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QUESTION D'ACTU

Diagnostic et prise en charge

Maladie de Lyme : mal évaluée et mal traitée

Associations de patients et gouvernement se retrouvent autour de la maladie de Lyme. Les règles de diagnostic et de prise en charge sont datées et devraient bientôt évoluer.

Maladie de Lyme : mal évaluée et mal traitée DAVID COLE / Rex Featur/REX/SIPA




L'ESSENTIEL
  • La maladie de Lyme touche environ 30 000 personnes chaque année
  • En France, 30 % des tiques sont infectées
  • Depuis 2006, un consensus régit les règles de diagnostic et de prise en charge de la borréliose
  • Les tests de dépistage sérologiques sont peu précis, et laissent passer de nombreux cas
  • Le consensus impose 3 semaines de traitement antibiotique et ignore les nombreuses rechutes
  • Le gouvernement a annoncé une refonte de la formation des médecins et pharmaciens sur la maladie et une évolution prochaine des méthodes de dépistage

Elle échappe aux défenses immunitaires et aux tests de dépistage. La bactérie à l’origine de la maladie de Lyme fait débat sur la scène scientifique. Les tests sérologiques et les traitements antibiotiques recommandés par les autorités sanitaires sont très en retard par rapport aux dernières découvertes.

Ce 24 juin, des associations de patients ont rencontré la Direction Générale de la Santé et la députée de Meurthe-et-Moselle, Chaynesse Khirouni (PS). En plus de faire le point, elles ont apporté une série de réclamations collectées sur le terrain.

« C’est une maladie qu’on ne fait pas entrer dans une case », résume Agnès Gaubert, secrétaire principale de France Lyme. La maladie de Lyme touche environ 30 000 Français chaque année. L’est du pays dénombre plus de cas, mais l’ensemble du territoire est menacé.

Estimation de l’incidence annuelle moyenne de la maladie de Lyme par région en France entre 2009 et 2011 (Source : InVS)

Un protocole obsolète

La borréliose de Lyme est assez courante. Environ 30 % des tiques sont infectées en France. Les médecins, eux, sont assez mal informés. Agnès Gaubert qualifie les quelques généralistes à l’écoute des patients de « perles rares ». « Ce sont des médecins qui ne mettent pas en cause la parole des malades, qui s’intéressent à la clinique et au vécu du malade sans vouloir tout faire entrer dans des cases », explique-t-elle.

Dans l’immense majorité des cas, les médecins sont démunis face à cette maladie transmise par la tique. Ce n’est pas faute d’études menées sur le sujet. Mais le seul texte qui fait loi date de 2006. Le consensus édicte les règles du diagnostic, de la prise en charge et du suivi des patients mordus par une tique infectée. Et il n’est pas forcément très fiable. C’est ce que dénoncent depuis plusieurs années les associations de patients et des spécialistes, Christian Perronne en tête.

Ecoutez...
Pr Christian Perronne, Chef du service Maladies infectieuses (Hôpital Raymond-Poincaré, Garches) : « Le protocole ne s’intéresse qu’aux formes précoces de la maladie et a complètement éludé les formes chroniques. Le reste est totalement obsolète. »

 

Des tests diagnostiques peu fiables

En guise de protestation, France Lyme a adressé une lettre ouverte à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, en février 2015. L’association y détaille les nombreux écueils de la prise en charge des patients. Parmi eux, celui des tests de diagnostic.

La référence, édicte le consensus de 2006, c’est le test sérologique Elisa. En cas de résultat positif, le test Western Blot est utilisé pour confirmer le diagnostic. En cas de résultat négatif, le parcours du patient s’interrompt.
Sauf que les tests sérologiques ne sont plus reconnus comme efficaces à 100 %. De nombreux patients souffrent donc de la maladie de Lyme… sans pouvoir être traités. Le problème tient à l’élaboration même de ce test : il est conçu pour que la part de malades n’excède pas les 5 %. « La sérologie est étalonnée sur des donneurs de sang en bonne santé, dénonce le Pr Christian Perronne. Le chiffre de 5 % est écrit dans une publication scientifique. Le test a été conçu pour que la maladie de Lyme reste une maladie rare. Aujourd’hui, cela ne tient plus la route. »

« Je me suis rendue compte que les questionnements soulevés par les malades sur la fiabilité des tests étaient une vraie préoccupation », admet Chaynesse Khirouni. Cette députée de Meurthe-et-Moselle milite depuis 2012 pour une mise à jour des connaissances sur le sujet.

Ecoutez...
Chaynesse Khirouni, Députée (Meurthe-et-Moselle) : « J’ai été interpellée en tant que députée par des malades et des associations de malades qui ont évoqué leurs difficultés. »

 

Les arguments ont visiblement été entendus par la Direction Générale de la Santé (DGS) : le Centre national de référence borrélien, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont été saisis. Ils devront réévaluer l’intérêt des tests sérologiques – depuis remis en cause.

Un traitement daté

Le consensus de 2006 établit aussi les règles du traitement de la maladie de Lyme : 3 semaines d’antibiotiques, pas une de plus. « Le malade va beaucoup mieux dans un premier temps, reconnaît Agnès Gaubert. Mais soit il va mieux sans être guéri, et il lui reste encore des symptômes, soit il rechute très rapidement après l’arrêt du premier traitement antibiotique. »

Cette règle de traitement comporte plusieurs problèmes. Elle est efficace lorsque la borréliose est détectée tôt. Mais l’errance diagnostique peut durer des mois, voire des années. La bactérie est donc bien installée, et plus difficile à déloger. Cette recommandation ne tient pas non plus compte des rechutes récurrentes. Les médecins bien informés, conscients de ces lacunes, enfreignent donc les règles. Certains sont rappelés à l’ordre par l’Assurance maladie, censée ne pas rembourser ce traitement. A terme, ils peuvent être suspendus d’exercice par l’Ordre des médecins.


 

« Une chasse aux sorcières »

Christian Perronne et les associations de patients décrivent une situation aberrante. « Ces poursuites sont totalement scandaleuses et, je l’espère, vont cesser comme c'est le cas au Canada et aux Etats-Unis. On est restés dans une chasse aux sorcières moyenâgeuse en France, contre tout ce qui est écrit dans les publications scientifiques de haut niveau, s’enflamme ce spécialiste de la maladie de Lyme. On ne peut pas condamner des médecins contre la science. C’est n’importe quoi. »

Ecoutez...
Agnès Gaubert, Secrétaire de France Lyme : « On attend surtout que les médecins qui soignent hors consensus ne soient plus harcelés et puissent donner des traitements de longue durée sans avoir de sanctions. »

 

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a remis un rapport d’évaluation fin 2014. Il y précise notamment la faible sensibilité des tests diagnostiques. Lors de la réunion avec la DGS, les associations ont fortement insisté sur le fait que les observations du HCSP sont mal transmises auprès des médecins généralistes.

Au ministère, le message est passé : la réunion a permis la présentation d'un plan d'action spécifique à la maladie de Lyme. Le gouvernement a pris en compte le problème de la formation des médecins et des pharmaciens, ainsi que celui de la prise en charge et du diagnostic. Des travaux devraient être lancés pour redéfinir la place des tests sérologiques, a annoncé France Lyme à la sortie de la réunion. Le ministère a précisé qu'il aurait peu de marge de manœuvre quant aux poursuites engagées par les caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM). Mais des instructions devraient être passées pour assouplir les règles, en attendant un protocole plus juste.

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