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QUESTION D'ACTU

Bacillus anthracis

Une bactérie mortelle pourrait-elle devenir l’antidouleur miracle ?

Des chercheurs de la Harvard Medical School ont testé avec succès chez la souris le pouvoir analgésique de la toxine produite par Bacillus anthracis, une bactérie mortelle responsable de la maladie du charbon.

Une bactérie mortelle pourrait-elle devenir l’antidouleur miracle ? Dr_Microbe/iStock




L'ESSENTIEL
  • Une toxine produite par Bacillus anthracis, la bactérie responsable de la maladie du charbon, a permis de réduire la douleur chez des souris. 
  • Cette toxine est porteuse de trois protéines qui modifient les voies de signalisation dans les neurones de la douleur et ce, sans créer de lésion. 
  • Bien qu'encore au stade expérimentale, cette découverte pourrait déboucher sur la mise au point d'un nouveau traitement antidouleur sans risque de dépendance. 

Aussi appelée fièvre charbonneuse ou anthrax en anglais, la maladie du charbon est une maladie infectieuse aiguë causée par la bactérie Bacillus anthracis. Commune aux animaux et à l’humain, elle s’observe le plus souvent chez les animaux herbivores et peut tuer un bovin en 24 heures. Les animaux tombent malades en inhalant ou en ingérant des spores contenus dans les sols, les eaux ou les plantes contaminées.

Très rare chez l’humain, la maladie du charbon est utilisée comme une arme bactériologique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et a été particulièrement médiatisée suite aux attentats du 11 septembre 2001 quand des médias et des personnalités politiques américaines ont reçu des enveloppes contaminées au bacille du charbon.

La bactérie Bacillus anthracis est donc souvent considérée avec inquiétude. Pourtant, de nouveaux travaux menés par des chercheurs de la Harvard Medical School montrent qu’une toxine produite par ce redoutable microbe a un puissant pouvoir antalgique chez les animaux. Leur étude vient d’être publiée dans la revue Nature Neuroscience.

Une modification de la signalisation dans les neurones

Dans ces nouvelles recherches, les scientifiques révèlent que cette toxine spécifique de Bacillus anthracis modifie la signalisation dans les neurones sensibles à la douleur. Lorsqu’elle est administrée de manière ciblée dans les neurones du système nerveux central et périphérique, elle peut soulager les animaux en souffrance.

Pour parvenir à cette conclusion, ils ont commencé par essayer de déterminer en quoi les neurones sensibles à la douleur pouvaient être différents des autres neurones du corps humain. Ils se sont alors aperçus que ces neurones possédaient des récepteurs pour les toxines de l'anthrax, alors que les autres types de neurones n'en possédaient pas.

Ils se sont ensuite demandé pourquoi ces neurones spécifiques pouvaient interagir avec le bacille du charbon. Les résultats de leurs recherches montrent que cela résulte de la production par la bactérie de trois protéines spécifiques. D’abord un antigène protecteur (PA), qui se lie aux récepteurs des cellules nerveuses et sert de passerelle pour que deux autres protéines bactériennes, le facteur d'œdème (EF) et le facteur létal (LF), soient transportées dans la cellule nerveuse. La recherche a également démontré que PA et EF, connus collectivement sous le nom de toxine d'œdème, modifient la signalisation à l'intérieur des cellules nerveuses, ce qui a pour effet d'atténuer la douleur.

Une diminution de la douleur sans dégradation des cellules nerveuses

Les chercheurs ont ensuite testé la toxine sur des souris en l’injectant dans la partie inférieure de leur colonne vertébrale. Cela a produit de puissants effets antidouleur, empêchant les animaux de ressentir des stimulations mécaniques et à haute température.

En outre, les chercheurs ont observé qu'à mesure que la douleur diminuait, les cellules nerveuses traitées restaient physiologiquement intactes, ce qui indique que les effets antidouleur n'étaient pas dus à une lésion des cellules nerveuses, mais plutôt à la modification de la signalisation à l'intérieur de celles-ci.

Dans une dernière étape, l'équipe a conçu un véhicule porteur à partir de protéines de l'anthrax et l'a utilisé pour délivrer d'autres substances antidouleur dans les cellules nerveuses. L'une de ces substances était la toxine botulique, une autre bactérie potentiellement mortelle connue pour sa capacité à modifier la signalisation nerveuse. Cette approche a également permis de bloquer la douleur chez les souris. Les expériences démontrent qu'il pourrait s'agir d'un nouveau système d'administration pour cibler la douleur.

L'espoir d'un traitement antidouleur sans dépendance

Ces nouvelles découvertes ouvrent la voie pour le développement de médicaments, au-delà des thérapies traditionnelles à base d’opioïdes. "Il existe toujours un grand besoin clinique de développer des thérapies non opioïdes contre la douleur qui ne créent pas de dépendance mais qui sont efficaces pour faire taire la douleur, souligne Nicole Yang, chargée de recherche en immunologie et autrice principale. Nos expériences montrent qu'une stratégie, du moins expérimentale, pourrait consister à cibler spécifiquement les neurones de la douleur en utilisant cette toxine bactérienne."

Les chercheurs précisent toutefois que, pour l'instant, cette approche reste purement expérimentale et doit encore être testée et affinée dans le cadre d'autres études animales et, à terme, chez l'humain.

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