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Ebola : quand la rumeur se propage plus vite que le virus

Avec plus de 4 500 décès, Ebola fait des ravages en Afrique de l’Ouest. Et depuis le début de l’épidémie, les histoires les plus folles à son sujet circulent sur internet. Alors, comment naissent ces rumeurs ?

Ebola : quand la rumeur se propage plus vite que le virus Sakchai Lalit/AP/SIPA




« Cas Ebola identifié au CHU Nantes ». Voilà le message que l’on pouvait lire sur Twitter le 16 octobre, suite au lancement d’une rumeur par un site de fausses informations. Si les auteurs ont bien stipulé en bas de l’article qu’il s’agit d’un canular, le mal est fait : les internautes le relayent sur les réseaux sociaux, commentaires inquiets à l’appui, comme en témoigne ce tweet de panique « Cas Ebola identifié à Nantes : on va tous mourir !!! » Le CHU de Nantes a, quant à lui, reçu plusieurs appels de Français angoissés et a dû publier un démenti sur Twitter. 




 

Quelques jours plus tard, un autre message circule sur les réseaux sociaux : « Inquiets à propos d'Ebola? Buvez de l'eau de javel! ». Le post présente la Javel comme une potion miracle pour faire disparaître Ebola de son corps, ajoutant qu'il s'agit là de l'un des secrets que le monde pharmaceutique « ne veut pas que vous sachiez.» Un conseil qu'il ne faut pas suivre, bien entendu. 

Rire, peur, colère, dégoût
Le problème est que ces rumeurs sont souvent crues par de nombreuses personnes. En témoigne le tweet de Nantes, qui se voulait humoristique mais que certains ont pris au sérieux. Selon le consultant en communication et conférencier Laurent Gailbraud, auteur du livre « Orchestrer la rumeur », peu importe q'une rumeur soit vraisemblable ou non pour fonctionner. « Pour lancer une "bonne rumeur", il suffit de faire appel à l’un de ces quatre sentiments : le rire, la peur, la colère et le dégoût. Dans le cas d’Ebola à Nantes, les auteurs ont probablement cherché à faire appel à la fois au rire et/ou à la peur. C’était donc le succès assuré ! De plus, l'alerte sanitaire est de très loin la rumeur qui fonctionne le mieux », analyse ce dernier.

Ecoutez Laurent Gaildraud, consultant en communication et conférencier : « L'effroi, le rire, le dégout et la colère sont des sentiments premiers situés dans des zones précises du cerveau. »



Ces rumeurs ont des conséquences : « Certaines rumeurs peuvent être dangereuses, même les plus stupides ! Dites à quelqu'un qu'il peut boire de l'eau de javel pour se protéger du virus et vous êtes sûr qu'au moins une personne sera tentée de le faire », alerte Laurent Gaildraud. Plus grave encore : « la rumeur selon laquelle les Occidentaux ont importé le virus pour faire main basse sur les terrains d'exploitation africains a conduit plusieurs patients africains à refuser les soins proposés par les équipes de Médecins Sans Frontières » déplore Frédéric Le Marcis, professeur en anthropologie sociale à l'ENS de Lyon. 

Tordre le cou aux rumeurs ?
« Le phénomène des histoires vraies ou fausses autour d’Ebola n’est pas nouveau. Autour de l’épidémie se jouent en permanence des problèmes et des enjeux qui n’ont rien à voir avec l’épidémie », constate Frédéric Le Marcis.
Mais, une fois diffusées, que faire de ces rumeurs ? Attendre qu’elles se taisent d’elles-mêmes ? Ou tenter de les démentir ? Pour Laurent Gailbraud, tenter de taire une rumeur est la pire des choses à faire : « L’espérance de vie d’une rumeur est fortement limitée, en particulier lorsqu'elle circule sur internet. En moyenne, elle meurt au bout d’une semaine. Mais si une tierce personne essaie de la démentir publiquement alors qu’elle est encore brûlante, il ne fera que jeter de l’huile sur le feu et celle-ci vivra un peu plus longtemps. »
Mais selon Véronique Campion-Vincent, auteur de l’ouvrage « 100 % rumeurs », certaines rumeurs vivent plus longtemps qu'une semaine. «  Il faut surveiller une rumeur lorsqu’elle perdure dans le temps et la démanteler en faisant de l’information et de la prévention de façon à éviter qu’elle ne s’ancre profondément dans l’esprit des populations, comme on l’a fait avec le sida en affirmant qu’il n’existait pas ». Un avis que rejoint Frédéric le Marcis : « Les rumeurs les plus graves, comme celles que les médecins humanitaires occidentaux laissent mourir leurs patients africains, doivent faire l’objet de prévention, mais aussi de transparence. Et en ce qui concerne les rumeurs issues de blagues douteuses ou destinées à semer la panique totalement invraisemblables, elles se tairont d’elles-mêmes. »

 

Ecoutez Frédéric Le Marcis, professeur en anthropologie sociale à l'ENS de Lyon : « On peut démentir une rumeur mais elle se base parfois sur une réalité structurelle qui rend la tâche difficile... »


Tourner en dérision un danger pour le dédramatiser, semer la panique autour de soi, faire le buzz sur internet... Les raisons de divulguer des rumeurs sont nombreuses et n'importe qui peut les colporter. Internet et les réseaux sociaux aggravent-ils la psychose actuelle qui entoure Ebola ? «  Nous sommes de toute évidence dans un contexte actuel de méfiance généralisée vis-à-vis de tout, qui ne fait qu’empirer avec le temps. Mais les rumeurs se propageaient bien avant l’apparition des réseaux sociaux. Internet est l'outil de diffusion, pas la cause. Les rumeurs circulent certes plus rapidement. Mais de la même façon, elles meurent plus vite », considère Laurent Gaildraud.


Mais internet ne sert pas qu'à colporter des histoires douteuses. Depuis une semaine, une campagne vidéo de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation Ebola nommée « Je suis Libérienne, pas un virus » circule sur Youtube. Une initiative prise par une Américano-libérienne suite à l'histoire de sa fille de 9 ans à qui ses camarades de classe auraient dit : « tu viens d'Afrique donc tu as une maladie. » 




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