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Parcours de soin

Lyon : pourquoi une étudiante décède d'une otite malgré 2 passages aux urgences

Après 14 jours et 2 passages aux urgences d'un hôpital universitaire, à Lyon, une étudiante est morte d'un abcès du cerveau, secondaire à une otite compliquée. Une dramatique histoire qui pose la question de ce qu'est devenue l'organisation des soins en France. 

Lyon : pourquoi une étudiante décède d'une otite malgré 2 passages aux urgences atarzynaBialasiewicz/istock


  • Publié le 15.03.2018 à 11h54
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  • Mise à jour le 15.03.2018 à 23h31
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L'histoire tourne en boucle et est maintenant connue : Leana Bonilla Cruz, étudiante nicaraguayenne de 19 ans, en bonne santé, qui étudiait depuis six mois la littérature à Lyon, consulte 2 fois aux urgences de l'Hôpital Édouard-Herriot, à Lyon, pour une otite et meurt d'un abcès du cerveau, selon nos confrères du Progrès.

La première fois, le 9 février, les médecins des urgences lui font remarquer que ce n'est pas une urgence et lui prescrivent un traitement à base d'antidouleur et d'antibiotique. Trois jours plus tard, devant la persistance des douleurs et l'apparition de vomissements, elle y retourne, elle y passe 8 heures et les médecins la renvoient chez elle avec un autre traitement antibiotique.

Le 21 février, au bout de 12 jours de souffrance, elle est transportée dans le coma à l'hôpital Edouard-Herriot, de Lyon. Elle y décède d’une hypertension intra-crânienne secondaire à un abcès cérébral, sans que les médecins aient pu faire quoi que ce soit. Une complication rare de l’otite, que l'on ne voit quasiment plus en France depuis l'avènement des traitements antibiotiques.

Comment peut-on mourir d’une otite ?

L’otite est une infection de l’oreille, qui est située en profondeur dans l'os et derrière le tympan. Extrêmement fréquentes et banales chez l'enfant, les otites ont un mécanisme causal un peu différent chez l’adulte, ce qui impose un bilan ORL soigneux d'après tous les bons manuels de médecine.

Grâce à l’antibiothérapie, dans la grande majorité des cas, l’otite de l’adulte est une maladie bénigne qui guérit sans séquelle. Cependant, une otite purulente aiguë, mal soignée et "qui traine", peut évoluer vers une dissémination de l’infection, d'abord dans l’os et c'est une « mastoïdite » (infection d'un os de la base du crâne), ou vers le cerveau et cela donne une « méningite » (infection des enveloppes du cerveau) ou un abcès cérébral, c'est-dire un abcès à l'intérieur du cerveau.

L’abcès cérébral entraîne de nombreuses complications supplémentaires (thrombophlébite dans le cerveau) et un gonflement du cerveau (abcès et œdème cérébral), ce qui produit une « hypertension intra-crânienne», dans une boîte crânienne osseuse inextensible... La mort cérébrale survient alors rapidement.

Les urgences en accusation

La mère de la victime, qui affirme que sa fille souffrait de maux de tête violents, de vomissements récurrents et d'un écoulement de l'oreille, tous signes de complication, affirme que sa fille n'a pas été écoutée et dénonce « une erreur médicale ». Elle a porté plainte contre l'hôpital pour « homicide involontaire ».

Selon le chef de service des urgences, il n'y aurait eu "aucun dysfonctionnement" dans la procédure mise en place aux urgences. Même si Leana a attendu pour voir un médecin, elle avait vu une infirmière d'accueil et d'orientation dans la demi-heure suivant son arrivée. Les urgences étaient très surchargées.

Celle-ci a appliqué la procédure en vigueur ("tri 4") et les « examens étaient strictement normaux ». Il assure que sa température était normale et qu'elle ne vomissait pas lors de ses passages aux urgences (?) contrairement à ce qu'affirment ses amis.

Elle aurait du voir un spécialiste

Ainsi que nous l'avons énoncé, l'otite de l'adulte est moins simple que l'otite de l'enfant et il est nécessaire d’explorer les otites de l’adulte différemment de celles des enfants. C'est, en particulier indispensable, si la fièvre est supérieure à 40°C, s’il existe un écoulement purulent par l’oreille et s’il existe de violents maux de tête. Dans le cas présent, les 2 derniers critères étaient présents et sa fièvre aurait pu être masquée en partie par un médicament contre la fièvre (AINS, paracétamol).

Un examen avec un spécialiste en ORL aurait dû être réalisé ou programmé rapidement, ou au moins pendant les 12 jours avant l'hospitalisation finale. Cela aurait dû être fait lors de la 2ème visite, devant cette évolution prolongée et péjorative, avec des signes de complications. D'après le chef de service des urgences, cette consultation n'a pas pu être organisée. L'enquête en cours nous permettra de mieux comprendre ce qui s'est réellement passé.

Une désorganisation du système de soin Français

Normalement, on ne consulte pas aux urgences pour une otite, les urgences sont à la porte de l'hôpital pour gérer les problèmes médicaux qui ne peuvent pas l'être en médecine de ville : soit parce qu'ils sont graves et urgents, soit parce qu'ils nécessitent rapidement des examens complémentaire que l'hôpital peut assurer rapidement.

Les médecins qui y travaillent sont spécialement formé à la gestion des vraies urgences, qu'elles soient cardiaques, respiratoires, digestives, traumatiques ou autres. Ils travaillent vite en raison du grand nombre de malades et du caractère urgent des maladies qu'ils traitent. Ils ne sont pas vraiment là pour gérer le "parcours de soin".

Le premier problème est qu'il y a de moins en moins de médecins généralistes et que ceux qui sont disponibles sont surchargés de travail. Ils sont de plus mal payés, mal traités par l'administration en général et prennent de moins en moins de garde. Tout l'excédent de soins à prendre en charge se reporte sur l'hôpital et les urgences, qui sont donc elles aussi débordées.

Cette jeune étudiante nicaraguayenne n'avait probablement pas de médecin traitant puisqu'elle venait d'arriver, nous ne savons pas encore si elle avait essayé de consulter d'autres médecins, mais il n'était pas illogique qu'elle aille aux urgences, alors que l'on était pendant les vacances de février et qu'une partie des médecins n'était pas disponible, ni en ville, ni à l'hôpital.

Une refondation est nécessaire

Cette triste histoire démontre à quel point notre système médical est en "perte de sens". De vocation, le métier de médecins est devenu plus banal avec des personnes qui ont une famille et qui veulent vivre comme les autres, dans une société où la valeur travail a été dévalorisée et où la profession de médecins est peu considérée.

Les médecins ne sont pas les seuls à en souffrir et c'est toutes les professions de santé qui sont en "burn out" avec trop de travail, une complète désorganisation et pas assez de considération. Ce ne sont pas seulement les médecins qui ont eu un problème sur le cas de Leana, c'est probablement les infirmières, peu nombreuses et débordées elles-aussi, qui n'ont pas eu le temps d'aider le médecin à trouver une place pour Leana avec un spécialiste ORL...

Si vous avez déjà eu une véritable urgence médicale et que vous êtes passé par les urgences d'un hôpital, vous avez pu voir comment votre problème a été géré : beaucoup de monde, beaucoup d'attente, des médecins débordés, pas beaucoup d'infirmières... mais après avoir attendu longtemps sur le "fameux" brancard, au final, cela s'est bien terminé. D'aucun appellent à sauver l'hôpital, mais c'est tout le système de soin qu'il faut revoir. Sinon, que ce soit pour une otite ou un AVC, le problème va se reproduire de plus en plus souvent.

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