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QUESTION D'ACTU

La chronique du Docteur Lemoine

Hypochondrie, ne pas trop en sourire

Trois pour cent des malades en soin souffrent d’hypochondrie. Cela fait déjà beaucoup de malades. Mais en fait, la banalisation du terme concerne aujourd’hui des millions d’angoissés qui, au moindre symptôme, se ruent vers leur médecin ou dans une pharmacie. Internet n’a pas arrangé le problème. La vie douillette et le confort non plus !

Hypochondrie, ne pas trop en sourire andras_csontos / iStock




En santé, quand faut-il s’inquiéter ? Faut-il le faire très souvent ou risque-t-on de ne plus être pris au sérieux et de passer à côté de quelque chose de grave ? Un exemple si on a mal dans le côté gauche, comment ne pas penser à une menace d’infarctus ? Imaginons que vous appeliez le SAMU qui va vous hospitaliser, vous faire une batterie d’examens et peut-être pousser une sonde dans vos coronaires pour vérifier ? Ce ne sera le cas que si vous n’avez pris qu’une partie de l’information que vous donnent les articles sur la question de l’infarctus du myocarde. Certes la douleur est dans le côté gauche, la plupart du temps, mais l’état de mal-être qui accompagne un infarctus, ne laisse pas vraiment de doute sur le diagnostic… Et qu’il n’y aura pas grand monde pour confondre une courbature avec un infarctus. Sauf l’hypochondriaque !

« Il marche, dort, mange et boit comme les autres, mais cela n’empêche pas qu’il soit fort malade » Molière, Le malade imaginaire.

L’hypochondrie ne date pas d’aujourd’hui. Plus le pays est riche, et plus le bataillon s’agrandit ; à tous les âges mais avec une forte augmentation en vieillissant.

On est face à une interprétation erronée de symptômes physiques réels, qui persistent, même si le médecin affirme le contraire. Celui-ci est toujours hanté par le risque d’erreur médicale, donc agit avec précaution. Encore plus de nos jours avec les procès en responsabilité…. C’est une maladie simple à comprendre mais compliquée, parce que le diagnostic n’est pas facile à poser. Pour le médecin, c’est l’histoire du principe de précaution. Quand on est certain du diagnostic d’hypochondrie, ce qui demande un vrai risque pour le médecin, il n’y a que la psychothérapie pour s’en sortir.

Pourquoi est-on hypochondriaque ? C’est d’abord clairement une sorte « d’appel au secours » pour calmer les angoisses ou tout simplement continuer à exister dans un couple qui ronronne. C’est une façon de se rassurer devant les angoisses de mort inconscientes. C’est aussi une façon de répondre à une certaine forme d’injustice de la vie : « Ce n’est pas juste, avec tout l’argent que j’ai qu’on me soigne comme les autres ». La génétique n’a rien à voir ; il n’y a pas d’origine familiale prouvée. On retrouve parfois une interaction avec la dépression qui est alors parfois difficile à diagnostiquer.

L’hypochondrie dans sa forme la plus répandue n’est pas grave ; sauf pour l’équilibre des finances de l’assurance maladie ! En revanche, la vraie hypochondrie qui perturbe la vie est beaucoup plus préoccupante. Les médecins ont de plus en plus recours à toute une batterie d’examens complémentaires. C'est injustifié, et c’est une explication de la dérive des coûts de la santé dans notre pays. Mais on ne peut pas s’arrêter à l’aspect financier exclusivement. La menace est bien plus grave, quand tout cela devient « maladif » comme on dit dans le langage populaire et que le médecin se trouve confronté à une « hypochondrie »… Il cède trop souvent à la demande pressante de médicaments. L’industrie pharmaceutique adore ces malades, quoiqu’au bout d’un certain temps, les effets secondaires accumulés ne sont pas une bonne pub pour le médicament dont on ne rappellera jamais assez, qu’il s’agit, ni d’un produit miraculeux, ni d’un bonbon inoffensif.

Un mot sur l'hyper hypochondrie, hyper grave qui porte un nom bizarre : le syndrome de Münchhausen. Le malade simule la maladie pour attirer l’attention. Cela peut aller très loin puisque la personne qui en souffre arrive à tromper les chirurgiens. Le nombre de cicatrices est souvent le seul signe d’alerte pour les médecins. Cette maladie a même une forme gravissime lorsqu’elle se fait par procuration. Il s’agit, la plupart du temps, d’une mère extrêmement dévouée, attentive et le plus souvent habituée au milieu médical (infirmière, kinésithérapeute, etc.) qui « promène » son enfant de services hospitaliers en consultations de pointe, et malgré le temps qui passe et la compétence des soignants, la maladie du petit reste impossible à diagnostiquer. C’est la mère qui induit elle-même ce mal, qui n’est pas facile à diagnostiquer… souvent trop tard !

Quelle que soit la cause, l’hypochondriaque souffre, alors que faire ?

D’abord l’écouter, en sachant que c’est souvent pour certains couples anciens de communiquer, de faire preuve d’attention. Comme dans tous les symptômes d’origine « psychiatrique », c’est la fréquence et les conséquences en termes de médicaments et de consultations qui sont à prendre en compte. La prise de conscience de ce phénomène n’est pas facile à accepter, surtout quand elle touche les deux membres du couple. Elle est également préoccupante quand elle concerne la relation entre une mère et son enfant.

Quelques conseils simples si vous soupçonnez un hypochondriaque dans votre famille : n’essayez pas de lui expliquer qu’il est ridicule, c’est la pire des solutions. Ne le traînez pas chez des médecins dont on dit qu’ils sont « épatants ». En revanche, passez un peu plus de temps à essayer de lui changer les idées, et surtout, surtout, n’hésitez pas à pousser aussi le porte d’un psychothérapeute… Tout le monde a quand même le réflexe aujourd’hui de chercher les explications que les médecins n’ont plus le temps de donner sur internet et on ne peut pas le reprocher, ne serait-ce que les médecins ont de moins en moins de temps pour renseigner leurs patients. C’est dommage, mais cela ne va pas s’améliorer. Alors Internet est une vraie solution. Mais attention, cela devient grave quand la lecture « suggère » les symptômes… La version moderne de l’hypochondrie s’appelle la "cyberchondrie". Avec elle, on retrouve des maladies graves, imaginaires, au premier rang desquelles il y a la sclérose en plaques, parce que les symptômes sont extrêmement variés, et toutes les formes de cancer, parce que c’est la psychose numéro un !

En fait c’est à l’entourage de faire la balance entre un symptôme qui peut faire sourire et un réel problème médical…

Docteur Jean-François Lemoine

Retrouvez Jean-François Lemoine sur le sujet de l’hypochondrie dans l’émission où il est chroniqueur

 

https://www.canalplus.com/actualites/l-info-du-vrai-le-mag/h/10248251_50001

 

 

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