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Addictions

Usage du cannabis: les spécialistes font appel à François Hollande

Après la déclaration de Cécile Duflot en faveur de la dépénalisation du cannabis, la droite crie au laxisme. Pour sortir de ces polémiques, les addictologues demandent un Grenelle des addictions. 

Usage du cannabis: les spécialistes  font appel à François Hollande JAUBERT/SIPA




« Il faut considérer que le cannabis, c'est comme l'alcool et le tabac, même régime : une politique de santé publique et de prévention ». Il a suffi d’une phrase de la nouvelle ministre du Logement, Cécile Duflot, pour rallumer la controverse sur la dépénalisation du cannabis en France. En pleine campagne électorale pour les législatives, l’opposition a immédiatement dénoncé les « propos irresponsables et démagogiques » d’une « gauche permissive », nous menant droit au « désastre moral » . Une polémique naissante qui a obligé François Hollande à réaffirmer ses distances par rapport à la position de Cécile Duflot et d’Europe-Ecologie les Verts. Mais ces joutes politiques agacent les spécialistes. Récurrentes et stériles, elles faussent le débat. La Fédération française d’addictologie vient donc d’adresser au président de la République et à son gouvernement un courrier leur demandant une réflexion dépassionnée permettant d’instaurer une véritable politique de santé publique.

Pr François Paille, addictologue au CHU de Nancy et président de la Fédération française d’addictologie : « L’interdiction seule est un échec, il est temps de sortir de l’impasse »   



C’est un Grenelle des addictions, une réflexion de l’ensemble de la société sur ces problématiques que les spécialistes appellent de leurs vœux. Car il est indispensable de ne pas se focaliser sur la question du cannabis, qui n’est finalement pas la conduite addictive la plus dangereuse sur le plan de la santé publique. Tabac et alcool causent près de 100 000 morts chaque année, soit un décès sur 6, tandis que les drogues illicites causent quelques centaines de morts par an. « Evidemment, il ne faut pas s’arrêter à la seule mortalité, les conséquences sociales, personnelles et psychologiques de la cocaïne ou de l’héroïne pèsent lourds, souligne le Pr François Paille. Mais cette distinction entre drogues licites et illicites est totalement déconnectée de leur dangerosité réelle. »

Dr Amine Benyamina, addictologue à l’hôpital Paul Brousse à Villejuif : « Le cannabis est l’arbre qui cache la consommation d’alcool et de cocaïne chez les jeunes »



Comme en témoigne la levée de boucliers suscitée par la prise de position de Cécile Duflot, le débat sur le cannabis reste toujours aussi houleux en France. Pourtant la science et l’expérience de nos voisins apportent désormais des éléments rationnels à la discussion.

Le cannabis n’est pas inoffensif. Le corps médical réfute l’idée d’une drogue douce. La fumée du cannabis contient des substances cancérigènes comme celle du tabac, elle est donc toxique pour le système respiratoire. L'association du tabac et du cannabis entraine par exemple des cancers du poumon plus précoces que le tabac seul. Un risque de complications cardio-vasculaires est également démontré pour les consommateurs réguliers. Et chez certaines personnes vulnérables, le cannabis peut engendrer ou aggraver l'anxiété, favoriser la dépression et révéler ou aggraver la schizophrénie chez les personnes prédisposées. Mais plus que ces pathologies qui restent des complications rares, ce sont les petites conséquences quotidiennes de l’usage du cannabis qui nuisent, tout particulièrement aux plus jeunes consommateurs.

Dr Amine Benyamina : « A 13, 14 ans, la vulnérabilité au cannabis est bien plus forte que pour un consommateur adulte »



La consommation de cannabis n’est pas le premier pas vers des drogues plus dures. « Il n’y a pas d’escalade de la consommation de cannabis vers l’héroïne ou la cocaïne, c’est faux, ce sont des patterns différents », affirme le Dr Benyamina. Il y a effectivement des personnes qui consommeront successivement d’autres drogues après s’être initié au cannabis, mais ce n’est pas du tout une règle.

Lever l’interdit ne fait pas augmenter la consommation de cannabis . Selon les derniers résultats de l’enquête européenne Espad, menée auprès de jeunes de 16 ans en milieu scolaire, en France, 1 jeune sur 4 consomme du cannabis au moins une fois par mois. En Italie ou en Irlande où l’usage du cannabis a été dépénalisé, ils ne sont qu’un jeune sur 10 et leur proportion est en baisse depuis l’étude précédente datant de 2007. Toutes classes d’âge confondues, la consommation de cannabis est en hausse depuis une vingtaine d’années en France alors que sur la même période, le dispositif législatif est devenu de plus en plus strict.

Légaliser pour mettre fin au trafic ? Reste l’argument avancé notamment par l’ancien ministre de l’Intérieur socialiste, Daniel Vaillant, pour qui légaliser le cannabis sous contrôle permettrait de casser le trafic. « Pour se tourner rapidement vers d’autres drogues rentables » lui rétorquent les tenants de la pénalisation. La Fédération française d’addictologie prône pour l’heure une position « de premier pas » : dépénaliser l’usage privé.

Pr François Paille : « Les gens doivent pouvoir fumer du cannabis chez eux comme ils boivent de l’alcool » 



L’idée d’une suppression de l’incrimination de l’usage privé du cannabis figure dans le livre blanc de l’addictologie française rendu public il y a tout juste un an. Les spécialistes attendent maintenant la réaction du gouvernement à leurs « 100 propositions pour réduire les dommages des addictions en France ».

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