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QUESTION D'ACTU

Cancérologie

Les nouveaux mots des maux du cancer : qu'est-ce que la médecine de précision ?

La prévention, le dépistage et le traitement du cancer évoluent vite. Les cancérologues du monde entier, réunis à l’ASCO 2018, parlent une nouvelle langue. Pourquoi Docteur vous fait partager ces nouveaux mots du cancer. Aujourd’hui : la médecine de précision. Entretien avec le Professeur Gilles Vassal, Directeur de la recherche clinique à l'Institut Gustave-Roussy.

Les nouveaux mots des maux du cancer : qu'est-ce que la médecine de précision ? marchmeena29 /iStock




Le congrès de cancérologie ASCO se veut le congrès de la médecine de précision. En quoi sommes-nous plus précis maintenant que nous l'étions autrefois ?

Professeur Gilles Vassal : Nous sommes plus précis maintenant, parce que nous comprenons mieux ce que sont les tumeurs en analysant ce qui les caractérise sur le plan moléculaire. Il y a une quinzaine d’années, on prescrivait une chimiothérapie à toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein. Maintenant, on analyse les tumeurs de ces patientes et les traitements sont différents, parce qu’ils ciblent précisément les anomalies moléculaires spécifiques que l'on trouve dans la tumeur.

Dr Jean-François Lemoine : Autrefois, la biopsie était considérée comme de la médecine de précision. Désormais, on analyse les molécules de la tumeur grâce à l’ADN séquence ; ce mot, les gens le connaissent. Qu'est-ce que la tumeur et surtout, comment fonctionne-t-elle ?

Professeur Gilles Vassal : On séquence l’ADN de la tumeur. Nous avons la liste de ses protéines et nous voyons les différences d’une tumeur à l’autre. Nous pouvons alors prendre en charge ces différences avec les fameux traitements ciblés. Par exemple, il y a 10 ans pour le cancer du poumon, nous ne connaissions qu’une chimiothérapie. Maintenant, il y a plus d’une dizaine de traitements différents prescrits en fonction des anomalies moléculaires que l'on trouve dans la tumeur des patients.

Dr Jean-François Lemoine : Précision, d’abord du diagnostic ?

Professeur Gilles Vassal : Précision du diagnostic, donc analyse moléculaire et on différencie les tumeurs en fonction de leurs caractéristiques moléculaires. Précision du traitement, parce que nous avons des médicaments qui marchent dans une pathologie, mais pas dans l’autre. Donc nous réservons le médicament aux patients qui peuvent en bénéficier.

Dr Jean-François Lemoine : Et j’aimerais rajouter – parce que votre combat pour la pédiatrie est connu : précision en fonction de l’âge, du sexe… Les enfants par exemple, sont différents des personnes âgées, les hommes sont différents des femmes... On voit apparaître des différences de traitement en fonction des types de personnes. Cette médecine devient de plus en plus précise.

Professeur Gilles Vassal : Oui, une médecine de plus en plus précise qui prend en compte les différences d’un patient à l’autre, que ce soit l’âge, que ce soit la maladie, ou la constitution génétique. Et cette médecine de précision signifie que chaque patient est unique, si l'on peut dire cela. Le traitement qu’on lui propose est de plus en plus précis, parce qu’il prend en compte ces spécificités.

Dr Jean-François Lemoine : C’est formidable, il y a un vent d’optimisme étonnant dans ce congrès, mais cela a quand même une conséquence. Vous dites : traitement unique, précis : cela veut dire médecine unique. Médecine précise : cela veut aussi dire médecine hors de prix. Est-ce que tout le monde va pouvoir bénéficier de cette médecine dans notre pays ?

Professeur Gilles Vassal : Alors, dans notre pays, oui, parce que la France est le seul pays en Europe, grâce à l’Institut national du cancer, a avoir créé il y a maintenant plus de 10 ans, 28 plateformes de génétique. En somme, des laboratoires qui analysent des tumeurs, pour que les médicaments ciblés soient prescrits. C’est le seul pays en Europe où l’Etat finance l’analyse moléculaire des tumeurs pour les médicaments qui sont autorisés. Ça, il faut le dire.

Dr Jean-François Lemoine : Donc cela garantit aujourd’hui, quel que soit l’endroit où l'on vit en France, que l'on pourra bénéficier de ces techniques ?

Professeur Gilles Vassal : Non, cela garantit en France qu’un patient qui a un cancer du poumon, a un panel de gènes qui est systématiquement analysé pour qu’on lui propose le traitement le plus adapté.

Dr Jean-François Lemoine : C’est très bien, pas de perte de chances à ce niveau-là. Par contre, le coût des traitements et le fait qu’il y ait de nouveaux traitements est quelque chose qui vous interpelle ?

Professeur Gilles Vassal : Bien sûr, parce qu’il y a plus de nouveaux traitements, qui sont de plus en plus chers, et la vraie question est : comment faire en sorte que des patients qui peuvent vraiment bénéficier de ces traitements, aient vraiment accès à ces médicaments onéreux ? C’est une vraie question de société. Qu’est-ce que la société veut mettre en place, pour que les patients qui ont un cancer, puissent avoir accès à ces traitements nouveaux ?

Dr Jean-François Lemoine : Vous avez publié une étude très intéressante. Pouvez-vous nous en parler ?

Professeur Gilles Vassal : Il s'agit de la première étude du grand programme AcSé de l’INCa. Le programme AcSé donne aux patients en échec un accès sécurisé à des innovations thérapeutiques en dehors des indications de ces médicaments. Dans notre étude, le médicament était uniquement autorisé pour les patients qui avaient un cancer du poumon, avec une anomalie que l’on appelle ALK. Mais nous savions déjà en 2013, au début de ces travaux, que plus de 17 maladies différentes de l’adulte et de l’enfant avaient aussi la même anomalie. Ou d’autres anomalies de la cible. Et donc pendant 5 ans, nous avons proposé l’accès au test à 13 000 patients. Nous avons proposé à ceux qui avaient des anomalies de participer à un essai thérapeutique pour évaluer si le crizotinib était efficace ou pas dans leur maladie.

Les résultats ont démontré que c’était actif dans d’autres cancers du poumon, dans certains lymphomes ou cancers de l’estomac… On a montré que cela ne marchait pas dans les cancers du sein ou dans les cancers du côlon. On a mieux décrit l’épidémiologie moléculaire, et on a montré qu’il y a d’autres indications pour ce médicament. On espère simplement que ces indications vont devenir des vraies indications du médicament. Ce qui n’est pas encore le cas.

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