- Il existe un lien statistique entre le fait d’être fumeur actif quotidien et le risque de contracter le coronavirus (estimé entre 2 et 10 fois moins).
- "Il existerait à côté de l’effet néfaste du tabac sur les voies respiratoires, un effet bénéfique paradoxal spécifique de la nicotine qui demande à être démontré".
Depuis le début de la pandémie, de nombreuses observations, parfois contradictoires, ont été relayées concernant la Covid-19 et le tabagisme. A l’occasion du 25ème Congrès de Pneumologie de Langue Française, les pneumologues font le point sur cette interaction.
Les certitudes
Le tabac a tué 75 000 français en 2020, la Covid-19 68 000. Il existe un lien statistique entre le fait d’être fumeur actif quotidien et le risque de contracter le coronavirus : ceux qui fument auraient entre 2 et 10 fois moins de risque de développer la maladie, selon des estimations rapportées à travers des dizaines d’études. "Une seule étude, de mauvaise qualité avec 98% de données manquantes, est discordante", estiment les pneumologues. Autre certitude : le lien protecteur du tabac et de la Covid-19 n’existe pas chez les anciens fumeurs.
Les quasi-certitudes
"Le lien entre le tabagisme et la Covid-19 serait un lien causal", analysent les professionnels de santé.
La nicotine est l’agent de la fumée le plus suspect d’être "protecteur", du fait de la présence de récepteurs nicotiniques proches de ceux de l’ACE2. Par ailleurs, les données d’une étude française conduite par EPIPHAR montrent que les personnes sous substituts nicotiniques sont moins victimes de la Covid-19 que ceux qui n’en reçoivent pas.
Les sujets de discussion
D’autres données font débat dans la communauté scientifique, à savoir : les variations du lien entre le tabac et la covid-19 avec les nouveaux mutants restent totalement inconnues, mais sont importantes à évaluer, justifiant un parfait recueil du tabagisme chez tous les patients Covid-19 ; chez les ex-fumeurs, il existe une aggravation de l’évolution de la Covid-19 et de la grippe voisine dans toutes les études, évoquant l’existence d’effets délétères à long terme du tabagisme identiques dans ces deux pathologies ; chez les fumeurs actifs de longue date, les études rapportent une aggravation de la Covid-19 plutôt moindre qu’avec la grippe ; chez les jeunes marins fumeurs actifs du porte avion Charles de Gaulle ayant pour la plupart un tabagisme assez récent (28 ans d’âge médian), le coronavirus est plutôt moins grave chez les fumeurs qui, s’ils sont malades, ont moins de toux et de dyspnée, moins de signes généraux et sont significativement moins souvent mis sous oxygène que les non-fumeurs.
Le Pr Dautzenberg, pneumologue, explique les discordances des études sur la gravité du Covid-19 chez les fumeurs comme suit : "il existerait à côté de l’effet néfaste du tabac sur les voies respiratoires, un effet bénéfique paradoxal spécifique de la nicotine qui demande à être démontré. Cet effet de protection ne semble qu’atténuer les effets néfastes observés pour tous les virus chez les fumeurs anciens, mais chez les fumeurs récents, sans dégâts des voies respiratoires, le tabagisme peut très paradoxalement améliorer l’évolution de la covid-19. L’explication de cet effet peut être liée soit à une moindre pénétration des virus et une moindre charge virale, soit à un effet sur la régulation de l’inflammation intracellulaire sous l’effet de la nicotine."
Les conseils des pneumologues
Compte-tenu de ces incertitudes, les pneumologues conseillent dès maintenant :
- de bien substituer en nicotine tous les fumeurs atteints de la Covid-19 qui arrêteraient de fumer à l’occasion de cette maladie (l’arrêt brutal de la nicotine pourrait avoir des effets délétères) ;
- d’étudier les effets de la nicotine non-fumée par voie générale ;
- ne pas prendre de nicotine si on est non-fumeur en dehors de ces protocoles de recherche ;
- de surtout ne pas oublier que le tabac tue et ne sera jamais une solution à la Covid-19 !
"Il reste cependant à expliquer l’effet préventif du tabagisme sur la baisse de l’incidence de la covid-19 et à confirmer que c’est bien la nicotine qui est responsable", concluent les pneumologues.