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QUESTION D'ACTU

Semaine d'action 2022

Fibrillation atriale : jusqu’à quel âge peut-on faire une ablation ?

Jusqu’à quel âge peut-on faire une ablation dans le cadre du traitement de la fibrillation atriale ? C’est une question que nous avons posée au Pr Pierre Jaïs, cardiologue et rythmologue au CHU de Bordeaux, à l’occasion de la semaine de la fibrillation atriale 2022.

Fibrillation atriale : jusqu’à quel âge peut-on faire une ablation ? magicmine/Istock




L'ESSENTIEL
  • En France, on estime que la fibrillation atriale touche quatre personnes sur 1.000, soit environ 250.000 individus.
  • Ce trouble doit être rapidement pris en charge car il peut entraîner de nombreuses complications dont l'accident vasculaire cérébral (AVC).
  • La prise d'anticoagulants et l'ablation atriale font partie des prises en charge possibles. Cette seconde technique consiste à aller détruire ou isoler des zones de tissu à l'origine de l'arythmie.

Après avoir analysé le rapport bénéfice-risque du traitement anticoagulant chez les patients souffrant de fibrillation atriale avec le Dr Xavier Waintraub ce lundi, place à la question de l’ablation avec le Pr Pierre Jaïs, cardiologue et rythmologue au CHU de Bordeaux, et directeur de l’Institut de rythmologie et modélisation cardiaque.

Une "sous-utilisation" de l'ablation avec seulement 3 % des patients traités

Dans la fibrillation atriale, on a maintenant une technique qui s'appelle l'ablation, et qui est dans l'âge de la maturité. À l'heure actuelle, que peut-on en espérer ?

L'ablation existe depuis longtemps dans la forme que l'on connaît, c'est-à-dire essentiellement l'isolation des veines pulmonaires. C'est quelque chose que nous pratiquons depuis le début des années 2000, voire un peu avant, et qui fait maintenant partie des recommandations internationales. La meilleure indication, ce sont les patients qui sont symptomatiques et pour lesquels au moins un anti-arythmique a échoué, ce qui finalement fait pas mal de monde.
Il faut bien sûr tenir compte de l'état physiologique des patients, mais on n'est pas du tout dans un excès d'ablation, on est tout au contraire dans une sous-utilisation de cette technique, sans doute par manque d'accès aux interventions qui restent quand même un peu complexes. On traite actuellement à peu près 3 % des patients qui ont de la fibrillation atriale, ce qui est très certainement une sous-utilisation majeure, alors même qu'on sait que cela fonctionne mieux que les médicaments anti-arythmiques… Donc on a beaucoup de progrès à faire à ce niveau-là.

Avec la technique traditionnelle de l'ablation, quelles sont les “bonnes indications” actuelles ? Et en particulier jusqu'à quel âge peut-on pratiquer cette technique ?

La question de l'âge, c'est toujours une question pertinente quand il s'agit d'une intervention, parce que l’ablation est une forme d'agression. Cela dit, on a montré que ce n'était pas, en termes de comparaison avec les anti-arythmiques, quelque chose de plus dangereux ou qui donnait plus d'effets secondaires. Ceux-ci peuvent être graves, même si la Cordarone® peut aussi donner des effets secondaires graves. Donc, en moyenne, les gens ont entre 50 et 60 ans quand ils ont une ablation, mais les extrêmes sont très larges. Le patient le plus jeune pour lequel je suis intervenu avait 16 ans : c'est quelqu'un qui fait du cyclisme et qui était très gêné par cette fibrillation. Le plus âgé devait, lui, avoir 86 ans. Bien sûr, je ne dis pas qu'il faut intervenir chez tous les octogénaires, cela dépend de leur état physiologique, mais il ne faut pas hésiter à le faire quand ils sont par ailleurs en bonne forme et gênés par l'arythmie.

"Il faut avoir une espérance de vie qui dépasse un an pour que ce soit justifié"

Il y a notamment dans les indications quelque chose qui ne vient pas forcément immédiatement à l'esprit. Ce sont les patients qui ont des syndromes « Brady-Tachy », avec une maladie du sinus, qui peuvent vraiment beaucoup bénéficier de l'intervention. C'est-à-dire que parfois, ce qui les gêne le plus, ce sont les pauses à la réduction des accès de fibrillation. Et comme les anti-arythmiques aggravent ce phénomène, le fait de pouvoir supprimer à la fois la fibrillation et les traitements leur permet assez souvent d'éviter la pose d'un pacemaker. Donc, on n'a pas de limite d'âge en tant que tel, mais il est évident, et c'est d'ailleurs dans les recommandations, qu'il faut avoir une espérance de vie qui dépasse un an pour que ce soit justifié.

