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Vignoble bordelais

Pesticides : les politiques en retrait

REPORTAGE - Dans les communes viticoles bordelaises, la question des pesticides a clivé une population livrée à elle-même. La problématique locale peine à émerger dans les débats nationaux de santé publique. 

Pesticides : les politiques en retrait Des vignes à Preignac (Gironde) - GAYET/SIPA




Comment protéger la population française des pesticides et prendre en charge leurs victimes ? Vaste question, alors que selon un récent rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), un million de personnes – au bas mot – seraient exposées en France aux produits phytosanitaires - agriculteurs en première ligne. Sujet fort complexe, alors que prouver le lien entre une exposition aux produits phytosanitaires et l’émergence d’une maladie relève d'un travail de titan.

De fait, seuls 10 % des pesticides ont été évalués par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer). Or, sans cette base scientifique, nulle action n’est possible. Dans la région bordelaise, ce sont les travaux d’Isabelle Baldi, épidémiologiste à l’Université de Bordeaux et chercheuse à l’Inserm, qui ont activement contribué à la prise de conscience citoyenne et politique, en rassemblant la littérature existante et en associant certains cancers à une exposition aux pesticides.

« Mais le premier signalement remonte à 2000-2002, dans la pomiculture en Corrèze, explique Jean Jaouen, directeur de la santé publique à l'ARS Aquitaine. Les médecins avaient notifié des problèmes d’ORL, des voies respiratoires. Cela avait conduit à une enquête publique pour tenter d’établir une corrélation entre les périodes d’épandage et les affections aiguës telles que recensées par les généralistes, mais l’enquête n’a pas pu être conclue, car au fur et à mesure, les médecins n’y participaient plus ».

Des dispositifs méconnus

L’ARS a mis en place en Aquitaine un observatoire régional santé-environnement et depuis 2013, un registre pour recueillir les plaintes des agriculteurs et des riverains liées à des effets secondaires des pesticides. Le dispositif, baptisé Phytoplainte, réunit une vingtaine de signalements. Si les médecins ruraux pourraient avoir un rôle clé à jouer pour favoriser la déclaration de ces effets secondaires, sur le terrain, il n’en est rien. Phytoplainte reste désespérément méconnu et selon les dires d’un généraliste de Barsac (Sauternais), « quand on essaye d’organiser des réunions pour que les médecins fassent remonter les cas, personne ne vient » (voir notre reportage).

L’ARS le sait : seule une action de concertation, impliquant tous les acteurs réunis autour de la table, permettra d'avancer en évitant les clivages qui ralentissent tant la lutte contre les pesticides. Mais pour le moment, aucun rendez-vous avec les syndicats agricoles ou les riverains ne semble prévu en Gironde. Dans le Limousin, la « charte de bon voisinage » élaborée entre les habitants et les agriculteurs, censée limiter les épandages trop risqués, « a donné des résultats limités », admet l’ARS, qui évoque la nécessité de mettre des schémas urbains aptes à protéger les riverains.

Dans l’attente de mesures plus concrètes, l’agence guette les recommandations qu'elle a commandées auprès de l’Anses. Ces recommandations se destineront aux travailleurs des vignes (horaires et distances pour les épandages) et aux riverains. Elles fourniront des conseils sur les comportements à adopter afin de limiter les risques (ouvertures de fenêtre, plantation des légumes dans les jardins jouxtants des vignes...) et doivent voir le jour d’ici la fin de l'année.« Le plan région santé-environnement pour 2017-2019 fera des pesticides une priorité », précise Jean Jaouen.

Indemiser

Les autorités nationales, quant à elles, tâtonnent. Pour guider l'action politique, elles font appel à la science. Ainsi, la Direction Générale de la Santé (DGS) a donné son aval pour mettre au point une sorte de registre des cancers pédiatriques dans l'ensemble des zones viticoles. Une autre étude verra le jour afin d'identifier les biomarqueurs les plus efficaces pour évaluer les niveaux de contamination de la population (sang, urine, cheveux…).

Il faudra aussi indemniser : les procès se multiplient. La facture risque d'être salée pour l'Etat, d'autant plus que le rapport de l’Anses met en lumière l’inefficacité des tenues de protection qu'enfilent les travailleurs avant un épandage. Pour ce qui est de faciliter les procédures pour les victimes, l'ARS renvoie à la Mutuelle Sociale Agricole (MSA). Mais dans les communes bordelaises, lorsque l'on évoque les médecins-conseil de la MSA, c’est souvent sous le ton de la blague. Quand les uns estiment qu’ils « ne servent à rien », les autres affirment qu’ils « étouffent les choses ».

A ce jour, le seul dispositif global sur les pesticides, c’est le plan écophyto, co-piloté par le ministère de l’Agriculture et le  de l’Environnement. La première version (2008-2014) s’est soldée par un échec. Elle visait une réduction par deux de l’utilisation des pesticides ; pendant cette période, le recours au phytosanitaire n'a fait qu'augmenter. 

 

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