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L'interview du week-end

Guerre du Vietnam : une victime de l'agent orange témoigne des impacts sur sa santé

Demain lundi 10 mai sera rendu le jugement du procès intenté par Tran To Nga contre plusieurs multinationales agrochimiques, dont Dow Chemical et Bayer-Monsanto. Depuis 2014, cette victime, pendant la guerre du Vietnam, des épandages de l’agent orange, un herbicide très toxique, se bat pour que ces multinationales soit reconnues coupables des séquelles sur la santé des humains, des animaux et l'environnement.  

Guerre du Vietnam : une victime de l'agent orange témoigne des impacts sur sa santé Tran To Nga avec une victime de l'agent orange. Crédit photo @Laurent LINDEBRINGS.




L'ESSENTIEL
  • A partir de 1961, l'armée américaine a déversé des millions de litres d'herbicides sur les forêts vietnamiennes et laotiennes pour empêcher les résistants vietnamiens de se cacher et les priver de nourriture.
  • Selon le rapport Stellman publié en 2003, ces épandages massifs ont engendré l'exposition directe aux défoliants de 2 à 5 millions de Vietnamiens.
  • De tous les défoliants détruisant la végétation, l'agent orange est le plus nocif à cause de la dioxine qu'il contient, qui perdure longtemps dans l'organisme.
  • Touchés par l'agent orange, des soldats américains qui avaient combattu au Vietnam ont été indemnisés, mais les victimes vietnamiennes ont été déboutées de leurs plaintes aux Etats-Unis en 2009.

- Pourquoi docteur - Vous êtes née en 1942 au Vietnam, encore colonie française. A quel âge avez-vous été contaminée par l’agent orange ?

Tran To Nga - Au Vietnam, j’ai été intoxiquée pour la première fois à 23 ans, puis j’ai subi les épandages successifs de l’agent orange jusqu’à mes 27/28 ans.

- Comment cela s’est-il déroulé ?

J’ai reçu le premier épandage d’agent orange directement sur mon corps, via des nuages toxiques qui me tombaient dessus, un peu comme de la pluie. Ensuite, tout mon environnement était contaminé : j’ai marché sur l’herbicide pendant des années, je l’ai bu, je l’ai mangé, etc…

- Avez-vous ressenti des effets immédiats sur votre santé lors des premiers épandages d’herbicide ?

Oui. Avant l’arrivée des nuages d’agent orange, j’étais en pleine forme, et je ne souffrais d’aucune maladie. Mais juste après le premier épandage, j’ai eu la gale.

- L’agent orange a-t-il eu des effets sur votre santé à long terme ?

Les années qui ont suivi l’intervention de l’armée américaine, j’ai eu beaucoup de problèmes respiratoires. Mais surtout, j’ai mis au monde une petite fille avec une malformation cardiaque incurable (tétralogie de Fallot). Elle est morte à 17 mois. En tant que jeune maman, j’ai beaucoup souffert d’élever un enfant condamné.

Aujourd’hui, je suis atteinte d’une probable tuberculose et d’un diabète de type 2, très répandu chez les victimes de l’agent orange. Je me bats aussi contre un cancer du sein et des problèmes cardiaques.  

- Avez-vous toujours un taux de dioxine dans le sang anormalement élevé ?  

Oui, des analyses de sang en laboratoire me l’ont récemment confirmé. A 50 ans passés, mon taux de dioxine n’est plus très élevé, mais il reste supérieur à la norme européenne, et bien plus important que la moyenne asiatique.

- Êtes-vous sure que vos problèmes de santé sont bien liés à l’agent orange ?

Pour être honnête, je ne suis sûre de rien. Mais mes médecins ne comprennent pas pourquoi j’ai des anomalies à chacune de mes pathologies. Par exemple, ma diabétologue ne s’explique pas pourquoi je suis allergique à l’insuline, et mon pneumologue ne sait pas non plus pourquoi je suis résistante au rimifon.

Par ailleurs, toutes les maladies dont je souffre figurent sur la liste établie par le gouvernement américain qui a permis aux soldats vétérans de la guerre du Vietnam touchés par l’agent orange de se faire reconnaître en tant que victimes de guerre, et d’être indemnisés.

- Combien d’autres Vietnamiens ont-ils été intoxiqués par l’agent orange ?

On estime que 4 millions de Vietnamiens ont été intoxiqués par l’agent orange. Cette substance toxique se transmet de génération en génération. Les personnes de mon âge ont des atteintes internes, mais les plus jeunes ont donné naissances a de nombreux enfants handicapés, qui sont nés sans bras, sans jambes, sans cerveau…

- Pourquoi parlez-vous "d’écocide" ?

Selon des recherches scientifiques, l’agent orange a contaminé l’ensemble de l’environnement sur lequel il a été déversé, rendant absolument tout toxique depuis des décennies : les fruits, les légumes, les nappes phréatiques, la terre, la pluie, les cultures… Certaines zones touchées sont aujourd’hui désertiques, et d’autres ont produit des fruits, des légumes et des animaux monstrueux.

Ces épandages d’herbicides ont détruit 20% des forêts du sud du Vietnam et pollué 400 000 hectares de terres agricoles. S'y ajoute la destruction de plus d'un million d'hectares de forêt tropicale et la disparition d'une faune abondante. Aucune désinfection n’est possible.

- Qu’attendez-vous de votre procès ?

Justice et vérité. Je demande justice pour moi, pour ma famille et pour toutes les victimes de l’agent orange, où qu’elles soient dans le monde.

- Comment se défendent les parties adverses, notamment Dow Chemical et Bayer-Monsanto ?

Plusieurs multinationales agrochimiques expliquent qu’elles ont été, à l’époque de la guerre du Vietnam, obligées de produire l’agent orange, sous peine de lourdes amendes et de peines de prison. Elles soutiennent également qu’elles ne connaissaient pas la toxicité réelle de l’herbicide. Ces deux affirmations sont totalement fausses.

- Quid des indemnisations, dont ont notamment bénéficié des soldats américains ayant combattu au Vietnam ?

Je recherche d’abord une reconnaissance humaine et politique de cet écocide. L’argent ne vient qu’après.

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