostium de chacune des 4 veines pulmonaires. Il y a eu différentes générations de ballons. Les premières générations étaient un peu fastidieuses à utiliser et il fallait faire deux ponctions transeptales mais aujourd'hui, on a vraiment une technologie de cryoablation qui est très mature.

“L’électroporation permet de traiter des patients très rapidement, y compris les FA persistantes”

D'autres techniques ont été développées après la cryoablation, qui n’ont pas vraiment pris, notamment la radiofréquence multiélectrodes qui a suscité un engouement mais il y avait des réserves sur des complications thromboemboliques notamment.
Mais tout récemment, et c'est ça qui est vraiment une petite révolution en rythmologie et en cardiologie, c'est l'électroporation qui émerge depuis un an. On a la chance de la tester depuis le mois de février à la Pitié, avec plus de 1.000 malades traités, et l’électroporation permet de traiter des patients très rapidement, y compris les FA persistantes, avec très peu de remplissage de fluides. Et c'est ce qui va raccourcir la durée moyenne de séjour en raison de la limitation des complications car c’est une technologie qui est spécifique du tissu musculaire cardiaque. En fait, l’électroporation utilise un champ électrique et ce n’est plus une énergie thermique, comme le froid de la cryoablation ou le chaud de la radiofréquence. Ce sont des petits chocs de 2.000 volts qui sont délivrés par de très courtes impulsions et qui vont rendre la cellule myocardique poreuse et entraîner une apoptose de ces cellules. Et on a, de plus, développé une longueur d'onde spécifique au tissu musculaire cardiaque qui va permettre de préserver l'œsophage en arrière, sans risque de perforation, la complication que l'on redoute avec la radiofréquence, et qui va éviter les sténoses de veines pulmonaires et éviter aussi de léser le nerf phrénique droit. Donc on attend beaucoup de cette technique et on n’est pas déçu pour le moment. On a aussi l'impression que c'est quelque chose qui va permettre le traitement de la FA persistante qui reste un challenge aujourd'hui en 2022.

Cryoablation, électroporation : une ablation en ambulatoire envisageable

Durée de l’opération, temps d’hospitalisation… Dans quelles conditions peut-on envisager de réaliser une ablation en ambulatoire ?

Depuis ces dernières années, on raccourcit de plus en plus la durée de séjour après une ablation par radiofréquence. Le patient va donc rester en hospitalisation conventionnelle seulement deux nuits, c'est-à-dire de la veille de l'intervention jusqu'au lendemain de l'intervention alors qu’il y a 10-15 ans, les patients restaient trois à quatre nuits.
Mais l’anesthésie générale n'est pas du tout contraire à l’ambulatoire. Le patient est surveillé en salle de réveil puis redescend dans l'unité ambulatoire. Alors bien sûr, il faut qu'il y ait un éloignement géographique qui soit raisonnable 20-30 kilomètres dans les grandes agglomérations et aussi le problème des transports. Il faut pouvoir venir tôt le matin à 7 h et repartir le soir accompagné. Ou alors, si c'est un patient qui habite loin qui puisse passer une nuit à l'hôtel pas très loin de l'hôpital où il a été traité. Pour les techniques avec un cathéter « one shot », la cryoablation ou l'électroporation, on va donc pouvoir envisager de faire ça en ambulatoire. La radiofréquence peut être aussi compatible avec l'ambulatoire mais on a quand même un peu plus de risque et donc on est un petit peu moins enclin à prendre des patients en ambulatoire pour la radiofréquence.
L’ablation en ambulatoire va nécessiter une unité dédiée, avec des infirmières formées à la rythmologie et au cathétérisme en général, puisqu'il va y avoir beaucoup de patients et une surveillance particulière. On aura d’abord un contrôle du péricarde en fin d'intervention au bloc opératoire et juste avant la sortie, et le patient va garder un pansement compressif quatre heures sur l’orifice de cathétérisme, à l’ains. Et comme les cathéters sont assez gros, on va faire un point de suture au pli de l'aine.
S'il n’y a pas d’épanchement péricardique, si le patient va bien, alors il se lève et peut sortir le soir même à condition d'être accompagné : c’est le critère pour l’ambulatoire. À part le vendredi où il y a le week-end, le patient sort et on lui demande de revenir le lendemain pour un soin de pansement. On regarde le point de ponction et on enlève le point, on vérifie que le patient va bien, qu'il a bien repris ses anticoagulants immédiatement.

Fibrillation atriale : plus on la traite tôt, “mieux ça marche”

Comment se passe une ablation classique par radiofréquence ?

Une ablation classique de la FA va nécessiter différentes étapes : une consultation de rythmologie bien sûr qui est aussi destinée à prévenir le patient des risques de récidives et des risques de complications. Par exemple, la tamponnade (du liquide ou du sang s’accumule entre les deux feuillets péricardiques, ce qui comprime ensuite le cœur, ndlr), mais qui n’est plus très fréquente. Ensuite, on a une consultation d’anesthésie car l’ablation par radiofréquence se fait sous anesthésie générale dans la grande majorité des cas. Et puis dans la plupart des centres, on demande un scanner cardiaque pour apprécier l'anatomie des veines pulmonaires, l'anatomie de l'oreillette gauche, sa dilatation. Ça permet aussi d'avoir des renseignements sur le statut coronaire et on peut même demander une fraction d'éjection avec un scanner. Donc c'est un examen qui est très central avant l’ablation.

Quelle est votre conclusion générale ou votre message pour les confrères généralistes ou cardiologues ?

Les indications de l’ablation dans la FA se sont clairement étendues ces dernières années et plus on traite la FA tôt dans l'histoire de la maladie, mieux ça marche. Les techniques de cryoablation, d'électroporation vont dans le sens de traiter assez facilement les patients avec peu de risques et l'ambulatoire permet aussi aux patients de comprendre que ces risques sont maintenant maîtrisés. La ponction transeptale est devenue vraiment quotidienne et une anesthésie générale, c'est quelque chose qui est courant aussi… Donc il n’y a plus vraiment de freins à traiter les patients qui auraient une FA symptomatique, éventuellement résistante au traitement anti-arythmique.

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