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Morphine et opioïdes forts : puissants contre les douleurs mais très addictifs

Morphine et opioïdes forts : puissants contre les douleurs mais très addictifs

Le soulagement de la douleur est devenu plus accessible, grâce au développement de l’utilisation des opioïdes majeurs. Mais leur prescription obéit à des règles strictes et un certain nombre de précautions sont nécessaires pour éviter les effets indésirables et les addictions (qui restent un risque).

Morphine et opioïdes forts : puissants contre les douleurs mais très addictifs

Publié le 24.04.2020

Morphine et opioïdes forts : MOLECULES

Quels sont les différents opioïdes forts ?

Le soulagement (« l’analgésie ») produit par la morphine et les morphiniques est intense, constant et dépendant de la dose : cette analgésie se retrouve quel que soit le type de douleur (sauf les douleurs neuropathiques) et correspond à une augmentation du seuil nociceptif.
Les dérivés morphiniques, ou « morphinomimétiques », ont été mis au point à partir des opioïdes naturels extraits de l’opium. Ce sont des « opioïdes d’hémisynthèse ou de synthèse » qui ont des puissances d’action différentes (oxycodone, hydromorphone, méthadone, fentanyl).
Six opioïdes forts à visée antalgique sont actuellement disponibles en France : la buprénorphine, le fentanyl, l’hydromorphone, la morphine, l’oxycodone et la péthidine. Seule la morphine est indiquée pour les douleurs persistantes intenses ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible. La buprénorphine, le fentanyl, l’hydromorphone et l’oxycodone sont réservés aux douleurs intenses d’origine cancéreuse.
La morphine par voie orale est disponible sous 2 formes :
• Les formes « à libération immédiate » (ou « LI »), dont l’action débute dans les 30 minutes et couvre environ 4 heures (Morphine buvable, Sevredol®, Actiskenan®, Oramorph®),
• Les formes « à libération prolongée » (ou « LP »), dont l’action débute au bout de 90 minutes et couvre 12 heures (Moscontin®, Skenan LP®).
• Il existe une forme de morphine LP qui couvre 24 heures, le Kapanol LP®, qui est peu utilisée en pratique clinique.
La morphine est aussi disponible sous forme injectable (sous-cutanée ou intraveineuse).
L’oxycodone est deux fois plus puissante que la morphine (dont le facteur de conversion par voie orale est de 1,5 à 2), soit 10 mg de morphine = 5 mg d'oxycodone. L’oxycodone peut avoir une action sur la composante neuropathique de la douleur, en plus de son action sur la douleur nociceptive. Elle est disponible sous 2 formes également :
• Oxynorm® 5, 10 ou 20 mg en gélule ou en solution buvable, et OxynormOro® 5, ou 10 mg orodispersible, sont les formes à libération immédiate,
• Oxycontin LP® 5, 10, 15, 20, 40, 60, 80, 120 mg sont les formes à libération prolongée.
La morphine reste l'antalgique de première intention en cas de douleur intense, cependant, en cas d'échec ou d'intolérance à la morphine, l'oxycodone est une alternative intéressante dans le processus de « rotation des opioïdes », rotation nécessaire pour éviter la tolérance à la plupart des opioïdes et l'augmentation des doses qui en découle.
Le fentanyl existe aussi sous 2 formes :
• Actiq®, qui est du citrate de fentanyl sur un bâtonnet à frotter lentement contre la muqueuse à l’intérieur de la bouche, est la forme d’action rapide dont l’action débute au bout de 15 minutes et qui couvre 2 à 3 heures.
• Durogesic® Patch est la forme à libération prolongée dont le délai d’action d’un premier patch est de 18 heures. Les patchs se changent toutes les 72 heures. Au début il faut savoir attendre la période deux à 3 patchs (stabilisation du taux plasmatique) pour apprécier l’effet du fentanyl. Cette inertie du système rend le Durogesic® davantage adapté aux traitements des douleurs cancéreuses stabilisées.
La sueur et les altérations de la peau (déshydratation, œdèmes, fièvre) peuvent modifier l’absorption du fentanyl. Il doit être utilisé très prudemment chez les personnes âgées.
L’hydromorphone LP (Sophidone®) dont les effets pharmacologiques ne différent pas de façon notable de la morphine. Le rapport entre la puissance analgésique, par voie orale, de l’hydromorphone par rapport à la morphine est d'environ 7,5.
Une dose de 4 mg d'hydromorphone présente une activité antalgique approximativement équivalente à 30 mg de sulfate de morphine administrés par voie orale. L’hydromorphone LP est administrée toutes les 12 heures et n’a en France, qu’une indication en deuxième intention, dans le processus de rotation des opioïdes.
La buprénorphine est un agoniste-antagoniste morphinique et se fixe durablement au niveau des récepteurs cérébraux mu et kappa. L'activité agoniste partielle de la buprénorphine confère au produit un « index thérapeutique élevé », c’est-à-dire que cela limite ses effets dépresseurs, notamment sur les fonctions respiratoires.
Le Temgesic® 0,2 mg en comprimé sublingual (ou 0,3 mg/ml en solution injectable) est utilisé dans le traitement des douleurs intenses aiguës et en post opératoire à raison de 1 à 2 comprimés 3 fois par jour (dose réduite de moitié chez le sujet âgé).
Le Subutex® 0, 4, 2 ou 8 mg en comprimé sublingual est surtout utilisé en France dans le traitement de substitution des toxicomanies à l’héroïne. Son activité dans le traitement de substitution des opioïdes est attribuée à sa liaison lentement réversible aux récepteurs mu qui minimiserait de façon prolongée le besoin des toxicomanes en stupéfiants.
Ce médicament ne doit pas être associé à la morphine (ou de la nalbuphine) en raison de la diminution de l'effet antalgique (antagoniste partiel) et il peut interagir avec d'autres médicaments, notamment avec les sédatifs (tranquillisants, somnifères, antidépresseurs, neuroleptiques...), avec le risque d’augmenter le risque de somnolence.
La méthadone est un opioïde agoniste dont le pouvoir antalgique est intéressant, mais son utilisation n’est pas développée en France dans la douleur pour des raisons pratiques (les rapports d’équianalgésie changent en fonction des doses) et elle est réservée au traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés. Mais elle peut servir de médicament antidouleur chez le toxicomane traité (majoration temporaire des doses).

