Faites un petit sondage autour de vous. Combien de femmes se retrouvent chez leur médecin généraliste avec un speculum froid dans leur vagin? En fait, vous en trouverez très peu. Le frottis, qui consiste à prélever des cellules avec une spatule pour dépister un éventuel cancer du col de l’utérus, est le plus souvent réalisé chez les gynécologues. Alors qu’on assiste à un déclin démographique des gynécologues médicaux, surtout dans certaines régions, le médecin généraliste apparaît comme un des éléments clés pour prendre le relais. Or, celui-ci se désinvestit de plus en plus du frottis, comme l’a confirmé une étude française présentée lors du congrès Eurogin (4-7 février 2015).
2,5% à 10%
Aujourd'hui, seuls 10 % des médecins généralistes réalisent des frottis, indique le Dr Laurent Rigal, médecin généraliste et l’un des auteurs de cette étude. Le Dr Jérôme Viguier, directeur du pôle « santé publique et soins » à l’Institut national du cancer (INCa) évoque des chiffres encore inférieurs, de l’ordre de 2,5 % à 4 %. En tout cas, la situation n’évolue pas dans le bon sens, selon une étude de Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) réalisée à partir de données de l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et présentée à Eurogin.
En 10 ans, en France, la proportion de médecins généralistes déclarant ne pas faire de frottis cervico-vaginal a augmenté. Elle est passée de 24 % en 1998 à près de 35 % en 2009.
Autre surprise de l’étude, le désinvestissement est encore plus grand chez les jeunes générations de médecins généralistes. Ainsi, « plus de 50 % des hommes de moins de 40 ans déclarent ne pas faire de frottis », indique le Dr Rigal. Enfin, l’étude vient confirmer un élément déjà connu : la différence de sexe. Les femmes généralistes réalisent ainsi plus de frottis que leurs confrères. Pour Laurent Rigal, les hommes sont beaucoup moins à l’aise pour le proposer à leurs patientes.
Ecoutez le Dr Laurent Rigal, médecin généraliste et chercheur associé à l'Inserm: "Cela pose des questions d'érotisation..."
Les femmes n'ont pas envie
Alors pourquoi un tel désinvestissement, surtout chez les plus jeunes ? Pour le Dr Jérôme Viguier, la formation initiale des généralistes en gynécologie est probablement insuffisante. Par ailleurs, réaliser des frottis est coûteux en matériel adapté qu’il faut acheter et stériliser. Enfin, souvent les femmes n’ont pas envie de consulter un généraliste, et préfèrent se tourner vers un spécialiste de ces questions.
Quelles sont alors les solutions pour les encourager à réaliser des dépistages du cancer du col de l’utérus, alors qu’il y a de moins en moins de gynécologues ? Cela passe par la formation de ces praticiens et par l’information des patientes.
Ainsi, dans les 12 départements ayant mis en place un programme pilote de dépistage organisé, les généralistes, qui ont oublié ce geste ou ne le connaissent pas bien, sont reformés ou formés sur mannequin, explique Jérôme Viguier. Le Dr Rigal estime aussi que cela peut passer par une évolution des mentalités des patientes. Par exemple, dans les pays du Nord, cela ne pose pas de problème aux femmes d’aller faire un frottis chez leur généraliste remarque-t-il.
D'autres stratégies
C’est d’autant plus important dans les régions où l’on manque déjà de gynécologues et pour les populations précaires. Chez ces dernières, « il est plus facile et moins onéreux d’avoir un frottis chez son médecin généraliste», indique le Dr Viguier.
Et pour ce spécialiste, d’autres stratégies existent. Les sages-femmes peuvent désormais réaliser des frottis. Les femmes ont aussi la possibilité d’avoir ce type de prélèvement dans des laboratoires d’analyse médicale et dans certains centres de planification.
Enfin, selon le Dr Rigal, les auto-prélèvements, qui commencent à apparaître, vont changer aussi la donne, les femmes pourront faire les frottis elles-mêmes.