Électroporation : une "révolution" qui réduit les risques d'effets secondaires

On voit désormais apparaître de nouvelles techniques d'ablation qui seraient un peu moins agressives, avec moins d'effets secondaires. Est-ce que ceci risque de modifier les indications de l’ablation ?

Effectivement, on a vécu pendant 30 ans avec la radiofréquence, pendant 15 ans avec la cryothérapie qui était d'ailleurs en compétition avec la radiofréquence, sans qu'aucun des essais randomisés n'ait démontré la supériorité de l'une sur l'autre. Et depuis quelques années, on a une révolution qui s'appelle l'électroporation ou “ablation par champ pulsé”. C'est une révolution parce qu'on a effectivement des risques d'effets secondaires qui sont bien moindres.
Il y a aussi un aspect fascinant avec cette énergie qui s'appelle la « spécificité tissulaire ». Cela veut dire que quand le champ électrique qui est destiné à tuer les cellules cardiaques que l'on veut éliminer parce qu'elles sont responsables de l'arythmie, est appliqué d'une manière assez large, s'il inclut par exemple le nerf phrénique ou des cellules œsophagiennes, on ne va pas pour autant créer de dégâts permanents sur le nerf phrénique. Donc on n’a pas de paralysie phrénique à long terme, et cela a l'air complètement inoffensif sur l'œsophage. Or, l'une des complications qui nous fait le plus peur avec l’ablation par radiofréquence, c’est justement la fistule atrio-œsophagienne qui s'accompagne de 60 à 80 % de mortalité. Et quand les patients ne décèdent pas, ils ont des séquelles qui sont parfois lourdes et conséquentes. Donc, l’électroporation et sa spécificité d’organe, c'est vraiment une grande avancée sur le plan de la sécurité du geste, même si encore une fois, cela concerne peu de patients. Et dans le même temps, il semble qu'on ait moins de lésions induites sur les veines pulmonaires qui soient plus durables que ce que l'on connaissait avec la radiofréquence et la cryothérapie. Donc c'est vraiment très intéressant. Cerise sur le gâteau, c'est plus simple à utiliser et ça va plus vite ! C'est quelque chose d'important quand on veut changer d'échelle et traiter plus de patients.

"Ce trouble n'est pas la mort subite, c'est un travail de sape sur l'organisme et le cerveau"

Pour conclure, quel est votre message pour les confrères et les malades ?

L'ablation est une bonne solution pour la fibrillation symptomatique qui résiste à au moins un anti-arythmique. Finalement, presque quel que soit l'âge, si l'indication est forte, on va pouvoir réaliser le geste. Donc ça c'est important.
Par ailleurs, je pense qu’actuellement on n'a pas encore assez recours aux ablations. Et enfin, mon troisième message est de dire que quand on a des formes persistantes de fibrillation, il ne faut pas attendre avant d'envoyer le patient consulter un électrophysiologiste pour savoir si c'est une bonne indication ou pas de faire une ablation, parce qu'il y a une perte de chance quand on attend. L'ablation avant six mois de fibrillation ininterrompue donne de bons résultats. Au-delà d'un an, ça se dégrade. Et c'est pour moi un crève-cœur de recevoir des patients pour lesquels la fibrillation est installée de manière permanente depuis un an, deux ans, trois ans, cinq ans. Et même si les symptômes ne sont pas très forts au départ, il faut savoir que le fait de ne pas évaluer tôt la possibilité d'une ablation, c'est finalement amputer les chances du patient à plus long terme. En effet, on sait que cette fibrillation atriale est associée à plus de démence, plus de décès ou encore plus d’insuffisance rénale. Ce trouble n'est pas la mort subite, c'est un travail de sape sur l'organisme et le cerveau. C'est vraiment quelque chose qui est beaucoup moins bien que le rythme sinusal. Et donc finalement, il faut faire bien attention quand on prend la décision de respecter une fibrillation persistante.

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