Molécules

Formes disponibles

Morphine orale

• Morphine à libération rapide  (Morphine buvable, Sévrédol®, Actiskénan®, Oramorph®) • Morphine à libération prolongée  (Moscontin®, Skénan LP®, Kapanol LP®)

Morphine  parentérale

• Morphine intraveineuse, pompe à morphine, sous-cutanée • Adjuvant de l’anesthésie locorégionale (rachianesthésie, péridurale…)

Dérivés morphiniques oraux

Fentanyl (Actiq®), Hydromorphone (Sophidone®), Oxycodone (Oxycontin®), buprénorphine (Temgesic®)

Dérivés morphiniques parentéraux

• Fentanyl (Fentanyl®, Durogesic®, Matrifen®, Actiq®), buprénorphine (Temgesic®), Péthidine (Dolosal®) • Adjuvant de l’anesthésie locorégionale : sufentanil (Sufenta®), remifentanil (Ultiva®), alfentanil (Rapifen®)

 
La morphine sous-cutanée à un délai d’action de 20 minutes et elle peut être administrée toutes les 4 à 6 heures ou par voie continue au pousse-seringue électrique.
La morphine intraveineuse permet un traitement continu et son délai d’action est de 10 minutes.
A noter que le néfopam (Acupan®), qui est un antalgique majeur par voie IM ou IV, est un analgésique non morphinique : il possède une structure chimique non apparentée à celle des antalgiques actuellement connus.
L’Acupan® doit être administré en perfusion IV lente sur plus de 15 minutes (ou par voie IM, le patient étant en décubitus, afin d'éviter la survenue d'effets indésirables (nausées, vertiges, sueurs). La dose unique usuelle recommandée est de 20 mg par injection, répétée toutes les 4 heures, si nécessaire, sans dépasser une dose totale de 120 mg/24 heures.

Quelles sont les équivalences entres les opioïdes forts ?

L’équivalence d’effet antalgique ou « équianalgésie » entre les opioïdes forts est une donnée clinique, qui reste approximative.
Si l’on attribue la référence d’efficacité antalgique de 1 à la morphine, le ratio d’analgésie est le suivant :
• Oxycodone = 2 fois plus antalgique
• Hydromorphone = 7,5 fois plus antalgique
• Buprénorphine = 30 fois plus antalgique
• Fentanyl = 70 à 100 fois plus antalgique.
Une manière pratique de s’y retrouver pour les prescriptions est de toujours se référer à l’équivalent dose morphine orale/24 heures, selon la base suivante :
Codéine 60 mg = Tramadol 50 mg = Morphine orale 10 mg = Oxycodone = 5 mg
Morphine orale 60 mg = oxycodone 30 mg = hydromorphone 8 mg = 1 mg de buprénorphine = fentanyl transdermique patch 25 microgrammes par heure.
Morphine orale 60 mg = Morphine sous-cutanée 30 mg = Morphine intraveineuse 20 mg

Molécules

Equivalence (mg)

Rapport

morphine orale

10

1

codéine

60

1/6

tramadol

50

1/5

pentazocine

15

1/1,5

oxycodone

5

2

morphine SC

5

2

morphine IV

3,3

3

hydromorphone

1,33

7,5

méthadone

1

10

buprénorphine

0,33

30

fentanyl transdermique

25 µg /60mg

Environ 160

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